Les femmes se sont mobilisées dans la rue samedi au Venezuela, celles hostiles au régime pour dénoncer la « répression » contre l’opposition et celles soutenant le président Nicolas Maduro pour appeler à la fin des « violences » qui ont fait 36 morts en un peu plus d’un mois.
Avec à leur tête des députées et d’autres responsables de l’opposition qui se montre ainsi déterminée à ne pas relâcher la pression, des centaines de femmes vêtues de blanc ont défilé jusqu’au siège du ministère de l’Intérieur et de la Justice, dans le centre de Caracas, afin de protester contre la dispersion à l’aide notamment de gaz lacrymogène de précédentes manifestations.Plusieurs stations de métro de la capitale ont pour l’occasion étaient fermées, tandis que la présence de militaires et de policiers était forte sur les artères stratégiques.
Des rassemblements similaires devaient se dérouler dans d’autres villes vénézuéliennes.
« La dictature vit ses derniers jours et Maduro le sait, c’est pourquoi il y a ce niveau inédit de répression. C’est important (…) de le mettre en évidence« , a dit à l’AFP l’ex-membre du Parlement María Corina Machado.
De son côté, Asia Villegas, vice-ministre pour l’Egalité des sexes, a annoncé que les femmes qui se sont parallèlement rassemblées à Caracas en faveur du président socialiste avaient marché jusqu’au siège de la Défense populaire, également dans le centre.
« Nous ne voulons ni n’encourageons la guerre, nous misons sur la paix« , a-t-elle ajouté.
Très fortes tensions
Cette mobilisation des femmes des deux camps s’est déroulée sur fond de tensions toujours très fortes au Venezuela.
La dernière victime en date des violences est un homme de 22 ans, mort vendredi après avoir été blessé la veille à Valencia, une ville du nord qui était alors en proie à des attaques contre une centaine de commerces et à de vifs affrontements entre opposants et forces de l’ordre.
A Caracas, des étudiants ont manifesté vendredi pour la deuxième journée consécutive, renonçant à rejoindre le ministère de l’Intérieur, contrairement à ce qu’ils avaient tenté de faire la veille. Le défilé avait alors tourné à la bataille rangée avec les forces de l’ordre – jets de gaz lacrymogène, de cocktails Molotov et de pierres -.
Mécontentement historique
Dans ce pays en profonde crise politique et économique, les opposants défilent presque chaque jour depuis le 1er avril pour exiger le départ du chef de l’Etat avant la fin de son mandat en décembre 2018.
Le mécontentement populaire atteint à cet égard un niveau historique, puisque sept Vénézuéliens sur dix souhaitent qu’il quitte immédiatement ses fonctions, d’après un sondage Venebarometro.
Le bilan de cette vague de manifestations, qui survient dans un contexte de chute des cours de pétrole dont le Venezuela est un gros producteur, est le plus lourd depuis les marches de 2014 (43 morts officiellement).
Ruiné, ce pays souffre d’une grave pénurie d’aliments et de médicaments ainsi que d’une inflation galopante, attendue à 720% fin 2017 par le FMI. L’opposition veut des élections anticipées
Henrique Capriles, l’un des chefs de l’opposition, candidat à la présidentielle de 2013 face à Nicolas Maduro, affirme à cet égard que l’armée elle-même commence à se désolidariser du pouvoir. Selon lui, 85 soldats ont ainsi été emprisonnés pour avoir exprimé leur désaccord face à la répression. Mais cette allégation n’a reçu aucune confirmation officielle.
L’opposition a pour principal objectif d’obtenir des élections anticipées. Nicolas Maduro s’y refuse. Sa dernière initiative a été de présenter mercredi un décret convoquant une assemblée constituante chargée de réviser la Constitution de 1999.
Le chef de l’Etat dit vouloir ainsi « réconcilier » le pays. Ses adversaires y voient plutôt une manoeuvre pour repousser les élections et s’accrocher coûte que coûte au pouvoir.
Les opposants dénoncent un « coup d’Etat » du clan présidentiel depuis que la Cour suprême s’est brièvement arrogé fin mars les pouvoirs du Parlement, l’étincelle qui a déclenché la vague actuelle de manifestations.