Comment est-ce que les dirigeants algériens voient la place de l’Algérie en Afrique du nord et comment comptent-ils concrétiser cette vision ? C’est la question que l’on ne peut s’empêcher de se poser en observant les différentes actions et prises de position d’Alger concernant son voisinage sahélien.
Un récent événement, qui s’est déroulé au nord du Mali, dans cette zone de non droit aux confins de l’Algérie et de la Mauritanie, suscite bien des interrogations à ce sujet. Il est question de l’opération militaire menée, à l’aube du 22 juillet, conjointement par la France et la Mauritanie, pour la libération de l’otage français, Michel Germaneau, dans laquelle le voisin algérien a été plus au moins impliqué. Comme il s’agit d’une région également sillonnée par les polisariens, il y a, de ce fait, tout lieu de s’y intéresser.
Un récent événement, qui s’est déroulé au nord du Mali, dans cette zone de non droit aux confins de l’Algérie et de la Mauritanie, suscite bien des interrogations à ce sujet. Il est question de l’opération militaire menée, à l’aube du 22 juillet, conjointement par la France et la Mauritanie, pour la libération de l’otage français, Michel Germaneau, dans laquelle le voisin algérien a été plus au moins impliqué. Comme il s’agit d’une région également sillonnée par les polisariens, il y a, de ce fait, tout lieu de s’y intéresser.
Il est à rappeler que cette opération a été considérée comme un échec, faute d’avoir abouti à la libération de l’otage, dont l’AQMI a annoncé, à travers la chaîne Al Jazeera, l’exécution le 25 juillet, malgré les sept morts infligés aux terroristes et la saisie d’un stock de fusils d’assaut AK 47, d’explosifs et d’appareils de téléphonie mobile.
Une lecture des articles de presse publiés au cours des dernières semaines à ce sujet en France, en Algérie, au Mali et en Mauritanie donne de cet événement, passé presque inaperçu à l’échelle nationale, une connotation géopolitique régionale qui ne saurait être négligée.
Dans un article signé par Jeremy Keenan, socio-anthropologue anglais, publié le 8 août dernier par le site anglophone de la chaîne qatarie Al Jazeera, intitulé ««Main secrète» dans le raid français au Sahel», l’auteur accuse clairement les services secrets algériens, le «DRS», dirigé par le tout puissant Général Mohamed Mediène, dit «Tawfik», d’être derrière l’organisation d’Al Qaïda au Maghreb Islamique, la tristement célèbre «AQMI».
Ce qui ne manque pas aussi de susciter l’attention, c’est qu’un blog polisarien s’est empressé de republier un article paru dans le journal algérien «Le Midi», remettant en cause la crédibilité de l’anthropologue anglais, l’accusant implicitement d’activités «d’espionnage». Même la chaîne Al Jazeera en a pris pour son grade.
Pourquoi le «Polisario» s’intéresse-t-il tant à cette affaire ?
Tout ceci n’est pas sans rappeler que parmi les auteurs du rapt de onze humanitaires espagnols revendiqué par l’AQMI, fin novembre 2009, il y avait un commandant de réserve polisarien, Mohamed Salem Ould Ehmouda. Omar Ould Hamma, dit «Omar Sahraoui», le commanditaire du rapt, aurait, pour sa part, des liens connus avec la direction du «Polisario», selon les journaux mauritaniens qui ont couvert le procès de ces terroristes à la Cour criminelle de Nouakchott, à la fin du mois écoulé.
Encore plus bizarre, ce même blog polisarien a publié un article, le dimanche 15 de ce mois, pour annoncer la libération prochaine des deux derniers humanitaires espagnols détenus par un groupe de l’AQMI, qui serait dirigé par un dénommé Mokhtar Benmokhtar, surnommé «Belawar». Ces deux travailleurs humanitaires font partie des 11 otages séquestrés par ce groupe au nord de la Mauritanie, fin novembre 2009. Pourtant, le gouvernement espagnol se montre plutôt très inquiet du sort des ces deux otages et ce en raison de pressions qu’exercerait sur Benmokhtar l’autre chef terroriste de l’AQMI opérant dans ce secteur, Abdelhamid Abou Zeïd, celui-là même qui a exécuté l’otage français, Michel Germaneau, et avant lui un britannique, Edwin Dyer, en juin 2009. Abou Zeïd chercherait ainsi à venger la mort de sept de ses «combattants», tombés lors de l’assaut conjoint des forces spéciales françaises et mauritaniennes contre leur camp. Benmokhtar est décrit par des «experts», souvent eux-mêmes douteux, il le faut préciser, comme porté sur les rançons, pour financer les activités de l’AQMI dans la région, alors que Abou Zeïd serait un «radical», plutôt porté à faire couler le sang des «infidèles». La rançon réclamée pour la libération de ses deux otages serait, selon le journal «Le Temps d’Algérie», de 5 à 6 millions d’euros.
Outre la somme d’argent, l’AQMI réclamerait la libération de prisonniers salafistes détenus par Nouakchott. Sauf que les autorités mauritaniennes ne l’entendent pas de cette oreille, ce qui obligerait, actuellement, le gouvernement espagnol à renégocier le prix de la rançon, gêné par ailleurs par la dernière action militaire française ratée contre l’AQMI.
Contrairement à la position de fermeté adoptée par Paris envers les terroristes preneurs d’otages, Madrid a choisi de passer à la caisse, au risque de participer au financement de cette dangereuse organisation jihadiste.
Un «Polisario» plutôt bien introduit dans les réseaux terroristes et mafieux
Selon le journal algérien, «El Khabar», la Mauritanie aurait finalement «l’intention de remettre Omar Sahraoui, l’un des leaders d’AQMI, au Mali, dans les quelques jours à venir, en vue de lui permettre de négocier un deal avec Al Qaida. C’est-à-dire la libération du terroriste contre les deux otages espagnols. Un fait qui pourrait susciter l’ire de l’Algérie».
C’est tout autre son de cloche, cependant, auprès du blog polisarien concernant les véritables auteurs du rapt des humanitaires espagnols: «Depuis le début, notre journal (polisarien) avait écrit que ces deux otages n’étaient pas entre les mains du sanguinaire, Abou Zeïd. Car, si tel avait été le cas, il y a de fortes chances qu’ils aient été éliminés, puisque aucune des revendications formulées par le GSPC n’a, jusque-là, été satisfaite. Faisant monter la pression pour des raisons que l’on peut deviner aisément, la plupart des médias occidentaux prétendent que la vie de ces deux otages serait en danger. Ils précisent qu’ils seraient entre les mains de Mokhtar Belmokhtar, et que celui-ci subirait des pressions de la part d’Abou Zeïd, afin qu’il les élimine. Or, la vérité est toute autre, si l’on en croit nos sources. Les travailleurs humanitaires en questions auraient été enlevés par le groupe de touaregs qui ont rejoint le GSPC, à cause du refus de Bamako d’appliquer les accords d’Alger. Ils sont dirigés par Amar Ag Amenokal et son lieutenant Abdelkrim. Par la suite, les otages auraient été rétrocédés à Abou Amar, émir d’une phalange moins extrémiste que celle que dirige Abou Zeïd. Mokhtar Belmokhtar, lui, est en trêve depuis plusieurs années déjà, dans l’attente d’assez de garanties pour pouvoir se placer, lui et ses hommes, sous la protection de l’Etat et bénéficier des termes prévus par la Charte pour la Paix et la Réconciliation nationale».
Pour un mouvement séparatiste dont le seul objectif affiché est la scission des provinces du sud marocain, le «Polisario» semble, ainsi, plutôt bien introduit dans les réseaux terroristes et mafieux qui sévissent dans le Sahel. Encore une preuve de la dérive criminelle de ce mouvement créé par les services de sécurité algériens et qui continue de s’inscrire dans leur stratégie occulte et sanguinaire visant à imposer la domination algérienne en Afrique du nord et sahélienne.
