Différentes source d’informations se recoupant permettent maintenant de localiser précisément cette base américaine.
Elle est située à côté de l’oasis d’Ihérir, à 110 km nord-ouest de Djanet, et à 220 km de la frontière libyenne dans le Tassili des Adjer. A 120 km au nord, se trouve la bourgade d’Illizi, l’endroit exact où les douristes, allemands, suisses et autrichiens avaient été enlevé le 18 août 2003.
Deux généraux algériens jouent un rôle essentiel dans le fonctionnement de cette base :
- Le général Kamel Abderrahmane, ancien colonel à la DRS du CPMI. Il dirige aujourd’hui la deuxième région militaire, celle d’Oranie. Il a été chargé de la couverture médiatique de l’affaire des otages et de celle de l’installation de la base américaine. Il aurait acheté le « Quotidien d’Oran » en se servant d’un prête-nom. Ceci expliquerait les « révélations » faites par ce journal sur le prétendu plan anterroriste américain.
- Le général Abdelmajid Saheb, qui dirige depuis 1999 la 4ème région militaire, comprenant Ouargla et Djanet. Il a reçu pour mission d’assurer la coordination du transport des engins et équipements nécessaires à l’installation de la base. Chef de la région depuis quatre ans, il la connaît bien pour avoir été l’adjoint du commandant précédent. Il a en outre effectué plusieurs déplacements aux Etats-Unis pour recevoir des instructions.
Mais il y a encore plus surprenant. L’armée américaine ne peut suffire à la tâche, assignée par le commandement, de quadrillage de la planète. Ceci explique le recours à une entreprise, fournissant des mercenaires, pour assurer la sécurité de la base.
Il s’agit « d’Executive Outcomes, » ou du moins de ses héritiers. Cette société jouit d’une unité de travail à la caserne algéroise de Ben Aknoun, là où se tient la DRS. Elle dispose aussi d’un bureau de liaison à Ouargla, siège de la 4ème région militaire dirigée par le général Abdelmajid Saheb.
Nous avons obtenu quelques noms des cadres oeuvrant en Algérie dans le cadre de cette opération :
Le commandant Emanuel Damink. Ancien des renseignements sud-africains sous le régime de l’apartheid, il a la charge du recrutement et de la collecte des renseignements sur les réseaux islamistes dans le monde. Entre autres missions, il a lui-même assuré l’évacuation vers les États-Unis de pièces d’équipements nucléaires entreposées par l’Irak sur le sol algérien. Ce transfert était une condition impérative au maintien des bonnes relations entre Alger et Washington.
Le capitaine Stefan Desmond. Ancien officier du contre-espionnage sud-africain. Expert en armes chimiques et en explosifs, il aurait supervisé le largage de gaz de combat sur des maquis islamistes en Algérie. Chargé de la sécurité intérieure d’Executive Outcomes, on le présente aussi comme un spécialiste de la torture dite « scientifique. » Les Français ont quelques raisons de lui en vouloir car il a monté des mises en scène macabres de prétendus charniers de l’armée française. Les squelettes, supposés remonter à l’époque coloniale, avaient les mains attachées dans le dos par du fil de fer. Étrangement, et en dépit des années, aucune piqûre de rouille ne marquait le métal. Desmond est très proche du colonel Othman Tartag, dit Bachir, le chef du CPMI (3) et successeur à ce poste du général Kamel Abderrahamane (voir plus haut). Très brun et les cheveux frisés, Desmond se fait passer pour un Égyptien quand il doit se fondre dans l’environnement.
Le commandant Uri Barsony. Il met en valeur une autre facette de la politique algérienne: les liens tissés entre Alger et les Israéliens. Si Barsony est un ancien officier supérieur sud-africain, il a aussi la nationalité israélienne. Il supervise l’entraînement des hommes d’Executive Outcomes et celui des Forces spéciales algériennes à Biskra. Mais, surtout, c’est lui qui effectue les achats d’armement sur le marché israélien, en particulier les lunettes de vision nocturne, autrefois fournies par les Français, et le napalm, plusieurs fois utilisé dans les montagnes de Kabylie. Barsony travaille en étroites relations avec le Shin Beth, le contre-espionnage israélien. Il s’est rendu à de nombreuses reprises, afin d’y enquêter, sur l’île de Jerba (Tunisie), après l’attentat commis contre la synagogue (avril 2001, 21 morts).
En outre, Barsony apparaît comme l’un des principaux responsables des liens nouvellement tissés entre l’Algérie et Israël. Très proche du général Sadek Kitouni, ancien ambassadeur d’Algérie en Afrique du Sud, il a travaillé avec lui à la création d’une « Association d’amitié et de solidarité économique Algérie-Israël, » installée à Alger.
Barsony n’est pas seul à s’activer en faveur du rapprochement entre Israël et l’Algérie. Déjà cité, son collègue Damink a organisé un voyage en Italie au cours duquel Abdelaziz Bouteflika, le Président de la République, a rencontré Dany Yatom, l’ancien patron du Mossad (5). Il a aussi mis sur pied des stages de formation d’officiers de la DRS (2) au centre du Mossad basé dans la banlieue de Tel-Aviv.
On mesure l’importance prise par les mercenaires sud-africains en Algérie. On se demande cependant la raison de leur présence autour d’une base perdue dans le désert.
Uri Barsony donne, à qui veut l’entendre, trois raisons: La lutte contre l’islamisme, la protection des champs de pétrole, et celle des gisements d’uranium.
Manque de chance. L’affaire d’otages est sans doute montée par les services algériens dans la région de la base d’Ihérir, et quant aux champs de pétrole, ils sont à plus de 300 km et les mines d’uranium sont dans un autre pays, le Niger, à 700 km.