Le nombre de familles jetées à la rue ne cesse d’augmenter en Algérie. Ce drame des expulsions est aujourd’hui en passe de devenir un phénomène social au même titre que la harga.
En effet, le nombre de familles dans la rue qui ne dépassait pas les 200 il y a quelques mois, est passé aujourd’hui à 700 sur le territoire national. Le porte-parole du comité SOS expulsion, Hakim Salmi, a annoncé hier, lors d’une conférence de presse, que les opérations d’expulsion se poursuivent et s’intensifient dans toute l’Algérie. «Depuis la création de ce comité, nous avons recensé plus 710 familles qui sont jetées abusivement à la rue, sans compter les familles qui n’ont pas pu nous contacter», fulmine cet ex-policier, lui aussi victime d’expulsionil y a plus d’une année.
D’Oran, de Annaba, de Constantine, des milliers de familles viennent à Alger pour saisir le comité SOS expulsion, un comité qui active sous la coupe de la Ligue algérien de la défense des droits de l’homme (LADDH). «Aujourd’hui, des familles entières, des enfants, passent le ramadhan dans la rue. Le pire est à craindre puisque la rentrée scolaire pointe déjà son nez», ajoute M.Salmi. Ce n’est pas la première fois que ce comité dénonce la recrudescence des expulsions indélicates et injustifiées. SOS expulsion à tenté à maintes reprises d’intégrer ces familles dans les programmes de relogement menés à tour de bras par le gouvernement, mais en vain.
«Aucune autorité ne veut nous entendre, en dépit de la gravité de la situation et les risques majeurs sur nos enfants qui sont derrière ce phénomène. Pourtant, la plupart des expulsions sont faites de manière arbitraire et illégale. Le pire, on ne nous laisse pas d’autres voies de recours. Toutes nos tentatives et démarches se sont avérées infructueuses», déplore le conférencier. Selon lui, ni les 7 familles du Centre spécialisé de rééducation de Birkhadem qui ont été expulsées l’année dernière, ni les familles jetées à la rue dans les autres wilayas, ne sont relogées à ce jour, malgré toutes les démarches qui ont été introduites.
Les 339 familles expulsées récemment dans la cité Roumanie, dans la wilaya de Constantine, viennent ainsi se greffer à la liste déjà effrayante de familles livrées aux aléas de la rue. Ce cas est des plus étonnants. Expropriées de leurs maisons par la force publique, 150 familles se sont déplacées il y a 15 jours à Alger pour faire de la gare routière du Caroubier leur quartier général. Ces familles ont été exclues d’une opération de relogement effectuée le 11 avril dernier par la wilaya de Constantine et ce, en dépit des actes de propriété qu’elles ont en leur possession. Il ne s’agit pas là d’une opération de démolition des habitats précaires ou des bidonvilles. Il s’agit d’un projet de destruction d’immeubles afin de récupérer une parcelle de terrain pour cause d’utilité publique. Les familles ne sont ni indemnisées ni relogées dans un autre cité.
Elles parlent de fuite en avant et de tentative d’exclure des listes des bénéficiaires des centaines de familles ayant construit en surélévation sur des terrains qui étaient, disent-ils, les leurs. Ces familles s’interrogent pourquoi ne pas avoir affiché la liste des bénéficiaires de logements, la liste des exclus et les motifs de leur exclusion. Le plus étonnant dans cette affaire, c’est qu’avant l’entame de l’opération de relogement, la wilaya a établit une liste de 1 050 bénéficiaires pour un cité qui abrite 1 400 familles. Ensuite, les mêmes instances n’ont attribué que 721 logements.
Les familles expulsées se demandent où sont passés les 300 logements qui restent ? «Il y a violation de la loi», dira Me Zahouane, président de LADDH, qui a tenté d’expliquer cette affaire d’un point de vue juridique. «L’Etat doit d’abord établir un arrêté d’expropriation pour utilité publique qui sera publié par la suite avec les propositions d’indemnisation (argent, appartement). Si cette procédure consensuelle entre les citoyens et les autorités n’aboutit pas, le dossier sera transféré à la justice», précise-t-il, soulignant que «le phénomène des expulsions est en train d’émerger gravement et de pourrir notre société».