Les psychologues algériens affirment que les comportements violents ou hors-la-loi dans la jeunesse sont une réaction à la corruption et à des idées fausses.
Du phénomène de l'immolation par le feu à l’émigration clandestine et à la violence, des psychologues ont décortiqué les malaises de la jeunesse algérienne.
L’Association pour l’aide, la recherche et le perfectionnement en psychologie (SARP) s’est penchée sur la question lors d'un colloque de deux jours qui s'est achevé le 26 février à Alger. Cette conférence, intitulée "Jeunes : entre malaise de vie et projet de vie", a tenté d'apporter un éclairage sur les défis que la jeunesse d'aujourd'hui devra relever.
Chérifa Bouatta, professeur en psychologie et vice-présidente de la SARP, a ausculté le phénomène de l’immolation par le feu. Pour elle, ces faits sont les symptômes d’un malaise révélateur d’une crise profonde qui traverse la société. Selon l’explication de la psychologue, les jeunes sont confrontés à une frange de la population s’enrichissant de manière peu éthique et transgressant la loi sans jamais se sentir inquiétée.
“La loi instaure l’absence de loi ou la loi perverse, qui divise le monde en deux : la personne capable qui se compte parmi les trabendistes, les gens qui “réussissent” grâce au piston et des interventions, et la personne incapable”, a-t-elle précisé à Magharebia.
Selon Chérifa Bouatta, le jeune est ainsi pris entre deux options : se révolter ou se détruire. "Il veut transmettre un message. Il tend à faire face aux privilégiés contre lesquels il ne peut rien. Alors il veut montrer que lui aussi peut être capable", a-t-elle expliqué.
Le phénomène des harragas serait aussi, selon l’explication de Nourredine Khaled, psychologue, un acte "contestataire" face au peu de perspectives d’intégration sociale.
"Croire que l'immigration clandestine est un acte de désespoir est très réducteur d’un phénomène complexe", a-t-il souligné. "Nous pensons que pour ces jeunes, c'est l’une des rares possibilités qui restent pour construire leurs identités et tenter de se réaliser en tant qu’hommes. En ce sens, ce n’est pas un mouvement destructeur, malgré les risques de mort qui les guettent, mais une tentative extrême de réalisation de soi."
Khaled, qui a réalisé une enquête sur ce thème pour le compte de la SARP, a souligné que les prétendants à l’émigration clandestine ont généralement entre 14 et 26 ans, précisant que 68,47 pour cent de ces migrants sont encore mineurs et 31,5 pour cent sont de jeunes adultes. Ce phénomène reste presque exclusivement masculin. Près de la moitié des migrants sont originaires du centre du pays, 41 pour cent de l’ouest et 11 pour cent de l’est.
L’émigration sur des barques de fortune est une forme de violence contre soi, par le biais d'une "réaction d’impuissance" face à l’incapacité de se projeter dans le futur, selon Hallouma Cherif, professeur de psychologie à l’université d’Oran.
"Ne sont-ils pas justement en train de se positionner sur l’échelle de compétences la plus ancestrale, celle qui les évalue sur le danger et la prise de risques pour être un homme, pour ne pas être dans la ressemblance avec les filles ?", s'est-elle interrogé.
Très souvent, la désillusion guette ces jeunes à leur arrivée de l’autre côté de la rive. C’est ce que raconte Sylvie Dutertre, psychologue clinicienne qui assure l’accompagnement psychologique des mineurs en situation irrégulière à Marseille.
"Se confronter à la réalité de la France renvoie une image narcissiquement blessante", a-t-elle affirmé, ajoutant : "On assiste à des situations d’errance, des traumatismes divers et des manifestations dépressives. Ce n’est qu’une fois posés, protégés et pris en charge par les services de l’Aide sociale à l’enfance qu’ils s’autorisent, pourrait-on dire, à s’effondrer."
Dutertre a déclaré que les manifestations dépressives, expressions de cet effondrement, se lient souvent à des scarifications et consommations de produits psycho-actifs.
Le fait est, d’après elle, que le phénomène de l’émigration s’alimente du mythe qu’entretiennent les émigrés qui rentrent au pays pour les vacances, rapportant chocolats et petits cadeaux. Les jeunes adolescents voient dans la figure de l’émigré un "héros". Face à l'horizon, a-t-elle expliqué, ils imaginent un "ailleurs fantasmé".
Faouzia, psychologue clinicienne et participante au colloque, a analysé l’importance qu'il y a à intégrer les psychologues dans le débat public. "Très souvent", a-t-elle dit, "on essaie de parler au nom des jeunes Algériens sans même tenter de les comprendre. C’est pour cela que les psychologues devraient être intégrés dans ce genre de débat."
