Le Sahara marocain est aujourd’hui l’une des zones les plus sûres dans la région du Sahel et du Sahara. - Le Maroc s’engage aujourd’hui à faire du Sahara marocain un centre d’échanges et un axe de communication avec les pays africains subsahariens et à mettre en place les infrastructures nécessaires à cet effet. Encore une fois, notre pays va honorer ses engagements, au grand désespoir des ennemis. En revanche, les populations de Tindouf, en Algérie, continuent à endurer les affres de la pauvreté, de la désolation et de la privation et à pâtir de la violation systématique de leurs droits fondamentaux. Ceci incite à s’interroger légitimement : - Où sont passées les centaines de millions d’euros accordées sous forme d’aides humanitaires, lesquelles dépassent les 60 millions d’euros par an, sans compter les milliards affectés à l’armement et au soutien de la machine de propagande et de répression utilisée par les séparatistes ?. - Comment expliquer la richesse insolente des leaders du séparatisme, qui possèdent des biens immobiliers et disposent de comptes et de fonds en banque, en Europe et en Amérique latine ?. - Pourquoi l’Algérie n’a rien fait pour améliorer les conditions de vie des habitants des camps de Tindouf estimés tout au plus à 40 mille individus, soit l’équivalent de la population d’un quartier de taille moyenne dans la capitale Alger ?. Cela veut dire qu’en quarante ans, elle n’a pas pu ou n’a pas voulu doter ces populations de quelque 6000 logements pour préserver leur dignité, soit une moyenne annuelle de 150 unités de logement. - Pourquoi l’Algérie, qui a dépensé des milliards dans sa croisade militaire et diplomatique contre le Maroc, accepte-t-elle de laisser la population de Tindouf vivre cette situation dramatique et inhumaine ?. L’Histoire jugera ceux qui ont réduit les enfants libres et dignes du Sahara à l’état de quémandeurs d’aides humanitaires. Elle retiendra aussi à leur sujet qu’ils ont exploité le drame d’un groupe parmi les femmes et les enfants du Sahara en faisant d’eux un butin de guerre, un fonds de commerce illégitime et un moyen de lutte diplomatique. Je tiens à poser aux habitants des camps de Tindouf cette question: Etes-vous satisfaits des conditions dramatiques dans lesquelles vous vivez ? Les mères acceptent-elles le désespoir et la frustration de leurs enfants qui buttent sur un horizon bouché ?. Je récuse cette situation inhumaine qui vous est imposée. Mais si vous vous en accommodez, n’en faites le reproche qu’à vous-mêmes en voyant le Maroc assurer le développement de ses provinces du Sud et créer pour leurs habitants les conditions d’une vie digne et libre. Cher peuple,. La question du Sahara n’est pas le premier problème auquel le Maroc a été confronté au fil de son histoire. Il a déjà connu les jours de la Siba et de l’anarchie et vécu sous le Protectorat et l’Occupation. Il a été également le théâtre des luttes et des dissensions de la période postindépendance touchant à la construction de l’Etat moderne. Mais il a toujours surmonté les situations difficiles dont il sortait uni, fort et la tête haute. Il y est parvenu grâce à la foi du peuple marocain qui croit à la communauté de son destin, à sa mobilisation pour la défense des valeurs sacrées du pays et de son intégrité territoriale et à la forte symbiose qui l’unit à son Trône. En entreprenant l’application de cette régionalisation et de ce modèle de développement, le Maroc veut donner de plus grandes chances à la recherche d’une solution définitive au conflit artificiel autour de notre intégrité territoriale. Fermement convaincu de la justesse de notre Cause, le Maroc a répondu favorablement, en 2007, à l’appel lancé par la communauté internationale pour avancer des propositions permettant de sortir de l’impasse où l’affaire se trouve désormais. Aussi, Nous avons présenté l’Initiative d’autonomie pour les provinces du Sud, dont la communauté internationale a reconnu le sérieux et la crédibilité. Comme Je l’ai affirmé dans le Discours de la Marche Verte de l’année dernière, cette Initiative est le maximum que le Maroc peut offrir. Son application reste tributaire de l’impératif de parvenir à une solution politique définitive dans le cadre des Nations Unies. Il se leurre celui qui attend du Maroc qu’il fasse une tout autre concession. Car le Maroc a tout donné. Il a donné la vie de ses enfants pour défendre le Sahara. Devons-nous donner encore plus, comme le souhaitent certaines organisations internationales et non gouvernementales ? Nous connaissons les dessous de ces positions hostiles qui veulent diviser le pays. Nous savons aussi que ces organisations n’ont pas le droit de s’immiscer dans les affaires du Maroc. C’est le même principe qui régit notre relation avec certains cercles au sein d’organisations internationales, qui ignorent l’histoire du Maroc, et qui cherchent à présenter des conceptions éloignées de la réalité car concoctées dans des bureaux feutrés, comme autant de propositions pour régler le différend régional suscité autour de la marocanité du Sahara. Le Maroc refuse toute aventure aux conséquences incertaines, potentiellement dangereuses, ou toute autre proposition creuse ne servant à rien d’autre qu’à torpiller la dynamique positive enclenchée par l’Initiative d’autonomie. Le Maroc s’opposera aussi aux campagnes hostiles qui visent les produits économiques marocains, avec le même sens du sacrifice et le même engagement dont il fait preuve dans les domaines politique et sécuritaire pour défendre son unité et ses valeurs sacrées. Pour ceux qui, en violation du droit international, veulent boycotter ces produits, libre à eux de le faire. Mais, ils devront assumer les conséquences de leurs décisions. Le Maroc a le droit d’ouvrir la porte à ses partenaires, Etats et entreprises mondiales, pour profiter des opportunités d’investissement que la région va offrir grâce aux grands projets qui seront lancés. Vu que Nous ne faisons pas de distinction entre les régions Nord et Sud du Royaume, il n’y a pas pour Nous de différence entre les tomates d’Agadir et celles de Dakhla, les sardines de Larache et celles de Boujdour et le phosphate de Khouribga et celui de Boucraa, même si ce dernier représente moins de 2% des réserves nationales de cette ressource, comme l’attestent les données mondialement reconnues. Avec la même fermeté et la même rigueur, le Maroc fera face à toutes les tentatives visant à remettre en question le statut juridique du Sahara marocain et à contester l’exercice par notre pays de la plénitude de ses pouvoirs sur son territoire, tant dans ses provinces du Sud qu’au Nord. Cela exige de chacun de redoubler d’efforts et de rester vigilant et mobilisé pour faire connaitre la justesse de notre Cause et le progrès dont jouit notre pays, et contrecarrer les manœuvres des adversaires.