Revenons en à l’affaire de l’humanitaire français, Michel Germaneau, enlevé au Niger et mort dans de sombres conditions, au Mali, entre les mains du groupe AQMI dirigé Abdelhamid Abou Zeïd. Et assurons-nous, effectivement d’abord, de la crédibilité de l’auteur des graves accusations contre le Département du Renseignement et de la Sécurité algérien. Jeremy Keenan est socio anthropologue, professeur associé à l’École des études orientales et africaines à l’Université de Londres, consultant auprès de l’ONU et d’autres organisations internationales. Il est l’auteur de nombreux ouvrages sur la région du Sahara et du Sahel, dont «The Dark Sahara: America’s War on Terror in Africa» (Le sombre Sahara: la guerre contre le terrorisme de l’Amérique en Afrique).
C’est, donc, une autorité internationalement reconnue en ce qui concerne le Sahara et le Sahel.
Selon Jeremy Keenan, le DRS aurait induit en erreur les services secrets français, la DGSE, à propos du sort de l’otage français de l’AQMI détenu au nord du Mali, Michel Germaneau.
«Il y a des raisons de croire que l’otage français pourrait ne pas avoir été exécuté comme l’a affirmé l’AQMI, mais pourrait avoir trouvé la mort plusieurs semaines auparavant. Il avait 78 ans, était fragile et dépendant de médicaments qui ne lui étaient pas fournis. La dernière ‘preuve de vie reçue par les autorités françaises date du 14 mai. Selon des sources dans la région, il pourrait avoir trouvé la mort peu de temps après», explique d’abord le socio anthropologue anglais, d’après la traduction de son article publiée par le journal en ligne, «Rue89».
Un spécialiste des groupes islamistes armés, Lyes Boukraa, cité le samedi 14 août, par le journal algérien «El Khabar», met en doute l’explication de la mort naturelle par manque de soins.
«Ils (les Français) avancent la thèse que l’otage serait mort avant le raid franco-mauritanien arguant du fait que l’ex-otage souffrait de problèmes cardiaques et qu’il aurait succombé faute de soins et médicaments. Cette thèse pose problème. En effet, si Michel Germaneau était effectivement mort, depuis deux semaines, pourquoi alors la France a-t-elle jugé utile de lancer ce raid avec l’armée mauritanienne contre une base de l’AQMI au Mali ? A l’inverse, si nous admettons que l’ex-otage était encore vivant alors une autre question: comment les autorités françaises, connaissant la nature et l’étendue du terrain, l’importance des réseaux de complicités tissés par l’AQMI, la mobilité extrême des groupes armés, sachant aussi que les djihadistes n’hésiteront pas à tuer l’otage à la moindre alerte et, sachant surtout, que dans la région un renseignement même émanant d’une source sûre à 100% n’est en réalité certain qu’à 10% à peine. Pourquoi, connaissant tout cela, les autorités françaises ont-elles couru le risque certain que l’otage soit tué au cours de l’opération ou après l’opération à titre de représailles ?»
«Mortel FAMAS» ou la thèse des maladroits Rambo français
Un autre journal algérien, «L’Expression.dz», a inventé, pour sa part, dans son édition du 11 août, une théorie tout a fait farfelue pour expliquer l’échec de l’intervention du commando franco-mauritanien. La théorie du «puissant» fusil d’assaut FAMAS, «mal manipulé par les membres du commando français». Celui-ci devait être constitué de 20 ou 30 agents du Service Action de services secrets français, la DGSE, qui connaissent le mieux le terrain, selon Jean-Dominique Merchet, journaliste au quotidien français «Libération», où il s’occupe des questions militaires depuis une quinzaine d’années. Mais il est fort probable que le commando ait également comporté des éléments du Commandement des Opérations Spéciales, le COS, qui regroupe les meilleurs éléments des Forces spéciales françaises et, donc, les mieux placés pour exécuter ce genre d’opérations.
Un véritable scénario de «mauvais» film d’action que celui décrit par le journal algérien, mais avec l’art et la manière. Régalez vous !
«Un épais brouillard persiste autour de la mort de l’otage français Michel Germaneau. La raison est simple. Il s’agit de dissimuler une bavure du corps d’élite de l’armée française. C’est un coup dur pour le commandement des opérations spéciales et les agents du renseignement de cette armée. En fait, c’est le commando qui a causé la mort de l’otage suite à des tirs provenant de l’un des deux hélicoptères de type Eurocopter Tigre qui ont participé à l’assaut. L’arme utilisée est le Famas, de fabrication française. Ce fusil détient le record de la cadence de tir, la plus élevée de tous les fusils d’assaut actuellement en service, soit 950/1000 coups minute pour la version F1 et 1100 pour la G2. Selon les informations parvenant à Alger, «le raid militaire mené conjointement par la France et la Mauritanie a provoqué la mort de l’otage». Michel Germaneau «a été exécuté suite à une bavure de l’armée française», selon les mêmes sources. Il fut exécuté maladroitement lors de la seconde opération près du camp de Tissalit entouré des monts de Tigharghar, une zone frontalière algéro-malienne. Germaneau ayant été tué par des tirs depuis un des deux hélicoptères participant au raid, les membres du commando ne pouvaient qu’imaginer un scénario pour camoufler leur fiasco. (…) Le corps de l’otage a été sciemment dissimulé pour entourer d’une chape de plomb une défaillance des militaires aux conséquences désastreuses. La crainte des conclusions des éventuelles études balistiques et l’autopsie de médecins légistes a poussé les décideurs à faire disparaître le corps de Michel Germaneau. A l’évidence, ce camouflage ne vise qu’à taire le double flop de l’armée française».
N’importe quel connaisseur amateur des opérations spéciales sait que les soldats d’élite surentraînés de ce genre d’unités, formées entre autres à la libération d’otages, ne tirent pas de longues rafales à l’aveuglette. Ils tirent au coup par coup ou en courtes rafales, répétées et bien ciblées. Quand au fusil d’assaut FAMAS G2, calibre 5,56 OTAN, en usage en version commando chez les Forces Spéciales françaises, il est de faible longueur, d’un poids d’un peu plus de quatre kilogrammes et doté d’une poignée «garde main». Il n’a pas la réputation d’une arme difficile à maîtriser depuis le temps qu’il est utilisé.
La bavure qu’il y a eu, en avril 2009, lors de l’assaut en mer mené par un commando du COS pour libérer des otages français de l’emprise de pirates somaliens, entraînant la mort de l’un de ses otages, est dû à l’espace exigu du bateau de plaisance où s’est déroulée l’opération, la proximité entre pirates et otages était importante et la confusion facile. L’otage en question avait alors reçu une balle en pleine tête tirée par un commando.
De toute manière, une autre version du déroulement de l’opération militaire conjointe franco-mauritanienne semble beaucoup plus réaliste. C’est celle donnée par le journaliste français spécialiste des questions de défense, Jean-Dominique Merchet.
«Le point de départ a été une base située non loin de la frontière, où les forces spéciales françaises et mauritaniennes s’entraînent. Le raid a pris la forme d’une colonne de véhicules tout-terrain. Entre 20 et 30 militaires français accompagnaient quelques dizaines de Mauritaniens. La colonne a roulé de nuit et les derniers kilomètres, environ dix, ont été parcourus à pied pour ne pas donner l’alerte. L’attaque contre le camp a eu lieu à l’aube. Contrairement a ce que nous écrivions sur la base d’informations partielles et erronées, il n’y a donc pas eu d’opérations aériennes».