Ce contenu a été réalisé sous requête de Magharebia.com.
Du phénomène de l'immolation par le feu à l’émigration clandestine et à la violence, des psychologues ont décortiqué les malaises de la jeunesse algérienne.
L’Association pour l’aide, la recherche et le perfectionnement en psychologie (SARP) s’est penchée sur la question lors d'un colloque de deux jours qui s'est achevé le 26 février à Alger. Cette conférence, intitulée "Jeunes : entre malaise de vie et projet de vie", a tenté d'apporter un éclairage sur les défis que la jeunesse d'aujourd'hui devra relever.
Chérifa Bouatta, professeur en psychologie et vice-présidente de la SARP, a ausculté le phénomène de l’immolation par le feu. Pour elle, ces faits sont les symptômes d’un malaise révélateur d’une crise profonde qui traverse la société. Selon l’explication de la psychologue, les jeunes sont confrontés à une frange de la population s’enrichissant de manière peu éthique et transgressant la loi sans jamais se sentir inquiétée.
“La loi instaure l’absence de loi ou la loi perverse, qui divise le monde en deux : la personne capable qui se compte parmi les trabendistes, les gens qui “réussissent” grâce au piston et des interventions, et la personne incapable”, a-t-elle précisé à Magharebia.
Selon Chérifa Bouatta, le jeune est ainsi pris entre deux options : se révolter ou se détruire. "Il veut transmettre un message. Il tend à faire face aux privilégiés contre lesquels il ne peut rien. Alors il veut montrer que lui aussi peut être capable", a-t-elle expliqué.
Le phénomène des harragas serait aussi, selon l’explication de Nourredine Khaled, psychologue, un acte "contestataire" face au peu de perspectives d’intégration sociale.
"Croire que l'immigration clandestine est un acte de désespoir est très réducteur d’un phénomène complexe", a-t-il souligné. "Nous pensons que pour ces jeunes, c'est l’une des rares possibilités qui restent pour construire leurs identités et tenter de se réaliser en tant qu’hommes. En ce sens, ce n’est pas un mouvement destructeur, malgré les risques de mort qui les guettent, mais une tentative extrême de réalisation de soi."
Khaled, qui a réalisé une enquête sur ce thème pour le compte de la SARP, a souligné que les prétendants à l’émigration clandestine ont généralement entre 14 et 26 ans, précisant que 68,47 pour cent de ces migrants sont encore mineurs et 31,5 pour cent sont de jeunes adultes. Ce phénomène reste presque exclusivement masculin. Près de la moitié des migrants sont originaires du centre du pays, 41 pour cent de l’ouest et 11 pour cent de l’est.
L’émigration sur des barques de fortune est une forme de violence contre soi, par le biais d'une "réaction d’impuissance" face à l’incapacité de se projeter dans le futur, selon Hallouma Cherif, professeur de psychologie à l’université d’Oran.
"Ne sont-ils pas justement en train de se positionner sur l’échelle de compétences la plus ancestrale, celle qui les évalue sur le danger et la prise de risques pour être un homme, pour ne pas être dans la ressemblance avec les filles ?", s'est-elle interrogé.
Très souvent, la désillusion guette ces jeunes à leur arrivée de l’autre côté de la rive. C’est ce que raconte Sylvie Dutertre, psychologue clinicienne qui assure l’accompagnement psychologique des mineurs en situation irrégulière à Marseille.
"Se confronter à la réalité de la France renvoie une image narcissiquement blessante", a-t-elle affirmé, ajoutant : "On assiste à des situations d’errance, des traumatismes divers et des manifestations dépressives. Ce n’est qu’une fois posés, protégés et pris en charge par les services de l’Aide sociale à l’enfance qu’ils s’autorisent, pourrait-on dire, à s’effondrer."
Dutertre a déclaré que les manifestations dépressives, expressions de cet effondrement, se lient souvent à des scarifications et consommations de produits psycho-actifs.
Le fait est, d’après elle, que le phénomène de l’émigration s’alimente du mythe qu’entretiennent les émigrés qui rentrent au pays pour les vacances, rapportant chocolats et petits cadeaux. Les jeunes adolescents voient dans la figure de l’émigré un "héros". Face à l'horizon, a-t-elle expliqué, ils imaginent un "ailleurs fantasmé".
Faouzia, psychologue clinicienne et participante au colloque, a analysé l’importance qu'il y a à intégrer les psychologues dans le débat public. "Très souvent", a-t-elle dit, "on essaie de parler au nom des jeunes Algériens sans même tenter de les comprendre. C’est pour cela que les psychologues devraient être intégrés dans ce genre de débat."
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