Le match Burkina Faso-Algérie, qualificatif à la phase finale de la Coupe du monde de football, a été diffusé par la chaîne de l’Etat algérien sans acheter les droits de retransmission.
Cet acte de piratage est assumé avec un rare courage par le directeur général de l’ENTV, Toufik Khelladi. C’est encore plus grave que l’acte de vol lui-même. Mais, ce genre de pratiques est devenu presque banal dans une télévision livrée aux quatre vents depuis des années.
L’ENTV, qui porte une appellation qui n’est même pas correcte, est gérée loin de tout contrôle parlementaire ou populaire. Le budget de cette chaîne et ses quatre démembrements (Canal Algérie, A3, Chaîne 4 et Chaîne 5) est presque un secret d’Etat. Le service commercial, qui négocie les contrats publicitaires, la vente d’images et le rachat des droits, agit loin de toute transparence. Combien coûte une minute de publicité à l’ENTV ? Secret. Quel est le montant versé chaque année aux producteurs algériens de sitcom, feuilletons et séries ? Secret. Quelle est la masse salariale de l’ENTV ? Secret. Quel est le nombre de journalistes et techniciens inscrits sur la liste du personnel et qui ne travaillent jamais ? Secret. Quels sont les critères de recrutement à l’ENTV ? Secret. Comment sont entretenues les archives de l’ex-RTA ? Secret. Les responsables de l’ENTV ne publient jamais un bilan annuel des activités de la chaîne d’Etat. Ils ne s’adressent à la presse que pour annoncer la grille du Ramadhan et disparaître après. L’ENTV ne possède même pas, comme toutes les télévisions de la planète, un site internet digne de son nom. Canal Algérie, une chaîne sans aucune âme ni personnalité, ne sait pas à qui s’adresser : communauté algérienne à l’étranger ? L’univers francophone ? L’Afrique ? Le Maghreb ? Rien, aucune ligne claire. A3, qui, théoriquement est orientée vers le Moyen-Orient, n’est qu’une pâle copie de «la Terrestre», vraie-fausse terrestre puisqu’elle est portée sur le satellite NileSat au nom curieux de «Programme national».
Dernier de la classe
Les autres chaînes sont tellement invisibles qu’il est difficile de comprendre pourquoi elles ont été créées. Il existe bien entendu des émissions de bonne qualité faites par des journalistes et des producteurs d’un excellent niveau, mais elles sont noyées dans la médiocrité ambiante. Au 21, boulevard des Martyrs, les compétences sont pourchassées, mises de côté, marginalisées, méprisées. Les idées novatrices sont encerclées, les initiatives libres combattues. Tant d’argent dépensé pour presque rien. Tout ce qui compte est le «cérémonial» à la soviétique du Journal de 20 heures, élaboré selon une nomenclature bureaucratique qui résiste à l’épreuve du temps. Une télévision publique peut élaborer un journal de qualité selon les règles professionnelles contemporaines.
A l’ENTV, on tourne le dos à tout ce qui se fait dans l’univers de la télévision actuelle. Trop facile, voire simpliste, d’évoquer à chaque fois le cahier des charges. L’ENTV est en droit de couvrir les activités gouvernementales, mais ignorer tout ce qui agite la société comme débats, controverses, polémiques et scandales, est inacceptable, incompréhensible. Et comme la nature a horreur du vide, tout ce qui est «laissé» par l’ENTV est «récupéré» par les chaînes maghrébines, arabes et européennes. C’est inévitable. La guerre est aujourd’hui celle des images, des informations, de la communication.
Cette guerre-là n’est pas enseignée dans les «écoles des cadets de la nation» que l’on veut relancer en Algérie au nom d’une doctrine militaire complètement dépassée. Un char ou un bataillon ne peuvent rien face à un arrosage satellitaire. Les pleureuses, qui mettent à chaque fois l’étendard du patriotisme pour torpiller les débats, devraient peut être sécher leurs larmes et regarder la situation en face. L’Algérie est le dernier de la classe en matière de télévision et de radio. Les interdits, les blocages, les peurs, l’excès de zèle, les coups de téléphone et les menaces ont fini par neutraliser toute possibilité de changement positif au sein de ce qui est appelé les médias publics.