Donc, pas d’assaut héliporté sur le camp de l’AQMI au nord du Mali, avec tirs en rafales et explosions spectaculaires comme dans les films, mais une approche discrète des forces mixtes engagées, pour donner un maximum de chances au sauvetage programmé de l’otage français. S’il s’y trouvait…
Si la thèse de la bavure ne vous plaît pas, alors il y a celle de l’espion cardiaque de 78 ans
En sus du scénario hollywoodien, le même journal algérien «L’Expression» publie, dans son édition du 28 juillet, une analyse des capacités militaires de la France et son aptitude à lutter efficacement contre l’AQMI dans la région du Sahel. Car il devient de plus en plus évident, à la lecture de la presse algérienne, que c’est l’éloignement de la France du théâtre sahélien qui est l’objectif escompté. Et ce après que le premier ministre français, François Fillon, ait déclaré à Europe 1, «Nous sommes en guerre contre Al-Qaïda».
Cette fois, le journal algérien fait intervenir des «spécialistes» français qui demandent à rester «anonymes»…
«La France, si elle menace et promet que l’assassinat de l’otage Michel Germaneau «ne restera pas impuni», dispose d’options militaires ou d’action directe au Sahel contre Al Qaîda au Maghreb islamique (AQMI) limitées, estiment des experts. Face à des groupes mobiles et aguerris, éparpillés dans une immense zone désertique aux confins du Mali, de la Mauritanie et de l’Algérie, qui ont des accointances et des relations familiales ou d’affaires avec les tribus et les autorités locales, Paris n’a pas les moyens d’une véritable offensive antiterroriste».
«Les moyens français, en hommes et en matériel, sont limités», ajoutent ces experts. «Des troupes sur place, on n’en a plus ou presque. (…) Les rares qui sont opérationnelles sont en Afghanistan où elles font ce qu’elles peuvent. On n’a pas de réelle capacité de projection, aérienne ou de troupes».
«La politique française actuelle est très affirmative, mais la réalité n’est pas à la hauteur des annonces. La France réduit ses budgets, y compris pour la sécurité et la prévention extérieure. On ne pourra pas faire grand-chose», conclu un autre expert français «anonyme».
Le journal algérien «L’Expression», est, cependant, allé encore plus loin, accusant carrément la France d’avoir commis une bavure de nature à servir les intérêts de l’AQMI, selon des passages d’un éditorial repris par le journal français «La Croix», dans son édition du 28 juillet. Et pour enfoncer le clou, il met littéralement en doute la véritable identité de l’otage français décédé, Michel Germaneau.
«Si le président français, Nicolas Sarkozy, voulait aider la bande de criminels qui sévit au Sahel sous le label «AQMI», une filiale d’Al Qaîda, il ne se serait pas pris autrement».
«Par deux fois et de façons diamétralement opposées, il aura réussi à faire leur «promo». Une première fois en février dernier, en obtenant la libération d’un de ses agents secrets (reconnu par Bernard Bajolet, chef du renseignement à la présidence française), Pierre Camatte, âgé de 61 ans, faussement présenté au début comme un retraité versé dans l’humanitaire pour lutter contre le paludisme. Avant de le libérer, les ravisseurs ont obtenu le versement d’une rançon qu’ils réclamaient et, grâce à l’extraordinaire pression de l’Elysée sur les autorités maliennes, la libération de quatre membres de leur bande détenus au Mali. «Stimulée» par ce succès, l’AQMI enlève, le 19 avril dernier, un autre retraité français, Michel Germaneau, âgé de 78 ans et officiellement reconverti lui aussi dans l’humanitaire».
Et les attaques contre la France se poursuivent. Dimanche 15 août, le journal «L’Expression» sort une «nouvelle version» des événements, après celle de la bavure:
«Quelques jours avant le début de l’opération, des sources proches des services secrets français auraient mis en garde la Mauritanie contre d’éventuelles attaques d’Al Qaîda en territoire mauritanien. Selon cette seconde version, des doutes planent toujours sur la véritable identité de l’otage. Dans un autre contexte, les terroristes d’Al Qaîda auraient vraisemblablement découvert la véritable personnalité de Michel Germaneau. Pris à leur propre piège, les Français ont voulu négocier pour tenter de sauver les «meubles»; mais vu la tournure prise par les événements, ils ont tout fait pour impliquer les Mauritaniens dans un sale coup. Acculée, la France aurait opté pour la liquidation pure et simple de l’otage. Ayant compris les craintes françaises, Al Qaîda aurait préféré jouer le jeu, en adoptant une position qui permette à la France d’»arranger» les choses ».
Il y a juste un petit hic dans l’insinuation selon laquelle Michel Germaneau était un agent français opérationnel sous couverture au Mali. Contrairement à Pierre Camatte, qui n’avait que 61 ans et était en bonne santé, même après sa détention dans de difficiles conditions, Michel Germaneau avait 78 ans et souffrait d’une maladie cardiovasculaire qui l’obligeait à prendre régulièrement des anticoagulants. Pas du tout le profil d’un agent de terrain.
Car ce qui semble le plus gêner nos voisins de l’Est, c’est «pourquoi, aujourd’hui, la Mauritanie veut-elle ouvrir une enquête sur ce qui s’est passé à l’issue d’un raid de commandos exécuté comme au temps révolu du colonialisme?», s’interroge le journal «L’Expression», dans son édition du 15 août.
La veille déjà, c’est-à-dire le 14 août, c’était le Mali qui se faisait accuser d’accointances avec l’AQMI.
Le «déclin» de la France au Sahel
et l’Algérie du DRS en sauveur !
Un ex-chef du Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat, le GSPC, arrêté par les forces de sécurité algérienne en 2006, aurait révélé que «les chefs des «groupes terroristes» ont signé des accords et des conventions avec des chefs de tribus et des responsables locaux, au nord du Mali. Ces accords font état de les approvisionner en armes, les héberger et de ne pas les dénoncer», selon des informations en provenance d’Algérie, rapportée par le journal «Achorouk oneline». Il aurait même «aperçu de hauts responsables du gouvernement malien prendre du thé dans des camps d’entraînement du GSPC». Il n’a pas toutefois précisé si un méchoui était au menu ou pas. Car, bien entendu, il s’agit là encore d’une déclaration faîte sous anonymat, l’ex-chef terroriste repenti en question, «qui était responsable des relations extérieures au niveau de l’organisation terroriste», craignant des «représailles de la part de ses ex-compagnons». Ce qui est bien commode pour lui faire dire ce que l’on veut.
Qu’à tout cela ne tienne. Le journal «L’Expression» décrit, en fait, une grande opération d’élimination des agents français «infiltrés» dans les pays du Sahel, tout en insinuant que c’est du fait des…Américains !
«N’ayant jamais abandonné l’idée d’un Sahel complètement acquis, une sorte de chasse gardée française, l’Elysée vient de se rendre compte que les Américains ont pris sérieusement les choses en main. Harcelées par Al Qaîda, du Tchad jusqu’en Mauritanie, les «taupes» françaises sont en train de tomber l’une après l’autre. Selon certains observateurs, toute la région est actuellement menacée d’afghanisation et il n’y a que l’Algérie qui reste en mesure d’éviter cette inquiétante perspective».
Ah, enfin ! Le journaliste, qui se réfère, dès le début de son article, à des «sources sécuritaires» algériennes, fini par tomber le masque. Alors que le menaçant spectre du chaos plane sur toute la région, que «les derniers hommes de cape et d’épée d’une France, nostalgique d’un passé colonial dont elle n’a plus les moyens», tombent comme des mouches sous les coups des méchants terroristes d’Al Qaïda, le tout sous houlette américaine (sic !), l’Algérie apparaît comme le seul rempart contre les hordes barbares. Amen !
«Si Germaneau était déjà mort, comme cela a été suggéré, le DRS doit l’avoir su. S’il était vivant et détenu ailleurs, il l’aurait également su. S’il avait été vivant et détenu à Tigharghar, alors il faut demander qui a prévenu Zeïd (Abdelhamid Abou Zeïd) de l’imminence de l’attaque militaire, de telle sorte que Germaneau et lui ne s’y trouvaient pas lors de l’assaut ?», s’interroge Jeremy Keenan.
