Provoqué initialement pour contrecarrer le berbérisme (voir l'aveu du général Khaled Nezzar sur Al-Khabar Ebdo), le terrorisme islamiste est actuellement entretenu pour pérenniser le système mafieux qui gouverne l'Algérie et empêcher l'avènement d'un État démocratique. Par la renonciation à leur devoir respectivement de répandre la vérité et défendre le citoyen ordinaire, les journalistes et les juges algériens se rendent complices dans la tragédie algérienne depuis son début.
Comme après chaque attentat terroriste, les médias algériens – télévision, radio, presse écrite gouvernementale et indépendante – s’empressent d'annoncer la macabre nouvelle aux Algériens tout en endossant la responsabilité automatiquement aux terroristes islamistes [1] jadis désignés sous le nom du GIA et aujourd'hui sous les appellations du GSPC et du AQMI. Les informations, très rarement basées sur des explications logiques, proviennent très souvent de sources sécuritaires et au fil des jours elles s'avèrent ou totalement fausses [2], ou contradictoires à soulever des doutes. Nos journalistes, qui manquent affreusement de professionnalisme, d'honnêteté et de courage, se contentent de reproduire les messages qui leur sont adressés, sans autres commentaires ou complément d'information de leur part qui puissent remettre en cause les thèses officielles et rediriger l'opinion publique vers d'autres pistes qui mèneraient peut-être à la vérité.
Certes, la guerre psychologique est parfois nécessaire pour affaiblir l'ennemi, mais dans le cas de l'Algérie, celle que mène le régime algérien ne semble pas affecter les soi-disant terroristes islamistes qui, au lieu de montrer des signes d'essoufflement, redoublent de férocité et fauchent presque chaque jour des dizaines de vies humaines parmi les citoyens ordinaires, les intellectuels [3], les militants des droits humains, les opposants politiques, les simples soldats, les simples agents de police et de gendarmerie. On se demande alors si les principaux protagonistes de ce jeu macabre n'appartiennent pas au même groupe et qu'ils ne se sont pas mis d'accord pour faire perdurer le terrorisme et le gérer de façon à ce qu'ils protègent leurs intérêts et qu'ils préservent leurs privilèges.
En fait, bien des indices nous incitent à croire qu'il y a une connivence et une étroite collaboration entre le pouvoir algérien, du moins une partie de celui-ci, et certains groupes armés qui sèment la terreur en Algérie. Les journalistes algériens devraient se poser des questions et mener des investigations avant d'entamer tout écrit sur le terrorisme et ce qui s'en suit comme horreur. Comment se fait-il qu'une armée de centaines de milliers de soldats bien équipés ne parvienne toujours pas, après plus de 15 ans de lutte, à venir à bout d'une poignée de "tangos" (600 à 800 éléments selon le chiffre officiel) squattés sur tout le territoire national ? Comment se fait-il que malgré le déploiement de l'ANP (points de contrôle dans chaque coin et couverture aérienne avec caméra à infrarouge pour vision de nuit) les "tangos" arrivent quand même à se déplacer aisément avec leurs armes lourdes d'une région à l'autre ? Comment et d'où les "tangos" [4] se procurent-ils des armes et du matériel de bombes et comment les déplacent-ils d'une région à l'autre sans qu'en soient informés les services secrets qu'on dit avoir infiltré les groupes armés? Comment se fait-il que les agents secrets du DRS qui excellent pourtant dans la recherche et la découverte des individus parmi les militants des droits humains et d'opposants en cavale ou en exil, n'arrivent pas à localiser et mettre hors d'état de nuire des groupes armés contenant des trentaines d'éléments et se déplaçant à pied, parfois même dans des zones découvertes comme le désert ?
L'on peut encore se poser des dizaines d'autres questions qui jettent un total discrédit sur la soi-disant lutte antiterroriste que mène le régime algérien depuis l'arrêt du processus électoral en 1992. Même si l'on tente de justifier l'échec de mettre un terme au terrorisme, non pas par la volonté de maintenir le statu quo, mais par l'incompétence des décideurs, civils et militaires, ceux-ci restent encore coupables du chaos, de la terreur et de la mort qui règnent en Algérie, ce qui devrait inciter nos journalistes à en parler et notre justice à lancer des enquêtes pour situer les responsabilités et sanctionner les fautifs. Ce silence de la part de ceux qui devront répandre la vérité pour la défense du citoyen équivaut à un soutien au terrorisme et l'immobilisme de ceux qui devront le protéger des injustices est une non-assistance aux personnes en danger. La loi algérienne et le droit international sont clairs quant aux mesures à prendre dans ces cas-là [5].
Par Geoffroy Idouassem