Les dirigeants algériens portent-ils un regard pessimiste sur l’avenir du pays ? Même si officiellement, le gouvernement est optimiste, des mots et phrases glissés dans les textes de loi ou prononcés pour commenter des statistiques officielles trahissent une angoisse certaine. Dernier exemple en date, le texte de loi sur la concurrence.
Dans l’article 5 consacré à la lutte contre la spéculation, le rédacteur écrit : « Peuvent être également prises, dans les mêmes formes, des mesures temporaires de fixation ou de plafonnement des marges et des prix des biens et services, en cas de hausses excessives et injustifiées des prix, provoquées, notamment, par une grave perturbation du marché, une calamité, des difficultés durables d’approvisionnement dans un secteur d’activité donné ou une zone géographique déterminée ou par des situations de monopoles naturels ». Le texte contient plusieurs références angoissantes : calamité, grave perturbation, difficulté durable d’approvisionnement…
A la lecture de ce texte, on comprend bien que le gouvernement ne prévoit pas un avenir radieux pour les Algériens. On croyait la situation actuelle, marquée par des perturbations sur le marché des produits de large consommation, temporaire en attendant la mise en place de mécanismes de régulation et d’encouragement de la production nationale. Mais en réalité, le gouvernement semble prévoir un avenir au moins aussi difficile, voire sombre. Un pessimisme qu’aucun indicateur sérieux ne peux expliquer : les climatologues ne prévoient pas une grande catastrophe en Algérie de type sécheresse durable ; notre pays n’est pas menacé comme l’Iran par un conflit durable avec les grandes puissances ou un embargo international et le terrorisme islamiste ne peut plus constituer une menace aussi sérieuse que dans les années 1990.
Pire : l’Algérie dispose d’importantes réserves de change et de ressources naturelles dont l’épuisement n’est pas prévu avant 2050, selon les prévisions les plus pessimistes et une population jeune. Au lieu de prévoir des textes de loi capables de mettre tous ces atouts au service de la prospérité de la nation, le gouvernement semble se préparer au pire.
Cette vision angoissée de l’avenir, on la retrouve également régulièrement dans les propos du ministre des Finances et du Gouverneur de la Banque d’Algérie. Chez ces deux responsables, chaque communication sur les réserves de change de l’Algérie est systématiquement suivie d’une précision sur le nombre d’années d’importation couvertes par les sommes disponibles. Avec 140 milliards de dollars dans les caisses, l’Algérie peut « tenir » trois ans d’importation. Là encore, au lieu de chercher à trouver le meilleur moyen de faire fructifier ces sommes et de réduire la dépendance du pays à l’égard des importations et des hydrocarbures, le gouvernement donne l’impression de se préparer au pire : la fin des ressources en devises.
En fait, cette façon de regarder l’avenir a peut-être une explication. La majorité des dirigeants actuels, à leur tête Ahmed Ouyahia, ont commencé leur carrière au sommet de l’Etat au début des années 1990, au moment où l’Algérie était sous la double menace des terroristes et de la cessation de paiement. Ils semblent avoir gardé des séquelles de cette triste période où l’Etat algérien a failli s’effondrer. Aujourd’hui, ils peinent à gérer des situations d’opulence financière.