Très bien renseigné sur la situation à la frontière entre l’Algérie et le Mali, zone de non droit que les éléments de l’AQMI et autres rebelles touaregs et trafiquants en tout genre sillonnent en toute liberté, il précise: «La zone frontalière juste au nord de Tigharghar est survolée quotidiennement par les hélicoptères de l’armée algérienne, et régulièrement par deux Beechcraft 1900 de l’armée de l’air algérienne, équipés de matériel de surveillance. De plus, il existe des contacts étroits entre la cellule d’Abdelhamid Abou Zeïd d’AQMI et le DRS, Zeïd étant lui-même considéré comme un agent du DRS. Pour cette raison, les habitants de la région, de plus en plus remontés contre les soi-disant activités d’Al Qaeda, se réfèrent souvent à l’AQMI comme «AQMI/DRS». Ainsi, les derniers mots attribués au colonel Lamana Ould Bou, du service malien de la sécurité d’Etat, peu avant son assassinat à Tombouctou le 10 juin 2009, étaient: «Au cœur d’AQMI, il y a le DRS»».
Déjà, en mars dernier, dans un article publié par le journal malien «L’Indépendant», relatif à la libération de l’otage français de l’AQMI, Pierre Camatte, contre la relaxe de quatre terroristes détenus au Mali, l’auteur, Saouti Labass Haidara a ainsi conclu son texte: «C’est l’Algérie elle-même qui constitue le principal danger pour la paix, la sécurité et la stabilité du Nord Mali».
Interrogé à l’époque du rapt de Pierre Camatte par le journal français en ligne, «Rue89», sur les éventuels liens entre le DRS et l’AQMI, Jeremy Keenan avait déjà affirmé: «Divers signes montrent les liens entre DRS et AQMI. Hattab (NDLR: Hassan Hattab est le créateur du GSPC, en 1998), par exemple, vit aujourd’hui sous la protection du DRS, tandis que les relations entre ce service de renseignement et le chef actuel de l’AQMI, Abdelmalek Droukdel (alias Abou Mossab Abdelwadoud), fait l’objet de multiples supputations. (…) Amari Saifi (porteur de douze pseudonymes, surnommé «Le Para»), qui a dirigé l’opération, était un agent du DRS. Le ravisseur de Pierre Camatte, Abdelhamed Abou Zeïd, était l’adjoint du «Para» et responsable, à ce titre, de la zone malienne. Il bénéficierait de l’aide de deux hommes: Yahia Djouadi (alias Abou Amar), un vétéran de l’opération de 2003 et Mokhtar ben Mokhtar, sorte de «freelance» du DRS».
Fixation maladive sur le Maroc
ou l’obsession du leadership régional
Rapportées aux accusations portées par des transfuges de l’armée et des services secrets algériens, parmi lesquels l’ex-lieutenant colonel du DRS, Mohammed Samraoui, et l’ex-sous-lieutenant de l’ANP, Habib Souaïdia, tous deux auteurs de livres décrivant les liens «étranges» entre les services secrets algériens et certains émirs des GIA, dans les moments les plus sanguinaires du terrorisme en Algérie, celles de Jeremy Keenan semblent donc décrire un modus operandi déjà mis en œuvre à l’échelle locale et maintenant exporté dans toute la région.
Si la création des GIA avait pour but de décrédibiliser le Front Islamique du Salut (FIS), vainqueur des élections législatives en 1991 et interdit en 1992, en lui accolant l’étiquette de mouvement terroriste, dans quel but a donc été crée l’AQMI ?
«Toute la stratégie du DRS, en créant l’AQMI dans la région sahélienne, en 2006, a été de convaincre les Occidentaux, et en particulier les Etats-Unis, du rôle indispensable de l’Algérie comme gendarme régional» explique Jeremy Keenan.
A lire l’entretien accordé par le spécialiste des groupes islamistes armés, Lyes Boukraa, au Journal «El Khabar», la thèse de la quête algérienne effrénée du rôle de «gendarme régional» paraît validée. Une thèse où, encore une fois, l’hostilité maladive envers le Maroc finit par émerger comme un point crucial de la stratégie du voisin de l’Est.
«Je pense que le raid français n’avait rien à voir avec la libération de l’otage. Il procède d’une autre raison et mise d’autres objectifs. Ces objectifs sont, à mon avis : 1) Contrecarrer la démarche algérienne en provoquant son isolement dans la région ; 2) Réintroduire le Maroc dans l’équation sécuritaire régionale, 3) Faire diversion afin de détourner l’attention des français des échecs de la politique du président Sarkozy ; 4) Installer des bases militaires dans une zone riche en ressources et que la France considère toujours comme sa profondeur stratégique».
Eh oui, l’Algérie, avec son obsession maladive envers le Maroc, dont elle cherche à saboter et ternir continuellement la politique fructueuse et réussie d’interface économique et politique dynamique entre les pays occidentaux du «Nord», et les pays subsahariens du «Sud», semble craindre comme la peste que celui-ci ne fasse profiter les pays du Sahel de sa longue expérience de lutte contre les bandes armées du Polisario et le terrorisme jihadiste. Surtout que la politique de lutte contre le terrorisme adoptée par le Maroc a fait les preuves de son efficacité, ce qui n’est pas le cas de tous les pays de la région. Le 30 juin dernier, ce ne sont pas moins de 11 gendarmes gardes frontières algériens qui ont perdu la vie dans un piège tendu par un groupe de l’AQMI, une «katiba» dirigée par un dénommé Yahia Abou Amar, qui a revendiqué l’attaque en distribuant des tracts dans la région frontalière entre l’Algérie et le Mali.
D’autre part, les FAR jouissent du statut d’allié majeur non-OTAN des Etats-Unis et sont en plein processus de modernisation de leurs équipements. En outre, l’essentiel de leur armement est d’origine américaine et française. Ce qui veut dire, une interopérabilité grandement facilitée entre les forces marocaines et celles des pays de l’OTAN, dont la France fait maintenant également partie.
Depuis 2004, les FAR organisent chaque année des manœuvres conjointes avec les forces armées US, dénommées «African Lion». «African Lion 2010», qui s’est déroulée du 10 mai au 18 juin dans le sud marocain, a coïncidé avec l’organisation parallèle de manœuvres conjointes entre les forces armées américaines et celles de six pays d’Afrique subsaharienne, à savoir la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Sénégal, le Tchad et le Nigeria. Ces manœuvres, intitulées «Flintlock 10», qui se sont déroulées du 2 au 23 mai, s’inscrivent, au même titre qu’African Lion 2010, «dans le cadre de la stratégie américaine de lutte contre le terrorisme et pour le renforcement de la stabilité et de la sécurité en Afrique», selon un article du confrère «Libération» datant du 21 avril.
Il s’avère, en effet, qu’un incontestable problème d’efficience dans la mise en œuvre d’opérations anti-terroristes se pose pour les armées des pays subsahariens du Sahel.
«En privé, avec des armées sans grands moyens militaires, les mêmes dirigeants africains avouent leur préférence, à savoir une intervention occidentale sans appui africain», souligne le journal français «La Croix», dans son édition du 26 juillet. Le président sénégalais Abdoulaye Wade est allé jusqu’à lancer franchement un appel «à l’intervention des puissances occidentales». Car, il estime que «ce terrorisme du désert est en train de prendre de nouvelles formes très inquiétantes».
Sauf que «par crainte d’être accusée de «néocolonialisme», non par les États Africains concernés, ni sans doute beaucoup d’autres, les Occidentaux, Français en tête, jouent la carte militaire de «l’intervention mixte». Un raid commun à la poursuite d’un otage, comme cela a été le cas jeudi 22 juillet entre la France et la Mauritanie, tenu secret par Paris, mais dévoilé par l’Espagne, est souvent voué à l’échec».
