En se penchant sur l’histoire du Polisario, on constate que la problématique des dérives de certains membres du mouvement n’est pas un fait nouveau. Depuis de nombreuses années, le Front Polisario est en effet régulièrement accusé de détournement des aides humanitaires, financières et matérielles, attribuées par des organisations non gouvernementales (ONG) ainsi que par des organisations internationales.
De nombreuses affaires de détournement ont été révélées par la presse internationale. Ainsi, le quotidien espagnol El Pais révélait en 1999 qu’une aide de 64 millions de pesetas (environ 385 000 euros) remise par la Croix-Rouge espagnole au Polisario pour acheter 430 chamelles afin d’améliorer les conditions d’alimentation des enfants sahraouis avait disparu.
Ces accusations n’ont pas été démenties par Embarek Malainine, le responsable de la coopération internationale du mouvement séparatiste, qui a candidement reconnu que ce détournement n’avait toutefois pas contribué à son « enrichissement personnel ».
Cette tendance a été accentuée par le processus de délitement du mouvement qui s’est accéléré ces dernières années. En 2003, l’Union européenne décidait de renforcer le système de contrôle de son aide humanitaire mais a « rencontré des résistances de la part du Polisario dans l’exécution de sa mission ».
Cela n’a toutefois pas permis d’enrayer ce phénomène, si l’on en croit l’ONG Interfaith International qui, en 2008, dénonçait devant le Conseil des droits de l’homme de l’ONU le détournement de l’aide humanitaire et sa revente par le Polisario qu’elle accuse de dépenser « d’énormes sommes d’argent pour des parades militaires ».
Le fait que le Polisario n’ait toujours pas autorisé le Haut Commissariat aux réfugiés des Nations unies (UNHCR) à se rendre dans les camps de Tindouf, ni même à effectuer un recensement, n’augure pas d’une évolution positive à propos de cette pratique du détournement.
Une enquête récente de l’Office Européen de Lutte Anti-fraude (OLAF) dont nous avons révélé l’existence dans un briefing publié le 26 avril 2010, établit une possible la co-responsabilité de l’Algérie et du Front Polisario dans ces détournements. Parallèlement à ces dérives, l’extrême pauvreté qui règne dans les camps du Front a favorisé le développement de la criminalité.
Ni les fonctionnaires, ni même les militaires ne sont épargnés par la faillite des autorités sahraouies qui les contraint à trouver d’autres sources de revenus.
Un ancien du Polisario expliquait ainsi en 2001 que « les officiers reçoivent entre 12 et 17 dollars deux fois par an, une situation qui les force à trouver d’autres revenus, (…) comme le trafic ».
De plus, le mouvement est également impliqué dans des activités illégales destinées à enrayer le recul de l’adhésion populaire. Selon l’universitaire Aymeric Chauprade, le Polisario est amené « à acheter de plus en plus les siens » pour palier sa perte de légitimité. Il a pour cela recours à divers trafics et participe activement « aux filières d’immigration clandestine ».
Ces pratiques ont attiré l’attention des Nations unies qui les ont dénoncées dans plusieurs rapports. Parallèlement, on notera que de nombreux Sahraouis liés au mouvement séparatiste ont fait l’objet d’arrestations pour des faits liés au trafic d’armes, d’essence, de contrebande de cigarettes ou de pièces détachées de voitures.
Le développement de la criminalité dans les rangs du Polisario doit également être mis en relation avec l’impunité qui existe dans le Sahel et qui a, comme pour le terrorisme, favorisé le développement de trafics en tout genre.
La région est à la fois une importante zone de production de drogue (cannabis) et un couloir de transit vers l’Europe pour la cocaïne en provenance d’Amérique latine. D’après un conseiller du secrétaire général des Nations unions, les trafiquants latino-américains « se battent pour obtenir le contrôle des itinéraires transsahariens qui leur permettent d’acheminer leurs drogues vers l’Europe et jusqu’au Golfe27 ». L’implication du Polisario dans le trafic de drogue a été confirmée par le démantèlement, en janvier 2007, d’un réseau de trafic de stupéfiants dans le nord de la Mauritanie. Selon les autorités locales, « des éléments du Polisario, venus du territoire algérien à bord de véhicules 4X4, se rendaient, de manière fréquente, à l'endroit où était cachée la marchandise dans la localité de Fdirik, à une vingtaine de kilomètres de
Zouerate ».
Le mouvement indépendantiste sahraoui profite également de sa position privilégiée dans une région échappant au contrôle des Etats pour s’enrichir en participant au trafic d’armes. En effet, selon une récente publication du Collège de Défense de l’OTAN, « les camps de réfugiés sahraouis du Front Polisario du sud-ouest algérien, le sud de la Libye ou le nord du Mali, sont également des zones de transit [pour la contrebande d’armes].
En raison de sa position stratégique, la ville de Tindouf représente le point de passage idéal entre le Sahel de l’est et le Sahel de l’ouest ».