La mise sous mandat de dépôt par le magistrat instructeur près le tribunal d’Arzew, lundi dernier, de Abdelhafid Feghouli, actuel DG de Tassili Airlines ex vice-président de l’activité Aval, et PDG par intérim de Sonatrach n’est pas reçue comme une surprise à Oran ou se situe le siège de l’activité Aval. Elle était pendante compte tenu de l’évolution du dossier d’instruction. Trois autres cadres du secteur sont également arrêtés pour passation de marché contraire à la réglementation.
C’est le contrat Safir du 03 octobre 2007 à Arzew qui a fait tomber Abdelhafid Feghouli. Sonatrach, à travers l’Activité Aval basée à Oran, et la société Algero- Française d’engineering et de réalisations (Safir) ont signé un contrat portant sur la réalisation d’un centre de stockage et de conditionnement de l’Azote au niveau de la plate forme industrielle d’Arzew.
Ce projet, a été qualifié à l’époque par Abddelhafid Feghouli, alors Vice-président de Sonatrach en charge de l’activité Aval, de « stratégique pour la sécurisation des installations implantés dans la zone industrielle d’Arzew et ceux en cours de réali! sation ou en projets. » Le projet devait « permettre l’accroissement des capacités de stockage d’azote de Cogiz (filiale 100% de Sonatrach) de 300 000 litres à 1,5 millions de litres d’Azote, grâce à la réalisation de 10 bacs de stockage pour un montant avoisinant les 10 millions d’euros. Qu’est ce qui a mal tourné ? Le juge d’instruction considère que la réglementation n’a pas été respectée dans la passation de ce marché de gré à gré. Il a mis en mandat de dépôt, outre le patron de l’activité aval de l’époque, M Henni Mekki, directeur études et développement au sein de l’activité Aval, M. Nechnech, DG de SAFIR, société Algéro-française d’engineering et de réalisation, en leur qualité de signataires du contrat et un ancien cadre en retraite.Safir des allures de petit BRC
SAFIR paraissait depuis quelques temps comme la joint venture par laquelle le scandale arrive à Arzew. Aux mois d’octobre et de novembre 2007, le collectif des travailleurs de Safir avait fait plusieurs jours de grève pour dénoncer, entre autres, un partenariat passé « dans des conditions non conformes au cahier des charges et dans des conditions très controversées ». C’est la cession des parts de Gaz de France, 49%, au profit d’un nouvel actionnaire français qui était ciblée par le mouvement. Safir a été créée en 1992 à Arzew par Sonatrach et Sonelgaz en partenariat avec Gaz de France pour, notamment, apporter un soutien en engineering aux unités d’exploration, de forage et de production d! u groupe Sonatrach. La société Safir a été le prolongement d’une coopération entre les deux groupes algériens et français en 1991 pour la rénovation du complexe de liquéfaction de gaz naturel (GL4/Z) à Arzew pour 35 millions de dollars. L’objectif de départ, explique un représentant des travailleurs, consistait en « la création d’une société mixte à la mesure de développer localement un savoir-faire dans le domaine des hautes technologies ». Cependant Sonatrach et Gaz de France ont divergé, au début des années 2000, sur la politique de développement de leur joint venture. Gaz de France a alors exprimé le désir de se retirer de la société SAFIR, estimant que les protocoles d’accord de 1991 n’étaient plus suivis. Un nouvel actionnaire, Marais Contracting, une entreprise familiale française, activant dans le domaine des réseaux de fibres optiques et des télécommunications, a racheté en 2005 les actions de Gaz de France « pour une bouchée de pain », selon une source proche de la transaction. Ainsi, tout comme Gaz de France, cet acteur se retrouvait actionnaire de référence dans Safir, Sonatrach avec 36% et Sonelgaz avec 15% ne détenant la majorité qu’ensemble. Safir a bénéficié de la dissolution de BRC (Brown Roth and Condor) en 2006-2007 pour s’emparer de nouveaux marchés de réalisation d’équipements dans le secteur de l’énergie. Visiblement selon des procédés, semble t-il, voisins de ceux qui ont fait éclater l’affaire BRC.
Un nuage islandais comme un mauvais signe
L’information judiciaire a été ouverte dans cette affaire suite a plusieurs semaines d’investigations diligentées par le DRS portant également sur d’autres contrats passés lors du règne de l’ex ministre de l’énergie et des mines, Chakib Khelil. L’activité Aval s’est distinguée, plus visiblement que les autres activités du groupe Sonatrach ces dernières années, par la passation d’une multitude de contrats aux montants le plus souvent très importants. Dans la longue liste, il convient de retenir le contrat sur la réalisation de mégaprojets tels que le GL3Z, confié initialement au Consortium «PETROFAC/IKPT pour être finalement attribuer au consortium Snam-Progetti/Chyoda ; l’Aluminerie de Beni Saf et le projet de raffinerie de Tiaret, les deux actuellement en stand-by, et la réalisation de plusieurs complexes d’ammoniac et d’urée (Orascom, Fertibéria et AOA en partenariat avec le sultanat d’Oman) en majorité par des financements nationaux et où l’Etat algérien est minoritaire (détenteur de 49% des actions ). Le total des contrats engagés par la seule activité aval de Sonatrach dans la période 2006-2010 avoisine les 10 milliards de dollars. Ce montant ne comptabilise pas les nombreux contrats contractés sous le sceau de la précipitation dans le cadre de l’organisation de la 16ème conférence internationale sur le gaz naturel liquéfié (LNG16) qui s’est tenue à Oran du 18 au 21 avril 2010. En effet, l’organisation de cette conférence a nécessité la réalisation en moins de deux années de sept giratoires (qualifiés d’œuvres d’art), de plusieurs trémies, un chapiteau aérogare, un centre de conventions, un hôtel cinq étoiles, d’aménagements en tout genres (à travers la ville et le port). Deux bateaux hôtels ont été affrétés pour la conférence, mais sont restés vides frappés par la crise aérienne provoquée par le volcan islandais. Un mauvais signe vécu à Oran comme l’annonce de la fin pour le couple Khelil-Feghouli qui avait succédé depuis janvier 2010 au couple Khelil-Meziane.