Nouvelle flambée de violence à Ghardaïa : 3 maisons incendiées et plusieurs blessés à El Korti
Les quartiers arabes de Ghardaïa sont pris dans un étau. Après plusieurs agressions dont une sur une fillette de 18 mois le week-end, c’est autour du quartier arabe d’El Korti de connaître de nouvelles attaques qui ont jeté la peu sur la population encore endeuillée par les derniers événements qui se sont prolongés trois mois durant.
L’Algérie perd d’ailleurs la main aussi dans son propre Sud, où d’Illizi à Ouargla en passant par Djanet et Ghardaïa, l’effondrement de l’Etat et son discrédit laissent la place à la violence et à des archaïsmes qui ne relèvent en rien de supposées résurgences, mais sont plutôt le fait de reconstructions de «Frankenstein» du «communautarisme». Dans un contexte de raidissement autoritaire et de personnalisation du pouvoir où toute forme d’intermédiation avec la société est écartée et tout débat politique évacué, l’instrumentation du communautarisme devient une ressource politique pour le pouvoir et une opportunité pour les «entrepreneurs» politiques qui veulent se tailler une place d’intermédiaire.
Segmenter la société en communauté et lui imposer une allégeance par segments est pour un pouvoir autoritaire un moyen de contrôle et de domination peu coûteux, mais à court terme seulement. La «blague» de Sellal sur les Chaouia n’était pas du tout intentionnelle. Mais c’est un lapsus qui révèle l’inconscient politique du pouvoir qui voudrait bien faire de la présidentielle un match «Tlemcen-Batna» pour susciter des assabya régionales qui créeraient une compétition couvrant la fraude. C’est ce qui a été fait plus que jamais depuis 15 ans où le lieu de naissance devient le critère principal de la cooptation politique et administrative.
L’épouvantail libyen est régulièrement agité par le pouvoir pour prévenir contre le changement au «risque de l’instabilité». Or, c’est précisément vers ce schéma que nous pousse la gestion communautarisée et régionalisée du pays. Les «luttes tribales» ne sont nullement la conséquence de l’effondrement de l’Etat et El Gueddafi n’a jamais constitué un rempart contre la fragmentation du pays. Au contraire, l’atomisation de la société a été le produit du régime lui-même et avait précédé son effondrement. Parti enquêter sur les migrants subsahariens, j’ai personnellement assisté à Koufra, à l’extrême sud-est libyen, en 2008, soit 4 ans avant l’effondrement du régime El Gueddafi, à un violent affrontement armé entre la «tribu» Toubou et la «tribu» Zwaya qui a duré 3 jours et nécessité l’intervention de l’armée. El Gueddafi avait cultivé l’inimitié entre ces deux communautés en leur accordant à toutes deux des passe-droits concurrentiels pour le trafic transfrontalier et les contraindre à une course à l’allégeance qui passait par le désir d’élimination de l’autre. Ce schéma a été appliqué à tout le pays.
A contre-courant des évolutions sociétales, El Gueddafi avait procédé à une retribalisation forcée de la société, imposant aux populations de se regrouper entre autres dans des «clubs tribaux» créés par le pouvoir et chapeautés par ses officiers. Il avait fait de ces cadres «tribaux» l’instance exclusive de négociation avec les populations pour marginaliser tout rouage institutionnel ou toute entité civile susceptible de s’autonomiser. Et même lorsqu’il était difficile de retrouver les traces d’une filiation tribale (la population est urbanisée à 86% dont les deux-tiers depuis 2 générations au moins), les populations avaient été contraintes par une «campagne d’authenticité» à retrouver un «ancêtre commun» (El Djad el awhed). La distribution de la rente, collective ou individuelle, passait obligatoirement par ce canal «tribal».
Cela peut étonner le lecteur algérien, mais la Libye a eu une tradition étatique bien plus importante. Au contraire de l’Algérie, la présence turque s’est autochtonisée et a donné lieu à une dynastie locale qui a gouverné plus d’un siècle et intégré les élites tribales. Bourgeoisie et élites citadines étaient entremêlées à celles de Tunis. Bien plus tard, lorsque El Gueddafi voudra imposer son pouvoir personnel, il rencontrera, à l’intérieur même de son pouvoir, une opposition. C’était celle des élites urbaines regroupées autour d’officiers d’origine urbaine qui souhaitent imposer une normalisation et une rationalisation du régime. C’est à partir de ce moment qu’El Gueddafi, sur un ton khaldounien, en appelle à la revanche de la tribu sur la ville pour casser les élites citadines récalcitrantes, organise le pouvoir autour de sa parentèle, structure de multiples services et milices sur une base tribale et dissémine la violence au sein de la société.
