Sitôt Abdelaziz Bouteflika tombe malade que l’horizon s’obscurcit déjà. Il n’y a pas à dire. Comme l’avait dit un observateur sur le plateau de France 24, il y a quelque temps, il a de la veine et tout lui réussit tel le héros de Forrest Gump.
Sauf, l’essentiel : le défi de mettre l’Algérie sur les rails d’une économie solide et de la construction d’une Algérie libre et grande. Dès que l’armée l’a hissésur le trône, les nouvelles encourageantes sur les recettes d’hydrocarbures commençaient à parvenir. Il n’a pas fallu beaucoup de temps pour qu’elles explosent et montent à des niveaux qui donne le vertige.
Certains valets n’ont pas hésité à dire que c’est la baraka de Bouteflika. Après 14 ans de règne, la veille du départ attendu du président, les dernières analyses des experts sont inquiétantes : L’Algérie doit se préparer à des temps durs, les compagnies qui traitent avec l’Algérie font la fine bouche et les recettes reculent.
Depuis Aïn Amenas tout se précipite. Résumé rapide. La crise économique sévit encore en Europe. L’épuisement des réserves de plus en plus évoqué. La part algérienne du marché hydrocarbure en Europe est fortement perturbée par l’arrivée de nouveaux concurrents. Le gaz de schiste américain inonde le marché international et fait reculer le cours.
Le gaz azéri, plus abordable, arrive aux portes de l’Europe via la Turquie. En 2013, la compagnie nationale Sonatrach révise à la baisse le prix du gaz pour la deuxième fois. Selon les experts d’Oxford Business Group, la production hydrocarbure en Algérie est en baisse depuis 2 ans contribuant négativement sur la croissance du PIB, les nouveaux gisements en Algérie ne sont pas rentables eu égard au prix actuel du gaz.
Les Espagnoles veulent se débarrasser de leur part du projet de gazoduc et veulent revoir à la baisse le prix du gaz indiqué dans les contrats. Les Italiens (ENI) ont commencé à réduire leur volume du gaz et affichent clairement leur volonté de diversifier leurs sources en hydrocarbures, une attitude qui ne s’explique pas seulement par le coût ou les types de contrats contraignants qui les lient avec l’Algérie.
La compagnie italienne Saïpem, impliquée dans le scandale Sonatrach II, projette son départ définitif de l’Algérie. Toutes ses mauvaises nouvelles sont autant de facteurs qui influent sur les recettes des hydrocarbures qui représentent toujours les 98 % des exportations de l’Algérie. Une malédiction que la pastèque de Bouteflika n’a pu supprimer.
Le pouvoir algérien contesté dans sa légitimité et embourbé dans le bras de fer avec le front social de plus en plus large reçoit toutes ces nouvelles avec grande inquiétude. Sa survie en dépend. C’est pourquoi avait-il accueilli avec un grand soulagement la décision de British petroleum, premier partenaire étranger, de ne pas quitter l’Algérie. Les médias algériens ont annoncée en grande pompe cette décision. Est-ce suffisant pour empêcher que la courbe ne continue à descendre ?
Aux facteurs conjoncturels suscitant la crainte d’une récession nationale s’ajoutent des facteurs endogènes dont la responsabilité revient exclusivement au pouvoir algérien. Deux éléments influent négativement sur l’économie algérienne : le terrorisme et la corruption galopante. Si l’attaque d’Aïn Amenas, soldée par une victoire à la Pyrrhus, a été récupérée par un clan de pouvoir à son profit en la transformant en une «bataille historique» et en réactivant des slogans patriotiques surannés, elle a surtout donné un coup sévère à la réputation de l’Algérie.
Elle a remis en cause la stabilité de l’Algérie et a mis en relief les inaptitudes du pouvoir algérien à garantir la sécurité des sites économiques stratégiques. Des défaillances graves qui ont coûté très cher à ces compagnies. Abdelmallek Sellal aura beau relever son «nif» (le nez, symbole de fierté) dans le ciel, les multinationales ne l’entendront pas de cette oreille. Pour eux, Business is business, ils ne regardent ni le nif de Sellal ni l’héroïsme des forces de sécurité.
Pour ces grands investisseurs que l’Algérie souhaite tant faire venir, Aïn Amenas était un événement décourageant. Il pèsera longtemps dans la balance des compagnies étrangères qui veulent étudier les opportunités d’investissement que leur offre le gouvernement.
Bouteflika, le parrain de la corruption
La corruption a fait autant de ravages incommensurables sur l’économie algérienne que le volet sécuritaire. Le règne de Bouteflika aura été celui de la dilapidation des ressources nationales et celui de la prédation d’une ampleur fantastique. Bien que son premier crime reste et restera celui d’avoir couvert les généraux Bentalha, il n’est pas moins coupable d’avoir couvert également, par laxisme et inconséquence, la corruption qui s’est propagée dans tous les secteurs et dans tous les rouages de l’État.
Rien ne peut effacer de la mémoire collective les grands scandales qui ont éclaté sur la place publique et ont traversé les frontières faisant dégringoler et notre réputation vers des niveaux infâmes et réduisant à néant les espoirs des Algériens pour un développement économique réel et conséquent. S’il est écrit que le président restera en vie après la fin de son 3e mandat, il y a fort à parier que ses derniers jours seront très durs pour lui et sa famille.
Le futur système algérien le ménagera certainement pour éviter que les scandales ne se retournent contre les militaires, mais il ne pourra pas échapper à la vindicte publique dans un climat qui sera marqué par de fortes convulsions sociales dues au recul des recettes d’hydrocarbures. Bouteflika comme tous les autres présidents algériens n’aura été qu’une parenthèse, une erreur de l’histoire.
L’impact de la tragédie de Tiguentourine
Aïn Amenas était un coup dur pour l’image et par ricochet un revers pour l’économie algérienne. Personne n’a voulu estimer pécuniairement ses dégâts qui ne s’arrêtent pas, mais il ne faut pas être un génie pour dire qu’ils se chiffrent en milliards de dollars. Pourtant, aucun responsable n’en a payé le moindre prix.
Ni le DGSN, Abdelghani Hamel, ni Ahmed Boustilla, chef de la gendarmerie nationale et surtout pas rab Edzayer, le premier responsable de la sécurité nationale qui avait entre ses mains des indices tangibles d’un plan terroriste et n’a rien fait pour consolider la sécurité des sites économiques ciblés. Après avoir détourné la volonté populaire, les généraux puissants se sucrent tranquillement avec leurs proches de la manne pétrolière tout en dirigeant les projecteurs sur les lampions et quelques ministres. Le règne de l’impunité dans toute sa grandeur.
Comment sera fait demain si les recettes continuent à baisser ?
Une seule réponse. Radicalisme de la contestation sociale et radicalisme de la répression du pouvoir. La vie devient très cher, et la politique sociale sera verra réduite aux… couffins de Ramadan. L’instabilité sera de retour à cause du… ventre. Avec un peu de chance, l’Algérie aura son printemps arabe… gastrique. Pour une révolution noble déclenchée par les intellectuels ou les politiciens, il faut attendre une autre génération.
Dans un climat interne tendu, le pouvoir dépendra plus que jamais de l’étranger et l’issue de tout ça est difficile à prévoir. Selon la fable, le FMI, pardon, la fourmi avait dit à la cigale: «Vous chantiez pendant l’été ? Eh bien : dansez maintenant !»