vendredi 24 septembre 2010

Tindouf (Algérie ?) : Questions de Souveraineté et de Stratégie

L’objectif proclamé par tous les responsables maghrébins est l’unité du Maghreb. Cette unité maghrébine demeure hypothétique et dominée depuis trois décennies par la rivalité maroco-algérienne, pour ne pas dire la rivalité algérienne tout court, avivée par le conflit du Sahara, œuvre algérienne. 

L’un des enjeux de ce conflit est la première place à l’intérieur du Maghreb. L’Algérie cherche obstinément à obtenir «indirectement» une ouverture sur l’Atlantique tout en brisant «définitivement» les aspirations marocaines au «Grand Maroc».
-Tindouf : No man’s land ou Land of Non Droit?

Tindouf est-elle sous souveraineté algérienne, région autonome ou indépendante? Pourquoi cette question banale sur un territoire d’un pays supposé souverain? L’observateur en général ou le lecteur en particulier est intrigué de voir souvent les journaux algériens placer les informations en provenance de Tindouf, supposées algériennes, dans la rubrique « Monde », « Internationale » ou « Etranger », et constate régulièrement que la presse internationale cite Tindouf comme étant le siège du Polisario et la capitale de la RASD auto-proclamée.

Tindouf est une région et le nom d’une petite ville qui a poussé au milieu du désert à 1.900 km au Sud-Ouest d'Alger à la frontière « informelle » avec le Maroc, située entre les parallèles 26°N et 26°30'N d'une part et les méridiens 8°40'W et 11°30'W d'autre part. Le paysage désertique est caillouteux et désolant où le terme « désert » prend son vrai sens d’austérité géographique (géomorphologique) et non d’un havre touristique vanté par certains Tours Opérators. La région compte une population déclarée d’environ 34000 habitants répartis entre deux communes : « Tindouf » et « Oum Lassel » et constitue dans le jargon administratif algérien, la 37ème circonscription administrative de l'État algérien: la wilaya de Tindouf. La wilaya selon la législation algérienne est une collectivité publique territoriale dotée d’une personnalité morale, d’une autonomie financière et d'une assemblée élue dénommée «Assemblée Populaire de Wilaya» et placée sous l'autorité du Wali (Préfet) nommé par le Président de la république.