Les régressions étatiques et sociétales sont possibles et peuvent être rapides quand c’est l’Etat lui-même qui les suscite pour préserver un pouvoir. Le devenir de la Libye d’El Gueddafi illustre et nous prévient justement sur les risques que court aujourd’hui l’Algérie. Il nous prévient où mène l’entêtement au pouvoir, l’acharnement à casser la société civile et l’alibi de la stabilité qui était celui d’El Gueddafi…
Les quartiers arabes de Ghardaïa sont pris dans un étau. Après plusieurs agressions dont une sur une fillette de 18 mois le week-end, c’est autour du quartier arabe d’El Korti de connaître de nouvelles attaques qui ont jeté la peu sur la population encore endeuillée par les derniers événements qui se sont prolongés trois mois durant.
Segmenter la société en communauté et lui imposer une allégeance par segments est pour un pouvoir autoritaire un moyen de contrôle et de domination peu coûteux, mais à court terme seulement. La «blague» de Sellal sur les Chaouia n’était pas du tout intentionnelle. Mais c’est un lapsus qui révèle l’inconscient politique du pouvoir qui voudrait bien faire de la présidentielle un match «Tlemcen-Batna» pour susciter des assabya régionales qui créeraient une compétition couvrant la fraude. C’est ce qui a été fait plus que jamais depuis 15 ans où le lieu de naissance devient le critère principal de la cooptation politique et administrative.
L’épouvantail libyen est régulièrement agité par le pouvoir pour prévenir contre le changement au «risque de l’instabilité». Or, c’est précisément vers ce schéma que nous pousse la gestion communautarisée et régionalisée du pays. Les «luttes tribales» ne sont nullement la conséquence de l’effondrement de l’Etat et El Gueddafi n’a jamais constitué un rempart contre la fragmentation du pays. Au contraire, l’atomisation de la société a été le produit du régime lui-même et avait précédé son effondrement. Parti enquêter sur les migrants subsahariens, j’ai personnellement assisté à Koufra, à l’extrême sud-est libyen, en 2008, soit 4 ans avant l’effondrement du régime El Gueddafi, à un violent affrontement armé entre la «tribu» Toubou et la «tribu» Zwaya qui a duré 3 jours et nécessité l’intervention de l’armée. El Gueddafi avait cultivé l’inimitié entre ces deux communautés en leur accordant à toutes deux des passe-droits concurrentiels pour le trafic transfrontalier et les contraindre à une course à l’allégeance qui passait par le désir d’élimination de l’autre. Ce schéma a été appliqué à tout le pays.
A contre-courant des évolutions sociétales, El Gueddafi avait procédé à une retribalisation forcée de la société, imposant aux populations de se regrouper entre autres dans des «clubs tribaux» créés par le pouvoir et chapeautés par ses officiers. Il avait fait de ces cadres «tribaux» l’instance exclusive de négociation avec les populations pour marginaliser tout rouage institutionnel ou toute entité civile susceptible de s’autonomiser. Et même lorsqu’il était difficile de retrouver les traces d’une filiation tribale (la population est urbanisée à 86% dont les deux-tiers depuis 2 générations au moins), les populations avaient été contraintes par une «campagne d’authenticité» à retrouver un «ancêtre commun» (El Djad el awhed). La distribution de la rente, collective ou individuelle, passait obligatoirement par ce canal «tribal».
Cela peut étonner le lecteur algérien, mais la Libye a eu une tradition étatique bien plus importante. Au contraire de l’Algérie, la présence turque s’est autochtonisée et a donné lieu à une dynastie locale qui a gouverné plus d’un siècle et intégré les élites tribales. Bourgeoisie et élites citadines étaient entremêlées à celles de Tunis. Bien plus tard, lorsque El Gueddafi voudra imposer son pouvoir personnel, il rencontrera, à l’intérieur même de son pouvoir, une opposition. C’était celle des élites urbaines regroupées autour d’officiers d’origine urbaine qui souhaitent imposer une normalisation et une rationalisation du régime. C’est à partir de ce moment qu’El Gueddafi, sur un ton khaldounien, en appelle à la revanche de la tribu sur la ville pour casser les élites citadines récalcitrantes, organise le pouvoir autour de sa parentèle, structure de multiples services et milices sur une base tribale et dissémine la violence au sein de la société.
Les régressions étatiques et sociétales sont possibles et peuvent être rapides quand c’est l’Etat lui-même qui les suscite pour préserver un pouvoir. Le devenir de la Libye d’El Gueddafi illustre et nous prévient justement sur les risques que court aujourd’hui l’Algérie. Il nous prévient où mène l’entêtement au pouvoir, l’acharnement à casser la société civile et l’alibi de la stabilité qui était celui d’El Gueddafi…