Quelle que soit la durée de sa convalescence, sa santé fragile et son âge avancé ne lui permettent plus de
Pour gérer tous les dossiers, il est obligé de les confier à son entourage et ne s’occuper que du plus important et du plus pressant. En fait, il a confié beaucoup de ses prérogatives à des hommes «de confiance». Ces derniers agiront comme les véritables chefs d’orchestre dans les domaines dont ils ont la charge. Sans rendre de compte au peuple, il y feront la pluie et le beau temps. Le président qui détient la clé de voûte, ne saura jamais si son mandataire est consciencieux ou un irresponsable. Des affaires jugées de moindres importances iront à vau-l’eau.
L’armée garante de la Constitution et de la sécurité du pays surveille de près cette situation anormale. Comme beaucoup d’Algériens, l’état-major est sensible à cette déviance vis-à-vis du bon fonctionnement de l’État. Les «décideurs» savent que Bouteflika est incapable de mener à bien sa mission tout seul et savent que son frère et ses plus proches collaborateurs ont acquis un pouvoir inconstitutionnel énorme dans de nombreux secteurs.
Ils savent aussi que le devoir exige d’appliquer immédiatement l’article 88 de la Constitution qui stipule qu’en cas de maladie grave et durable, le président doit être destitué et remplacé temporairement par le président du Sénat. Mais, puisque tout les y autorise, pourquoi ne passent-ils pas à l’action ? D’autant plus qu’il s’est formé un front politique qui revendique cette mesure. La réponse est certainement du domaine du secret d’État, mais elle ne serait pas si compliquée à deviner.
Une destitution du chef de l’État algérien est un acte majeur. Elle marque l’histoire. Il y aura invariablement un clan politique, un groupe d’intellectuels ou des capitales étrangères qui considéreront la destitution du président comme un coup d’État militaire. L’armée sera sur la sellette et sa mesure fera la une des journaux du monde entier. Elle sera la seule comptable devant l’opinion publique et le tribunal de l’histoire et prendra le risque de provoquer une déstabilisation du pays. Ces éléments d’explications sont importants, mais elles n’expliquent pas tout.
La junte militaire algérienne, qui manœuvre en coulisse, est retenue par d’autres contraintes, autrement plus sérieuses : son passé noir et ses interventions musclées dans la politique. Depuis l’indépendance, l’Algérie n’a pas connu un changement de régime pacifique. À peu près tous les présidents ont connu une triste fin due à l’intervention de l’armée :
Ben Bella est victime d’un putsch
Boumediene meurt suite à une maladie rare et étrange
Chadli démissionne sous la contrainte des militaires
Boudiaf est tué par la sécurité militaire
Zeroual renonce à son deuxième mandat suite à des pressions militaires
Après ce constat et du fait du poids des crimes du DRS pendant la décennie rouge, les généraux Bentalha, en voie de disparition (dans l’enfer Inchallah), jugent probablement que dans le contexte actuel, le recours à la clause 88 de la Constitution est la dernière chose à laquelle ils devront penser. Tant que Bouteflika est capable de «prouver qu’il est en vie» à la télévision, rien ne lui arrivera. C’est peut-être une sage décision, Bouteflika finira bien par disparaître de la vie des Algériens…