Cette petite ville très discrète, mais très médiatisée, n’est animée que par la présence en masse de militaires algériens, de membres de Polisario et de trafiquants de contrebande de tout genre : détournement des aides humanitaires, trafic d’immigrants sub-sahariens, contrebande de boissons alcoolisées et de cigarettes de marque étrangère. Les tribus qui y habitent ont une continuité spatiale et ne connaissent pas les frontières imprécises et invisibles de part et d’autre des deux pays maghrébins. Certes, les logements sont précaires mais la vie est gratuite; ici l'État algérien subventionne tout: la nourriture, l'eau, l'électricité et le transport... Les autorités algériennes ont fait de l’aéroport de Tindouf le deuxième d'Algérie pour la fréquentation étrangère et le point névralgique de toute la région; au dire de certains algériens, il serait classé deuxième après celui d’Alger grâce au trafic des avions d’aides humanitaires, d’organisations non « gouvernementales » et de l’armée algérienne!

-Tindouf: Territoire « Ensablé », Sol algérien ou un presque Etat dans l’Etat ?

La région de Tindouf est officiellement un territoire algérien, donc sous la souveraineté de l’Etat algérien, mais aussi un siège de la capitale auto-proclamée éphémère de la RASD (la République Arabe Saharaoui Démocratique) taillée à l’image de la République algérienne Populaire et Démocratique où les dirigeants algériens ont choisi de domicilier en permanence le Polisario en poste avancé à la frontière marocaine. Une question légitime qui se pose de point de vue de la responsabilité à l’égard du droit international: sol algérien, no man’s land ou Etat dans l’Etat?

En droit international, la souveraineté nationale désigne le caractère indépendant d'un Etat qui n'est soumis à aucune autorité extérieure, qu'il s'agisse d'un autre État ou d'institutions internationales autres que celles qu'il a librement acceptées sur un territoire géographique bien défini. L'État est une collectivité dont la structure est juridique, qui est délimitée par des frontières territoriales et constituée d'institutions lui assurant un pouvoir suprême (la souveraineté). Cette définition de la souveraineté est loin d’être une réalité sur le terrain de Tindouf !

Tindouf, Bechar, Timimoum et autres territoires historiquement Marocains dont le soulèvement en 1962 a été brutalement réprimé par les autorités algériennes, ont été amputé par la France au profit de l’Algérie française. L'Algérie de la régence ottomane dans ses frontières actuelles est un pays qui n'a strictement aucune légitimité historique hormis celle d'être un ancien département d'outre-mer de l'empire colonial français, dont les frontières ont été tracées par la bienveillance du colon . Le principe d'intangibilité des frontières issu de la colonisation est infondé à partir du moment où ses frontières ont été établies en violant la légitimité historique d'Etats séculaires et au détriment des populations et des tribus qui n’ont jamais connu de frontières.

Comment le Maroc s’est-il laissé amputé d’une partie importante de ses territoires orientaux, sous le protectorat français, au profit de l’Algérie?

En 1956, la France a essayé de négocier un accord pour fixer les frontières maroco-algériennes ; le Maroc par sa loyauté aux « frères algériens » engagés dans leur lutte et leur combat pour la libération de leur territoire a refusé de s’y soumettre. Dans un esprit fraternel, un premier accord est signé le 6 juillet 1961, par Hassan II et Ferhat Abbas, alors président du G.P.R.A. (Gouvernement Provisoire de la République Algérienne) concernant le tracé des frontières entre les futurs Etats maghrébins. A l’indépendance de l’Algérie, les nouveaux dirigeants algériens imprégnés par l’idéologie socialiste et communiste affirment clairement des ambitions expansionnistes et un conflit éclate dès 1963 (la guerre des sables) aux frontières maroco-algériennes. Le Maroc a refusé au début de céder ses territoires qu’il revendique comme historiquement les siens. Oufkir, préparant déjà son célèbre putsch, fait des concessions aux dirigeants algériens, dont il attend un soutien pour ses ambitions républicaines. Hassan II, confronté à une certaine gauche marocaine très admirative du modèle étatique et tiers-mondiste algérien, cèdent une partie du territoire marocain en signant l’accord de Tlemcen du 27 mai 1970. Le coup d’État échoué de juillet 1971 accélère les choses; le souverain marocain, soucieux de régler d’abord les problèmes internes, accepte le projet de frontière de juin 1972 sans être convaincu. Un accord de délimitation a été signé en 1989, par lequel le Maroc renonce notamment à la région de Tindouf. Ce tracé de frontière arrangé entre les deux parties ne sera publié d’ailleurs au Bulletin Officiel marocain qu’en 1992.