Il existe bel et bien un poste de commandement (PC) régional de lutte contre le terrorisme à Tamanrasset, dans le sud algérien, créé en avril par Al Mouradia pour coordonner les activités de l’ANP avec les forces armées de la Mauritanie, du Mali et du Niger. Sauf, que jusqu’à présent, ce PC n’est toujours pas opérationnel. Et alors qu’Alger accuse ses partenaires africains de laxisme dans la lutte contre l’AQMI, un responsable sécuritaire nigérien, cité par l’AFP dans une dépêche datant du 29 juillet, a surtout déploré «le fait que l’Algérie veuille faire cavalier seul pour régler un problème si épineux».
Selon la même source, le journaliste mauritanien Isselmou Ould Moustapha, spécialiste du jihadisme, souligne que les Algériens «ne sont pas parvenus en plus de 15 ans à se débarrasser des islamistes radicaux, il faut maintenant qu’ils comprennent qu’ils ont besoin de leurs voisins pour cela».
Seulement, y a-t-il un interlocuteur à l’autre bout du fil ? Car, il n’y a de pire aveugle que celui qui ne veut voir.
Une lecture des articles de presse publiés au cours des dernières semaines à ce sujet en France, en Algérie, au Mali et en Mauritanie donne de cet événement, passé presque inaperçu à l’échelle nationale, une connotation géopolitique régionale qui ne saurait être négligée.
Dans un article signé par Jeremy Keenan, socio-anthropologue anglais, publié le 8 août dernier par le site anglophone de la chaîne qatarie Al Jazeera, intitulé ««Main secrète» dans le raid français au Sahel», l’auteur accuse clairement les services secrets algériens, le «DRS», dirigé par le tout puissant Général Mohamed Mediène, dit «Tawfik», d’être derrière l’organisation d’Al Qaïda au Maghreb Islamique, la tristement célèbre «AQMI».
Ce qui ne manque pas aussi de susciter l’attention, c’est qu’un blog polisarien s’est empressé de republier un article paru dans le journal algérien «Le Midi», remettant en cause la crédibilité de l’anthropologue anglais, l’accusant implicitement d’activités «d’espionnage». Même la chaîne Al Jazeera en a pris pour son grade.
Pourquoi le «Polisario» s’intéresse-t-il tant à cette affaire ?
Tout ceci n’est pas sans rappeler que parmi les auteurs du rapt de onze humanitaires espagnols revendiqué par l’AQMI, fin novembre 2009, il y avait un commandant de réserve polisarien, Mohamed Salem Ould Ehmouda. Omar Ould Hamma, dit «Omar Sahraoui», le commanditaire du rapt, aurait, pour sa part, des liens connus avec la direction du «Polisario», selon les journaux mauritaniens qui ont couvert le procès de ces terroristes à la Cour criminelle de Nouakchott, à la fin du mois écoulé.
Encore plus bizarre, ce même blog polisarien a publié un article, le dimanche 15 de ce mois, pour annoncer la libération prochaine des deux derniers humanitaires espagnols détenus par un groupe de l’AQMI, qui serait dirigé par un dénommé Mokhtar Benmokhtar, surnommé «Belawar». Ces deux travailleurs humanitaires font partie des 11 otages séquestrés par ce groupe au nord de la Mauritanie, fin novembre 2009. Pourtant, le gouvernement espagnol se montre plutôt très inquiet du sort des ces deux otages et ce en raison de pressions qu’exercerait sur Benmokhtar l’autre chef terroriste de l’AQMI opérant dans ce secteur, Abdelhamid Abou Zeïd, celui-là même qui a exécuté l’otage français, Michel Germaneau, et avant lui un britannique, Edwin Dyer, en juin 2009. Abou Zeïd chercherait ainsi à venger la mort de sept de ses «combattants», tombés lors de l’assaut conjoint des forces spéciales françaises et mauritaniennes contre leur camp. Benmokhtar est décrit par des «experts», souvent eux-mêmes douteux, il le faut préciser, comme porté sur les rançons, pour financer les activités de l’AQMI dans la région, alors que Abou Zeïd serait un «radical», plutôt porté à faire couler le sang des «infidèles». La rançon réclamée pour la libération de ses deux otages serait, selon le journal «Le Temps d’Algérie», de 5 à 6 millions d’euros.
Outre la somme d’argent, l’AQMI réclamerait la libération de prisonniers salafistes détenus par Nouakchott. Sauf que les autorités mauritaniennes ne l’entendent pas de cette oreille, ce qui obligerait, actuellement, le gouvernement espagnol à renégocier le prix de la rançon, gêné par ailleurs par la dernière action militaire française ratée contre l’AQMI.
Contrairement à la position de fermeté adoptée par Paris envers les terroristes preneurs d’otages, Madrid a choisi de passer à la caisse, au risque de participer au financement de cette dangereuse organisation jihadiste.
Un «Polisario» plutôt bien introduit dans les réseaux terroristes et mafieux
Selon le journal algérien, «El Khabar», la Mauritanie aurait finalement «l’intention de remettre Omar Sahraoui, l’un des leaders d’AQMI, au Mali, dans les quelques jours à venir, en vue de lui permettre de négocier un deal avec Al Qaida. C’est-à-dire la libération du terroriste contre les deux otages espagnols. Un fait qui pourrait susciter l’ire de l’Algérie».
C’est tout autre son de cloche, cependant, auprès du blog polisarien concernant les véritables auteurs du rapt des humanitaires espagnols: «Depuis le début, notre journal (polisarien) avait écrit que ces deux otages n’étaient pas entre les mains du sanguinaire, Abou Zeïd. Car, si tel avait été le cas, il y a de fortes chances qu’ils aient été éliminés, puisque aucune des revendications formulées par le GSPC n’a, jusque-là, été satisfaite. Faisant monter la pression pour des raisons que l’on peut deviner aisément, la plupart des médias occidentaux prétendent que la vie de ces deux otages serait en danger. Ils précisent qu’ils seraient entre les mains de Mokhtar Belmokhtar, et que celui-ci subirait des pressions de la part d’Abou Zeïd, afin qu’il les élimine. Or, la vérité est toute autre, si l’on en croit nos sources. Les travailleurs humanitaires en questions auraient été enlevés par le groupe de touaregs qui ont rejoint le GSPC, à cause du refus de Bamako d’appliquer les accords d’Alger. Ils sont dirigés par Amar Ag Amenokal et son lieutenant Abdelkrim. Par la suite, les otages auraient été rétrocédés à Abou Amar, émir d’une phalange moins extrémiste que celle que dirige Abou Zeïd. Mokhtar Belmokhtar, lui, est en trêve depuis plusieurs années déjà, dans l’attente d’assez de garanties pour pouvoir se placer, lui et ses hommes, sous la protection de l’Etat et bénéficier des termes prévus par la Charte pour la Paix et la Réconciliation nationale».
Pour un mouvement séparatiste dont le seul objectif affiché est la scission des provinces du sud marocain, le «Polisario» semble, ainsi, plutôt bien introduit dans les réseaux terroristes et mafieux qui sévissent dans le Sahel. Encore une preuve de la dérive criminelle de ce mouvement créé par les services de sécurité algériens et qui continue de s’inscrire dans leur stratégie occulte et sanguinaire visant à imposer la domination algérienne en Afrique du nord et sahélienne.
Revenons en à l’affaire de l’humanitaire français, Michel Germaneau, enlevé au Niger et mort dans de sombres conditions, au Mali, entre les mains du groupe AQMI dirigé Abdelhamid Abou Zeïd. Et assurons-nous, effectivement d’abord, de la crédibilité de l’auteur des graves accusations contre le Département du Renseignement et de la Sécurité algérien. Jeremy Keenan est socio anthropologue, professeur associé à l’École des études orientales et africaines à l’Université de Londres, consultant auprès de l’ONU et d’autres organisations internationales. Il est l’auteur de nombreux ouvrages sur la région du Sahara et du Sahel, dont «The Dark Sahara: America’s War on Terror in Africa» (Le sombre Sahara: la guerre contre le terrorisme de l’Amérique en Afrique).
C’est, donc, une autorité internationalement reconnue en ce qui concerne le Sahara et le Sahel.
