Bouteflika va rentrer au pays dans les prochaines heures. Il a quitté les Invalides. Il a terminé ses examens médicaux. Il poursuivra sa convalescence en Algérie.
Bouteflika a fait ceci, Bouteflika a fait cela. La voici la chorba que les médias algériens nous servent chaque jour et dès la veille du Ramadhan. Les exclusivités s’enchaînent et le conditionnel est rarement employé. Nos médias sont toujours persuadés de la véracité de leurs infos. Il n’y a pas de place au doute. Bouteflika va rentrer, un point c’est tout.
C’est, certainement, leur rôle de nous informer sur les évolutions les plus récentes de l’état de santé du Premier magistrat du pays. C’est aussi leur mission d’investiguer et d’enquêter sur les dessous de cette hospitalisation. Mais la chronique quotidienne, alimentée par les fausses informations et les faux scoops, réalisée par nos médias n’est guère digne d’intérêt.
Les Algériens, ces lecteurs qu’on ne cherche plus à fidéliser avec du reportage, de l’analyse et de l’enquête, sont condamnés à rythmer leur vie avec des potins. Mêmes les agences de presse internationales, telles que l’AFP ou Reuters, sont tombées dans ce piège et nous font lire des dépêches annonçant le retour triomphal de Bouteflika au pays sans citer la moindre source fiable.
En l’espace de quelques semaines, Bouteflika est devenu un syndrome, une maladie qui a ébranlé tous les médias. Une obsession maladive qui consiste à transformer la maladie d’un Président en un feuilleton passionnant et alléchant.
Malheureusement, ce feuilleton ramadanesque ne fait guère des émules en Algérie. Que Bouteflika rentre ou ne rentre pas, c’est le dernier souci de ce peuple embourbé dans les difficultés de son quotidien. Que Bouteflika se rétablisse ou pas, les Algériens n’en ont cure.
Les scoops et les exclusivités inventés et façonnés par nos médias font ainsi plus rire que pleurer. Ces médias ont prouvé, une nouvelle fois, qu’ils sont à mille lieues des préoccupations de leurs lecteurs. Des lecteurs soucieux davantage d’une alternative au statut quo actuel qui paralyse leur pays. Une alternative à laquelle ces médias ne semblent guère s’y intéresser puisqu’ils préfèrent dresser la chronique allégée d’un Président fantomatique et absent dans la construction de l’avenir de l’Algérie.
Quelque part, grâce à l’hystérie médiatique, Bouteflika s’est réinventé une nouvelle vie, celle d’un personnage haut en couleur qui nourrit l’imaginaire des passionnés de la science-fiction. Bouteflika s’est transformé, effectivement, en « Bouteflikass », alias Fantômas, sur lequel tout le monde tire et fantasme à la fois.
Détesté et admiré, décrié et salué, rejeté et adulé, « Bouteflikass » est ce personnage qui fascine et suscite les sentiments les plus paradoxaux. Pour un Ramadhan sans saveur, « Bouteflikass » est une aubaine pour une société en panne d’espoirs et des médias sans inspiration. »Un jour Superman, un jour Fantômas /Un homme qui s’efface sans laisser de traces », ce vers d’un poète français s’applique merveilleusement bien sur le traitement médiatique accordé à l’hospitalisation de notre chef d’Etat. Contrairement à Fantômas, le visage et la véritable identité de « Bouteflikass » sont connus.
Mais à l’image de Fantômas, notre personnage mystérieux est insaisissable et au lieu de commettre des crimes, il pose des lapins à son peuple et ses électeurs. Alors quand va-t-il rentrer au pays ? Patience, on le saura dans le prochain épisode…
http://leprovincial.com