Ils sont bannis de la télévision et de la radio publiques. Ils ne peuvent pas organiser de manifestations dans les rues, celles-ci étant officiellement interdites pour cause d’état d’urgence. Ajoutons à cela que le gouvernement refuse systématiquement d’agréer de nouveaux partis politiques. Ainsi, depuis quelques années, les hommes politiques de l’opposition en Algérie peinent à trouver un espace pour s’exprimer librement et contester les choix du pouvoir.
Résultat, ils choisissent d’autres formes d’expression. Par exemple, ils se montrent de plus en plus prolixes dans les ambassades occidentales. C’est un fait notoire depuis quelques années déjà et les dernières révélations de Wikileaks n’ont fait que le confirmer. Toutes les tendances politiques, y compris celles d’obédience islamiste, sont représentées dans cette nouvelle forme d’opposition.
C’est ainsi que le président du Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD) Said Sadi va longuement disserter sur les dessous de la politique algérienne avec l’ambassadeur américain à Alger. Le câble le citant, daté du 19 décembre 2007, dresse un tableau très peu flatteur d’un système algérien gangrené par la corruption et totalement fragilisé par les luttes de clans dans les plus hautes sphères du pouvoir.
Dans ce mémo classé confidentiel, M. Sadi évoque même son entretien avec le patron de la DRS, Mohamed Médiène dit Toufik. Il confie à l’ambassadeur US que son interlocuteur reconnaissait la dégradation de la situation en Algérie. Il mettra toutefois « en garde contre les dangers à long terme du silence gardé par les États-Unis sur ce qu'il perçoit comme la détérioration de la démocratie algérienne, comme en témoignent les élections locales ».
Pâtissant lui aussi de la fermeture du champ politique et médiatique en Algérie, l’ex-leader d’Ennahda, Abdellah Djaballah trouvera lui aussi des interlocuteurs pour lui prêter une oreille très attentive à la résidence sise 4, chemin Cheikh El Bachir El Ibrahimi à El Biar. Car ce leader islamiste va, quant à lui, se plaindre auprès de l’ambassadeur US du fait que les autorités algériennes l’empêchent d’activer légalement en Algérie. Tout comme M. Sadi, M. Djaballah avait abordé le problème de la corruption qui a atteint, précise-t-il, des proportions alarmantes.
Les hommes politiques ne sont pas les seuls à pratiquer cet exercice. Ne pouvant plus contester les comptes rendus officiels ou encore les justifications émanant du pouvoir, les intellectuels et les journalistes se contentent d’analyser et de décortiquer la situation algérienne dans les représentations diplomatiques. En effet, l’un des premiers câbles diplomatiques sur l’Algérie divulgué par Wikileaks évoquait l’analyse d’une journaliste du quotidien Liberté sur l’élection au sein du Conseil de la Nation (Sénat). « Une journaliste du quotidien Liberté qui a couvert tous les aspects de l'élection, nous a dit que le résultat était connu d'avance, que le Président Bouteflika désigne les sénateurs qu'il veut, et qu'il a voulu que Bensalah conserve son poste », lit-on dans le document.
Pour un opposant politique ou un journaliste, user de sa liberté d’expression est devenu un exercice bien délicat. Surtout dans un pays où tout ce qui porte atteinte au pouvoir en place est souvent perçu comme subversif si ce n’est attentatoire à la stabilité du pays. Reste à savoir si cette action peut atteindre son objectif. Peu probable. Si l’on en croit les câbles de WikiLeaks , dans les comptes-rendus de leurs discussions avec leurs interlocuteurs algériens, les diplomates américains semblent peu soucieux des problèmes de politique intérieure algérienne. A cet égard, le câble consacré à la révision de la Constitution en dit long sur leur vision des choses.