L’ENTV est pratiquement un média mort, puisqu’il n’a presque plus d’influence sur l’opinion nationale. Une opinion mieux informée par les chaînes étrangères de ce qui passe en Algérie et dans le monde. L’ENTV ne s’est même pas inquiétée de la concurrence imposée par les nouvelles chaînes de télévision privées algériennes. Des chaînes qui, malgré leur statut imprécis, tentent de faire un travail assez correct. La loi sur l’ouverture audiovisuelle, faible et mal élaborée, ne changera malheureusement pas grand-chose au paysage médiatique qu’on veut toujours figé. Mais quelle cause défend-on en dressant embûches, traquenards et pièges devant l’ouverture réelle du champ audiovisuel ? Et pourquoi les Algériens n’ont pas toujours le droit, en 2013, de choisir des programmes parmi les télévisions et les radios algériennes ? Ce grand fossé, qui sépare l’Algérie du reste du monde, ne sera jamais dépassé, sauf si une volonté politique s’exprime quelque part pour libérer le pays des «cordes» qui le tirent vers le passé, vers la glaciation, vers l’immobilisme. A ce moment-là, c’est toute la société qui doit se sentir concernée par cette «libération», nécessaire pour que l’Algérie rejoigne la marche du monde. Le monde qui évolue…
Fayçal Métaoui
Cet acte de piratage est assumé avec un rare courage par le directeur général de l’ENTV, Toufik Khelladi. C’est encore plus grave que l’acte de vol lui-même. Mais, ce genre de pratiques est devenu presque banal dans une télévision livrée aux quatre vents depuis des années.
Dernier de la classe
Les autres chaînes sont tellement invisibles qu’il est difficile de comprendre pourquoi elles ont été créées. Il existe bien entendu des émissions de bonne qualité faites par des journalistes et des producteurs d’un excellent niveau, mais elles sont noyées dans la médiocrité ambiante. Au 21, boulevard des Martyrs, les compétences sont pourchassées, mises de côté, marginalisées, méprisées. Les idées novatrices sont encerclées, les initiatives libres combattues. Tant d’argent dépensé pour presque rien. Tout ce qui compte est le «cérémonial» à la soviétique du Journal de 20 heures, élaboré selon une nomenclature bureaucratique qui résiste à l’épreuve du temps. Une télévision publique peut élaborer un journal de qualité selon les règles professionnelles contemporaines.
A l’ENTV, on tourne le dos à tout ce qui se fait dans l’univers de la télévision actuelle. Trop facile, voire simpliste, d’évoquer à chaque fois le cahier des charges. L’ENTV est en droit de couvrir les activités gouvernementales, mais ignorer tout ce qui agite la société comme débats, controverses, polémiques et scandales, est inacceptable, incompréhensible. Et comme la nature a horreur du vide, tout ce qui est «laissé» par l’ENTV est «récupéré» par les chaînes maghrébines, arabes et européennes. C’est inévitable. La guerre est aujourd’hui celle des images, des informations, de la communication.
Cette guerre-là n’est pas enseignée dans les «écoles des cadets de la nation» que l’on veut relancer en Algérie au nom d’une doctrine militaire complètement dépassée. Un char ou un bataillon ne peuvent rien face à un arrosage satellitaire. Les pleureuses, qui mettent à chaque fois l’étendard du patriotisme pour torpiller les débats, devraient peut être sécher leurs larmes et regarder la situation en face. L’Algérie est le dernier de la classe en matière de télévision et de radio. Les interdits, les blocages, les peurs, l’excès de zèle, les coups de téléphone et les menaces ont fini par neutraliser toute possibilité de changement positif au sein de ce qui est appelé les médias publics.
L’ENTV est pratiquement un média mort, puisqu’il n’a presque plus d’influence sur l’opinion nationale. Une opinion mieux informée par les chaînes étrangères de ce qui passe en Algérie et dans le monde. L’ENTV ne s’est même pas inquiétée de la concurrence imposée par les nouvelles chaînes de télévision privées algériennes. Des chaînes qui, malgré leur statut imprécis, tentent de faire un travail assez correct. La loi sur l’ouverture audiovisuelle, faible et mal élaborée, ne changera malheureusement pas grand-chose au paysage médiatique qu’on veut toujours figé. Mais quelle cause défend-on en dressant embûches, traquenards et pièges devant l’ouverture réelle du champ audiovisuel ? Et pourquoi les Algériens n’ont pas toujours le droit, en 2013, de choisir des programmes parmi les télévisions et les radios algériennes ? Ce grand fossé, qui sépare l’Algérie du reste du monde, ne sera jamais dépassé, sauf si une volonté politique s’exprime quelque part pour libérer le pays des «cordes» qui le tirent vers le passé, vers la glaciation, vers l’immobilisme. A ce moment-là, c’est toute la société qui doit se sentir concernée par cette «libération», nécessaire pour que l’Algérie rejoigne la marche du monde. Le monde qui évolue…
Fayçal Métaoui