Selon Jeremy Keenan, le DRS aurait induit en erreur les services secrets français, la DGSE, à propos du sort de l’otage français de l’AQMI détenu au nord du Mali, Michel Germaneau.
«Il y a des raisons de croire que l’otage français pourrait ne pas avoir été exécuté comme l’a affirmé l’AQMI, mais pourrait avoir trouvé la mort plusieurs semaines auparavant. Il avait 78 ans, était fragile et dépendant de médicaments qui ne lui étaient pas fournis. La dernière ‘preuve de vie reçue par les autorités françaises date du 14 mai. Selon des sources dans la région, il pourrait avoir trouvé la mort peu de temps après», explique d’abord le socio anthropologue anglais, d’après la traduction de son article publiée par le journal en ligne, «Rue89».
Un spécialiste des groupes islamistes armés, Lyes Boukraa, cité le samedi 14 août, par le journal algérien «El Khabar», met en doute l’explication de la mort naturelle par manque de soins.
«Ils (les Français) avancent la thèse que l’otage serait mort avant le raid franco-mauritanien arguant du fait que l’ex-otage souffrait de problèmes cardiaques et qu’il aurait succombé faute de soins et médicaments. Cette thèse pose problème. En effet, si Michel Germaneau était effectivement mort, depuis deux semaines, pourquoi alors la France a-t-elle jugé utile de lancer ce raid avec l’armée mauritanienne contre une base de l’AQMI au Mali ? A l’inverse, si nous admettons que l’ex-otage était encore vivant alors une autre question: comment les autorités françaises, connaissant la nature et l’étendue du terrain, l’importance des réseaux de complicités tissés par l’AQMI, la mobilité extrême des groupes armés, sachant aussi que les djihadistes n’hésiteront pas à tuer l’otage à la moindre alerte et, sachant surtout, que dans la région un renseignement même émanant d’une source sûre à 100% n’est en réalité certain qu’à 10% à peine. Pourquoi, connaissant tout cela, les autorités françaises ont-elles couru le risque certain que l’otage soit tué au cours de l’opération ou après l’opération à titre de représailles ?»
«Mortel FAMAS» ou la thèse des maladroits Rambo français
Un autre journal algérien, «L’Expression.dz», a inventé, pour sa part, dans son édition du 11 août, une théorie tout a fait farfelue pour expliquer l’échec de l’intervention du commando franco-mauritanien. La théorie du «puissant» fusil d’assaut FAMAS, «mal manipulé par les membres du commando français». Celui-ci devait être constitué de 20 ou 30 agents du Service Action de services secrets français, la DGSE, qui connaissent le mieux le terrain, selon Jean-Dominique Merchet, journaliste au quotidien français «Libération», où il s’occupe des questions militaires depuis une quinzaine d’années. Mais il est fort probable que le commando ait également comporté des éléments du Commandement des Opérations Spéciales, le COS, qui regroupe les meilleurs éléments des Forces spéciales françaises et, donc, les mieux placés pour exécuter ce genre d’opérations.
Un véritable scénario de «mauvais» film d’action que celui décrit par le journal algérien, mais avec l’art et la manière. Régalez vous !
«Un épais brouillard persiste autour de la mort de l’otage français Michel Germaneau. La raison est simple. Il s’agit de dissimuler une bavure du corps d’élite de l’armée française. C’est un coup dur pour le commandement des opérations spéciales et les agents du renseignement de cette armée. En fait, c’est le commando qui a causé la mort de l’otage suite à des tirs provenant de l’un des deux hélicoptères de type Eurocopter Tigre qui ont participé à l’assaut. L’arme utilisée est le Famas, de fabrication française. Ce fusil détient le record de la cadence de tir, la plus élevée de tous les fusils d’assaut actuellement en service, soit 950/1000 coups minute pour la version F1 et 1100 pour la G2. Selon les informations parvenant à Alger, «le raid militaire mené conjointement par la France et la Mauritanie a provoqué la mort de l’otage». Michel Germaneau «a été exécuté suite à une bavure de l’armée française», selon les mêmes sources. Il fut exécuté maladroitement lors de la seconde opération près du camp de Tissalit entouré des monts de Tigharghar, une zone frontalière algéro-malienne. Germaneau ayant été tué par des tirs depuis un des deux hélicoptères participant au raid, les membres du commando ne pouvaient qu’imaginer un scénario pour camoufler leur fiasco. (…) Le corps de l’otage a été sciemment dissimulé pour entourer d’une chape de plomb une défaillance des militaires aux conséquences désastreuses. La crainte des conclusions des éventuelles études balistiques et l’autopsie de médecins légistes a poussé les décideurs à faire disparaître le corps de Michel Germaneau. A l’évidence, ce camouflage ne vise qu’à taire le double flop de l’armée française».
N’importe quel connaisseur amateur des opérations spéciales sait que les soldats d’élite surentraînés de ce genre d’unités, formées entre autres à la libération d’otages, ne tirent pas de longues rafales à l’aveuglette. Ils tirent au coup par coup ou en courtes rafales, répétées et bien ciblées. Quand au fusil d’assaut FAMAS G2, calibre 5,56 OTAN, en usage en version commando chez les Forces Spéciales françaises, il est de faible longueur, d’un poids d’un peu plus de quatre kilogrammes et doté d’une poignée «garde main». Il n’a pas la réputation d’une arme difficile à maîtriser depuis le temps qu’il est utilisé.
La bavure qu’il y a eu, en avril 2009, lors de l’assaut en mer mené par un commando du COS pour libérer des otages français de l’emprise de pirates somaliens, entraînant la mort de l’un de ses otages, est dû à l’espace exigu du bateau de plaisance où s’est déroulée l’opération, la proximité entre pirates et otages était importante et la confusion facile. L’otage en question avait alors reçu une balle en pleine tête tirée par un commando.
De toute manière, une autre version du déroulement de l’opération militaire conjointe franco-mauritanienne semble beaucoup plus réaliste. C’est celle donnée par le journaliste français spécialiste des questions de défense, Jean-Dominique Merchet.
«Le point de départ a été une base située non loin de la frontière, où les forces spéciales françaises et mauritaniennes s’entraînent. Le raid a pris la forme d’une colonne de véhicules tout-terrain. Entre 20 et 30 militaires français accompagnaient quelques dizaines de Mauritaniens. La colonne a roulé de nuit et les derniers kilomètres, environ dix, ont été parcourus à pied pour ne pas donner l’alerte. L’attaque contre le camp a eu lieu à l’aube. Contrairement a ce que nous écrivions sur la base d’informations partielles et erronées, il n’y a donc pas eu d’opérations aériennes».
Donc, pas d’assaut héliporté sur le camp de l’AQMI au nord du Mali, avec tirs en rafales et explosions spectaculaires comme dans les films, mais une approche discrète des forces mixtes engagées, pour donner un maximum de chances au sauvetage programmé de l’otage français. S’il s’y trouvait…
Si la thèse de la bavure ne vous plaît pas, alors il y a celle de l’espion cardiaque de 78 ans
En sus du scénario hollywoodien, le même journal algérien «L’Expression» publie, dans son édition du 28 juillet, une analyse des capacités militaires de la France et son aptitude à lutter efficacement contre l’AQMI dans la région du Sahel. Car il devient de plus en plus évident, à la lecture de la presse algérienne, que c’est l’éloignement de la France du théâtre sahélien qui est l’objectif escompté. Et ce après que le premier ministre français, François Fillon, ait déclaré à Europe 1, «Nous sommes en guerre contre Al-Qaïda».
Cette fois, le journal algérien fait intervenir des «spécialistes» français qui demandent à rester «anonymes»…
«La France, si elle menace et promet que l’assassinat de l’otage Michel Germaneau «ne restera pas impuni», dispose d’options militaires ou d’action directe au Sahel contre Al Qaîda au Maghreb islamique (AQMI) limitées, estiment des experts. Face à des groupes mobiles et aguerris, éparpillés dans une immense zone désertique aux confins du Mali, de la Mauritanie et de l’Algérie, qui ont des accointances et des relations familiales ou d’affaires avec les tribus et les autorités locales, Paris n’a pas les moyens d’une véritable offensive antiterroriste».