Cette portion du Sahara oubliée, située au Sud-Est du Maroc, et attribuée par la France à l'Algérie en 1962, le Maroc et les habitants de cette région la considèrent toujours comme étant historiquement marocaine. En accordant l’indépendance au Maroc et à la Tunisie, la France a tenu à conserver la majeure partie du Sahara pour son département d’outre mer. En1960, Paris avait même songé à donner l’indépendance à l’Algérie sans le Sahara. Si l’indépendance des trois pays du Maghreb avait eu lieu en même temps, le territoire de ce grand désert aurait inévitablement été partagé plus équitablement et il n’y aurait jamais eu de conflit au Sahara.

Ce rappel historique nous ramène au vrai problème frontalier entre le Maroc et l’Algérie car sur le terrain les frontières n’ont jamais véritablement été tracées. Ces frontières avancent et reculent au bon gré des dirigeants algériens et de leur armée. Les postes frontaliers de par et d’autre, ainsi que les habitants de cette région, n’ont pour seuls repères que les arbres parsemés ici et là, les amas de pierres et certaines ruines visibles, mais rien ne partage véritablement les terres des deux pays souverains. La vigilance est de mise, des deux cotés de la frontière supposée, car en cas de conflits sérieux la cartographie n’a pas d’utilité et l’appréciation à vue est préférable. Les mines sont un autre repère non visible entre les deux pays mais aucune carte des champs minés n’est disponible d’un côté comme de l’autre; seule la Minurso avait réussi à déminer quelques couloirs pour ses patrouilles. Ces contestations territoriales n’ont aujourd'hui qu’un caractère superficiel, mais peuvent être réactivées à l'occasion de ce principal litige territorial qu’est le Sahara.

Des considérations géopolitiques à plus grande échelle ont compliqué l’affaire de litige entre le Maroc et l’Algérie. L’Algérie était soutenue par l’URSS, alors que le Maroc était et reste toujours l’alliée traditionnelle des Etats-Unis et de la France... Ce clivage n’a aujourd’hui plus court et le processus de démocratisation du Maroc enlève toute ambiguïté et argument aux adversaires du Maroc, car les alibis d’hier ne tiennent pas et le Maroc propose avec courage d’aller très loin pour régler les contentieux territoriaux par la politique de la régionalisation dans le cadre de la souveraineté marocaine.

-La stratégie politico-militaire de l’Algérie passe par ses frontières avec le Maroc
Comment aujourd’hui formuler la question de la « sécurité extérieure » et de « la sécurité ou plutôt de l’insécurité intérieure » de l’Algérie? Comment et dans quelle mesure les questions de la sécurité, de la stratégie sont-elles envisagées par la doctrine militaire algérienne ? Quelles sont les stratégies mises en œuvre ? Comment sont-elles articulées, formulées, par le principal acteur concerné: l’Armée Nationale Populaire (APN).

1-La sécurité ou l’insécurité intérieure

L’armée algérienne a acquis un statut historique « légitime » dans l’Etat algérien; l’historien Mohamed Harbi écrivait dans un style ironique que «les Etats ont leur armée, alors que notre armée possède un Etat». L’ANP (Armée Nationale et Populaire ) n’a pas évolué dans son rôle ni dans sa conception du pouvoir et ni dans ses relations avec les institutions dites « civiles » à référence constitutionnelle: la Présidence, le Parlement…. Que ce soit sous la présidence de Houari Boumediene, Chadli Ben Jedid, Mohamed Boudiaf, Liamine Zeroual ou Abdelaziz bouteflika, l’armée demeure la «Colonne vertébrale» du pouvoir algérien.