«Les moyens français, en hommes et en matériel, sont limités», ajoutent ces experts. «Des troupes sur place, on n’en a plus ou presque. (…) Les rares qui sont opérationnelles sont en Afghanistan où elles font ce qu’elles peuvent. On n’a pas de réelle capacité de projection, aérienne ou de troupes».
«La politique française actuelle est très affirmative, mais la réalité n’est pas à la hauteur des annonces. La France réduit ses budgets, y compris pour la sécurité et la prévention extérieure. On ne pourra pas faire grand-chose», conclu un autre expert français «anonyme».
Le journal algérien «L’Expression», est, cependant, allé encore plus loin, accusant carrément la France d’avoir commis une bavure de nature à servir les intérêts de l’AQMI, selon des passages d’un éditorial repris par le journal français «La Croix», dans son édition du 28 juillet. Et pour enfoncer le clou, il met littéralement en doute la véritable identité de l’otage français décédé, Michel Germaneau.
«Si le président français, Nicolas Sarkozy, voulait aider la bande de criminels qui sévit au Sahel sous le label «AQMI», une filiale d’Al Qaîda, il ne se serait pas pris autrement».
«Par deux fois et de façons diamétralement opposées, il aura réussi à faire leur «promo». Une première fois en février dernier, en obtenant la libération d’un de ses agents secrets (reconnu par Bernard Bajolet, chef du renseignement à la présidence française), Pierre Camatte, âgé de 61 ans, faussement présenté au début comme un retraité versé dans l’humanitaire pour lutter contre le paludisme. Avant de le libérer, les ravisseurs ont obtenu le versement d’une rançon qu’ils réclamaient et, grâce à l’extraordinaire pression de l’Elysée sur les autorités maliennes, la libération de quatre membres de leur bande détenus au Mali. «Stimulée» par ce succès, l’AQMI enlève, le 19 avril dernier, un autre retraité français, Michel Germaneau, âgé de 78 ans et officiellement reconverti lui aussi dans l’humanitaire».
Et les attaques contre la France se poursuivent. Dimanche 15 août, le journal «L’Expression» sort une «nouvelle version» des événements, après celle de la bavure:
«Quelques jours avant le début de l’opération, des sources proches des services secrets français auraient mis en garde la Mauritanie contre d’éventuelles attaques d’Al Qaîda en territoire mauritanien. Selon cette seconde version, des doutes planent toujours sur la véritable identité de l’otage. Dans un autre contexte, les terroristes d’Al Qaîda auraient vraisemblablement découvert la véritable personnalité de Michel Germaneau. Pris à leur propre piège, les Français ont voulu négocier pour tenter de sauver les «meubles»; mais vu la tournure prise par les événements, ils ont tout fait pour impliquer les Mauritaniens dans un sale coup. Acculée, la France aurait opté pour la liquidation pure et simple de l’otage. Ayant compris les craintes françaises, Al Qaîda aurait préféré jouer le jeu, en adoptant une position qui permette à la France d’»arranger» les choses ».
Il y a juste un petit hic dans l’insinuation selon laquelle Michel Germaneau était un agent français opérationnel sous couverture au Mali. Contrairement à Pierre Camatte, qui n’avait que 61 ans et était en bonne santé, même après sa détention dans de difficiles conditions, Michel Germaneau avait 78 ans et souffrait d’une maladie cardiovasculaire qui l’obligeait à prendre régulièrement des anticoagulants. Pas du tout le profil d’un agent de terrain.
Car ce qui semble le plus gêner nos voisins de l’Est, c’est «pourquoi, aujourd’hui, la Mauritanie veut-elle ouvrir une enquête sur ce qui s’est passé à l’issue d’un raid de commandos exécuté comme au temps révolu du colonialisme?», s’interroge le journal «L’Expression», dans son édition du 15 août.
La veille déjà, c’est-à-dire le 14 août, c’était le Mali qui se faisait accuser d’accointances avec l’AQMI.
Le «déclin» de la France au Sahel
et l’Algérie du DRS en sauveur !
Un ex-chef du Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat, le GSPC, arrêté par les forces de sécurité algérienne en 2006, aurait révélé que «les chefs des «groupes terroristes» ont signé des accords et des conventions avec des chefs de tribus et des responsables locaux, au nord du Mali. Ces accords font état de les approvisionner en armes, les héberger et de ne pas les dénoncer», selon des informations en provenance d’Algérie, rapportée par le journal «Achorouk oneline». Il aurait même «aperçu de hauts responsables du gouvernement malien prendre du thé dans des camps d’entraînement du GSPC». Il n’a pas toutefois précisé si un méchoui était au menu ou pas. Car, bien entendu, il s’agit là encore d’une déclaration faîte sous anonymat, l’ex-chef terroriste repenti en question, «qui était responsable des relations extérieures au niveau de l’organisation terroriste», craignant des «représailles de la part de ses ex-compagnons». Ce qui est bien commode pour lui faire dire ce que l’on veut.
Qu’à tout cela ne tienne. Le journal «L’Expression» décrit, en fait, une grande opération d’élimination des agents français «infiltrés» dans les pays du Sahel, tout en insinuant que c’est du fait des…Américains !
«N’ayant jamais abandonné l’idée d’un Sahel complètement acquis, une sorte de chasse gardée française, l’Elysée vient de se rendre compte que les Américains ont pris sérieusement les choses en main. Harcelées par Al Qaîda, du Tchad jusqu’en Mauritanie, les «taupes» françaises sont en train de tomber l’une après l’autre. Selon certains observateurs, toute la région est actuellement menacée d’afghanisation et il n’y a que l’Algérie qui reste en mesure d’éviter cette inquiétante perspective».
Ah, enfin ! Le journaliste, qui se réfère, dès le début de son article, à des «sources sécuritaires» algériennes, fini par tomber le masque. Alors que le menaçant spectre du chaos plane sur toute la région, que «les derniers hommes de cape et d’épée d’une France, nostalgique d’un passé colonial dont elle n’a plus les moyens», tombent comme des mouches sous les coups des méchants terroristes d’Al Qaïda, le tout sous houlette américaine (sic !), l’Algérie apparaît comme le seul rempart contre les hordes barbares. Amen !
«Si Germaneau était déjà mort, comme cela a été suggéré, le DRS doit l’avoir su. S’il était vivant et détenu ailleurs, il l’aurait également su. S’il avait été vivant et détenu à Tigharghar, alors il faut demander qui a prévenu Zeïd (Abdelhamid Abou Zeïd) de l’imminence de l’attaque militaire, de telle sorte que Germaneau et lui ne s’y trouvaient pas lors de l’assaut ?», s’interroge Jeremy Keenan.
Très bien renseigné sur la situation à la frontière entre l’Algérie et le Mali, zone de non droit que les éléments de l’AQMI et autres rebelles touaregs et trafiquants en tout genre sillonnent en toute liberté, il précise: «La zone frontalière juste au nord de Tigharghar est survolée quotidiennement par les hélicoptères de l’armée algérienne, et régulièrement par deux Beechcraft 1900 de l’armée de l’air algérienne, équipés de matériel de surveillance. De plus, il existe des contacts étroits entre la cellule d’Abdelhamid Abou Zeïd d’AQMI et le DRS, Zeïd étant lui-même considéré comme un agent du DRS. Pour cette raison, les habitants de la région, de plus en plus remontés contre les soi-disant activités d’Al Qaeda, se réfèrent souvent à l’AQMI comme «AQMI/DRS». Ainsi, les derniers mots attribués au colonel Lamana Ould Bou, du service malien de la sécurité d’Etat, peu avant son assassinat à Tombouctou le 10 juin 2009, étaient: «Au cœur d’AQMI, il y a le DRS»».