L’Algérie est l’un des pays de l’Afrique et du monde arabe où l’armée (Armée nationale et populaire, ANP) jouit officiellement de la « légitimité nationale » directement héritée de la lutte de libération nationale (1954-1962). Dans les textes, l’armée était soumise à l’autorité du parti FLN (Front de Libération Nationale) mais dans les faits, les relations entre l’Etat et l’armée étaient beaucoup plus complexes. Pourtant, dès l’indépendance, le dogme de l’identité armée-nation a été gravement écorné, les chefs de l’armée confisquant par un coup d’État la légitimité politique des « pères de la révolution ». Le régime autoritaire de Boumediene (1965-1978) a maintenu l’armée dans une position subordonnée, utilisant les services secrets (la Sécurité militaire, SM), dont plusieurs de ses membres étaient issus du clan d’Oujda, comme principal instrument de son pouvoir en jouant sur les équilibres des conflits entre officiers « anciens maquisards » (ALN) et « déserteurs de l’armée française » (DAF).

Depuis 1965, la Sécurité Militaire est le cœur du pouvoir algérien et le noyau central dirigeant de l’armée. Malgré son changement d’appellation en 1988, les Algériens continuent le plus souvent à la désigner par son acronyme redouté, la « SM ». Dans les années 1980, sous l’égide du colonel Larbi Belkheir, une fraction du « clan des DAF » est parvenue à investir les positions clés au sein de l’armée et de la SM, tout en consolidant ses réseaux de corruption et en instrumentalisant la contestation islamiste naissante. Ayant dû céder à l’opposition une ouverture politique contrôlée (1989-1991), le clan Belkheir, menacé dans ses intérêts économiques par la victoire électorale du Front Islamique du Salut (FIS, décembre 1991), a annulé les élections et déclencha une féroce guerre d’« éradication » de la mouvance islamiste contestataire. Cette guerre transforma l’ANP, ou du moins une partie de celle-ci, en une armée de guerre civile militaro-populiste utilisant la violence et la répression comme principal instrument pour la gestion de la société algérienne. Fière de son caractère «populaire», l’armée algérienne avait souvent évité une confrontation directe au grand jour avec la population. Les émeutes d’Octobre 1988 ont poussé l’armée à incarner le politique comme une légitimité de la souveraineté nationale. Derrière la façade civile du gouvernement, c’est désormais l’ex-SM (devenue DRS) qui constitue le pouvoir nu du pays, une « armée spéciale » qui contrôle l’armée ordinaire pour assurer la pérennité d’une petite caste de privilégiés au pouvoir. Un principe fondamental de la doctrine militaire professionnelle est de reléguer toute identité entre l’armée et le peuple au niveau abstrait de la volonté générale et de réduire l’effet des origines sociales par l’organisation militaire. Une partie de cette logique est de couper les troupes des intérêts civils afin qu’elles acceptent les ordres de leurs officiers sans question.

2-La sécurité extérieure et la doctrine militaire

Avant même que l'affaire du Sahara ne prenne la tournure d'une crise ouverte entre le Maroc et l’Algérie, au début des années soixante-dix, Alger affichait d’une manière claire ses ambitions pour une façade sur l’Atlantique, contenues dans sa « propagande » qu'elle appelait à l’époque « l'expansionnisme chérifien, grave danger pour ses voisins de l'Est et du Sud ».

Les stratèges politico-militaires algériens, depuis l’indépendance, considèrent que la sécurité de l’Algérie passe par ses frontières avec le Maroc, et la région de Tindouf constitue le principal noyau de cette doctrine militaire algérienne. Dans leurs calculs géostratégiques, les dirigeants algériens croient en entretenant les tensions et en créant un conflit au sud du Maroc, ceci pourra briser définitivement les aspirations marocaines au « Grand Maroc », tout en assurant la première place pour l’Algérie à l’intérieur du Maghreb. Depuis la guerre des sables en 1963, avec comme conséquence directe des relations maroco-algériennes tendues, les dirigeants algériens, excepté peut-être Boudiaf (vision algérienne sincère et clairvoyante qui a payé de sa vie) cherchent sans cesse à s’imposer comme le leadership dans le Maghreb, mais de nos jours l’objectif reste très loin.

Avec l’avènement de Bouteflika aux affaires de l’Etat algérien, tout le monde croyait à l’apaisement, tant espéré, des relations maroco-algériennes. L’observateur avéré s’est trompé encore une fois sur l’attitude de l’ancien régime constamment renouvelé par des personnages issus du même appareil étatique. Nul doute sur la personne de Abdelaziz Bouteflika quant à ses connaissances des rouages de la hiérarchie militaire: l’armée et le politique ont renoué de belle dans un mariage inédit qui se prénomme le politico-militaire. Le nouveau locataire du Palais d’Al-Mouradia est un professionnel des équilibres entre le politique et le militaire.

Le modèle politico-militaire turc qui a toujours fasciné certains cercles militaires algériens clairvoyants, par sa capacité à générer un projet de société et sa faculté d’être un partenaire clef dans le système étatique sans la remise en cause de ses structures, semble d’actualité dans l’Algérie d’aujourd’hui. En attendant l’avènement d’un « Atatürk algérien», la stratégie de Bouteflika consiste à jouer sur ces équilibres politico-militaires avec le consentement, bien évidemment, d’une large frange de l’état-major de l’armée algérienne. En attendant le jour où l’armée retournera dans ses casernes, le Président est contraint de maintenir ce statu quo des équilibres internes, et vis-à-vis des supposés rivaux régionaux.

Dans le cadre de ces équilibres politico-militaires est conçue la doctrine militaire algérienne qui découle des objectifs de la politique de sécurité et de l’environnement politico-stratégique, économique et social. La conception d’une doctrine militaire est définie par les principes fondamentaux selon lesquels l’armée ou certaines de ses parties (l’armée des frontières) accomplissent leurs tâches pour atteindre les objectifs nationaux. Ces principes sont déterminants, mais ont besoin pour être concrétisés d’un Etat solide sur le plan intérieur, or c’est loin d’être le cas pour l’Algérie. L’armée des frontières ne cessera d’étendre son influence, s’érigeant en groupe de pression à l’intérieure de l’armée nationale populaire pour sauvegarder essentiellement ses intérêts vitaux..

L'armée algérienne, dont les équipements ont vieilli et les revenus pétroliers sont au plus haut, fait donc baver aujourd'hui les marchands d'armes, et ce d'autant plus que l'embargo « informel » imposé par les occidentaux 1994 sur les ventes d'armes à l’Algérie a été levé progressivement. Avec la guerre civile, l'armée taillée sur le modèle soviétique très lourd a dû opérer une transformation profonde pour devenir une armée de contre-guérilla avec un dispositif plus léger et des petites unités de troupes mobiles. Aujourd’hui comme hier, l’Algérie s’approvisionne en Ukraine, en Russie et en Egypte en véhicules blindés pour le transport de troupes, en hélicoptères légers avec un nouveau partenaire qu’est l’Afrique du Sud et elle puise toujours dans les stocks de l'ex-armée rouge, notamment pour les avions de combat, comme les MIG.

Est-ce que la doctrine militaire et stratégique de l’armée algérienne a évolué depuis l’effondrement du mur de Berlin et surtout depuis la fin de la guerre civile à grande échelle?
Il est évident que la doctrine militaire est un domaine actif qui évolue constamment en fonction de l’environnement de la politique de sécurité et des expériences acquises lors des engagements et des conflits précédents. Dans ce cadre, est ce que la refonte de l’armée opérée par les autorités militaires algériennes peut être interprétée comme une course à l'armement ?

Les avis des spécialistes divergent : certains analystes voient dans ce remodelage de l’armée algérienne une course à l’armement et une volonté tant rêvée de s’imposer par la force militaire en tant que leadership dans le Maghreb, d’autres analystes croient que l'enjeu de l'armée algérienne est de se mettre aujourd'hui au standard de l'OTAN qui lui permettra de gagner la confiance des occidentaux et particulièrement des Etats Unis pour qu’on lui délègue certaines responsabilités de sécurité en Méditerranée du sud et en Afrique. Reste à vérifier si cette nouvelle orientation de l’armée algérienne est suffisamment flexible et adaptée à des standards internationaux, de sorte qu’elle lui offre assez de place pour que la collaboration avec ces nouveaux partenaires « occidentaux » soit possible.