Déjà, en mars dernier, dans un article publié par le journal malien «L’Indépendant», relatif à la libération de l’otage français de l’AQMI, Pierre Camatte, contre la relaxe de quatre terroristes détenus au Mali, l’auteur, Saouti Labass Haidara a ainsi conclu son texte: «C’est l’Algérie elle-même qui constitue le principal danger pour la paix, la sécurité et la stabilité du Nord Mali».
Interrogé à l’époque du rapt de Pierre Camatte par le journal français en ligne, «Rue89», sur les éventuels liens entre le DRS et l’AQMI, Jeremy Keenan avait déjà affirmé: «Divers signes montrent les liens entre DRS et AQMI. Hattab (NDLR: Hassan Hattab est le créateur du GSPC, en 1998), par exemple, vit aujourd’hui sous la protection du DRS, tandis que les relations entre ce service de renseignement et le chef actuel de l’AQMI, Abdelmalek Droukdel (alias Abou Mossab Abdelwadoud), fait l’objet de multiples supputations. (…) Amari Saifi (porteur de douze pseudonymes, surnommé «Le Para»), qui a dirigé l’opération, était un agent du DRS. Le ravisseur de Pierre Camatte, Abdelhamed Abou Zeïd, était l’adjoint du «Para» et responsable, à ce titre, de la zone malienne. Il bénéficierait de l’aide de deux hommes: Yahia Djouadi (alias Abou Amar), un vétéran de l’opération de 2003 et Mokhtar ben Mokhtar, sorte de «freelance» du DRS».
Fixation maladive sur le Maroc
ou l’obsession du leadership régional
Rapportées aux accusations portées par des transfuges de l’armée et des services secrets algériens, parmi lesquels l’ex-lieutenant colonel du DRS, Mohammed Samraoui, et l’ex-sous-lieutenant de l’ANP, Habib Souaïdia, tous deux auteurs de livres décrivant les liens «étranges» entre les services secrets algériens et certains émirs des GIA, dans les moments les plus sanguinaires du terrorisme en Algérie, celles de Jeremy Keenan semblent donc décrire un modus operandi déjà mis en œuvre à l’échelle locale et maintenant exporté dans toute la région.
Si la création des GIA avait pour but de décrédibiliser le Front Islamique du Salut (FIS), vainqueur des élections législatives en 1991 et interdit en 1992, en lui accolant l’étiquette de mouvement terroriste, dans quel but a donc été crée l’AQMI ?
«Toute la stratégie du DRS, en créant l’AQMI dans la région sahélienne, en 2006, a été de convaincre les Occidentaux, et en particulier les Etats-Unis, du rôle indispensable de l’Algérie comme gendarme régional» explique Jeremy Keenan.
A lire l’entretien accordé par le spécialiste des groupes islamistes armés, Lyes Boukraa, au Journal «El Khabar», la thèse de la quête algérienne effrénée du rôle de «gendarme régional» paraît validée. Une thèse où, encore une fois, l’hostilité maladive envers le Maroc finit par émerger comme un point crucial de la stratégie du voisin de l’Est.
«Je pense que le raid français n’avait rien à voir avec la libération de l’otage. Il procède d’une autre raison et mise d’autres objectifs. Ces objectifs sont, à mon avis : 1) Contrecarrer la démarche algérienne en provoquant son isolement dans la région ; 2) Réintroduire le Maroc dans l’équation sécuritaire régionale, 3) Faire diversion afin de détourner l’attention des français des échecs de la politique du président Sarkozy ; 4) Installer des bases militaires dans une zone riche en ressources et que la France considère toujours comme sa profondeur stratégique».
Eh oui, l’Algérie, avec son obsession maladive envers le Maroc, dont elle cherche à saboter et ternir continuellement la politique fructueuse et réussie d’interface économique et politique dynamique entre les pays occidentaux du «Nord», et les pays subsahariens du «Sud», semble craindre comme la peste que celui-ci ne fasse profiter les pays du Sahel de sa longue expérience de lutte contre les bandes armées du Polisario et le terrorisme jihadiste. Surtout que la politique de lutte contre le terrorisme adoptée par le Maroc a fait les preuves de son efficacité, ce qui n’est pas le cas de tous les pays de la région. Le 30 juin dernier, ce ne sont pas moins de 11 gendarmes gardes frontières algériens qui ont perdu la vie dans un piège tendu par un groupe de l’AQMI, une «katiba» dirigée par un dénommé Yahia Abou Amar, qui a revendiqué l’attaque en distribuant des tracts dans la région frontalière entre l’Algérie et le Mali.
D’autre part, les FAR jouissent du statut d’allié majeur non-OTAN des Etats-Unis et sont en plein processus de modernisation de leurs équipements. En outre, l’essentiel de leur armement est d’origine américaine et française. Ce qui veut dire, une interopérabilité grandement facilitée entre les forces marocaines et celles des pays de l’OTAN, dont la France fait maintenant également partie.
Depuis 2004, les FAR organisent chaque année des manœuvres conjointes avec les forces armées US, dénommées «African Lion». «African Lion 2010», qui s’est déroulée du 10 mai au 18 juin dans le sud marocain, a coïncidé avec l’organisation parallèle de manœuvres conjointes entre les forces armées américaines et celles de six pays d’Afrique subsaharienne, à savoir la Mauritanie, le Mali, le Burkina Faso, le Sénégal, le Tchad et le Nigeria. Ces manœuvres, intitulées «Flintlock 10», qui se sont déroulées du 2 au 23 mai, s’inscrivent, au même titre qu’African Lion 2010, «dans le cadre de la stratégie américaine de lutte contre le terrorisme et pour le renforcement de la stabilité et de la sécurité en Afrique», selon un article du confrère «Libération» datant du 21 avril.
Il s’avère, en effet, qu’un incontestable problème d’efficience dans la mise en œuvre d’opérations anti-terroristes se pose pour les armées des pays subsahariens du Sahel.
«En privé, avec des armées sans grands moyens militaires, les mêmes dirigeants africains avouent leur préférence, à savoir une intervention occidentale sans appui africain», souligne le journal français «La Croix», dans son édition du 26 juillet. Le président sénégalais Abdoulaye Wade est allé jusqu’à lancer franchement un appel «à l’intervention des puissances occidentales». Car, il estime que «ce terrorisme du désert est en train de prendre de nouvelles formes très inquiétantes».
Sauf que «par crainte d’être accusée de «néocolonialisme», non par les États Africains concernés, ni sans doute beaucoup d’autres, les Occidentaux, Français en tête, jouent la carte militaire de «l’intervention mixte». Un raid commun à la poursuite d’un otage, comme cela a été le cas jeudi 22 juillet entre la France et la Mauritanie, tenu secret par Paris, mais dévoilé par l’Espagne, est souvent voué à l’échec».
Il existe bel et bien un poste de commandement (PC) régional de lutte contre le terrorisme à Tamanrasset, dans le sud algérien, créé en avril par Al Mouradia pour coordonner les activités de l’ANP avec les forces armées de la Mauritanie, du Mali et du Niger. Sauf, que jusqu’à présent, ce PC n’est toujours pas opérationnel. Et alors qu’Alger accuse ses partenaires africains de laxisme dans la lutte contre l’AQMI, un responsable sécuritaire nigérien, cité par l’AFP dans une dépêche datant du 29 juillet, a surtout déploré «le fait que l’Algérie veuille faire cavalier seul pour régler un problème si épineux».
Selon la même source, le journaliste mauritanien Isselmou Ould Moustapha, spécialiste du jihadisme, souligne que les Algériens «ne sont pas parvenus en plus de 15 ans à se débarrasser des islamistes radicaux, il faut maintenant qu’ils comprennent qu’ils ont besoin de leurs voisins pour cela».
Seulement, y a-t-il un interlocuteur à l’autre bout du fil ? Car, il n’y a de pire aveugle que celui qui ne veut voir.
Ahmed NAJI