Eric Goldstein. Directeur-adjoint Afrique du Nord et Moyen-Orient à Human Rights Watch
L’Algérie vient d’être élue membre du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, alors que plusieurs atteintes aux libertés des Algériens sont enregistrées, avec comme dernier opus les poursuites contre un caricaturiste à Oran qui n’a pas publié le dessin incriminé. Un point sur la situation avec un expert de l’Algérie de Human Rights Watch.
- Human Rights Watch et d’autres ONG des droits de l’homme ont alerté le gouvernement algérien sur les nombreuses violations des droits humains cette semaine, la veille de l’élection de l’Algérie au Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Quelle lecture faites-vous de cette élection qui est aujourd’hui effective ?
C’est une grande déception au regard des pays qui ont été élus dernièrement au Conseil des droits de l’homme de l’ONU, à l’instar de l’Algérie ou de la Chine par exemple, et qui réalisent des records en violations des droits de l’homme, mais aussi parce que ces pays n’admettent pas les visites des mécanismes onusiens des droits de l’homme. Le moins qu’on puisse espérer maintenant, c’est que ces pays, qui sont membres de ce conseil, s’ouvrent aux visites des rapporteurs spéciaux onusiens. Or, plusieurs rapporteurs ont essuyé le refus de l’Algérie pour effectuer leur visite. Rappelons ici le cas du rapporteur onusien pour les disparitions forcées, dont l’Algérie a refusé la mission en 2000, puis chaque année de 2007 à 2012, ou les rapporteurs sur le racisme, sur les droits de l’homme et la lutte antiterroriste, sur le rassemblement pacifique et les associations, sur la détention arbitraire, etc.
- Vous avez donc observé aussi que la situation des droits de l’homme n’a pas évolué malgré les réformes que le gouvernement algérien dit avoir engagées ?
Nous constatons effectivement que la situation n’a pas beaucoup évolué dans le bon sens, et cela même après la levée de l’état d’urgence en 2011. Car il persiste encore beaucoup de mécanismes de pression aux mains du gouvernement, notamment si on pense aux lois concernant la liberté d’expression, la liberté d’association, quand on évoque aussi l’interdiction des manifestations dans la capitale. La levée de l’état d’urgence n’a pas ouvert le champ d’expression et celui de l’activité politique. Tout reste assez verrouillé.
- Pour le moment, les seules réactions du gouvernement algérien, notamment par la voix du président de la CNCPPDH est de dénigrer les rapports des ONG internationales des droits de l’homme. Quelle serait la réaction souhaitée de la part des officiels algériens ?
Il y a une initiative que le gouvernement algérien pourrait faire et qui montrerait une volonté d’avancer : c’est d’inviter les ONG, maghrébines ou internationales, à venir accomplir leur mission en Algérie sans toujours bloquer leur venue par le refus d’octroyer les visas, par exemple. Il faut préciser que l’Algérie, après le Printemps arabe, est aujourd’hui le seul pays d’Afrique du Nord qui bloque systématiquement les visites des ONG de défense des droits de l’homme, alors que ces dernières se rendent librement et régulièrement en Egypte, en Libye, en Tunisie, au Maroc… Ce blocage est un indice du manque de volonté d’ouverture et de transparence du gouvernement algérien.
- Les officiels algériens maintiennent toujours le discours sur «l’amélioration» de la situation des droits de l’homme en faisant le parallèle avec les années 1990. Peut-on parler d’une réelle évolution ? Est-ce que cet argument officiel tient la route ?
En matière de respect de la vie, tout le monde constate que le fléau du terrorisme a nettement baissé, et c’est déjà une nette avancée pour la protection des droits de l’homme, il ne faut pas le nier. Mais en même temps, dans le domaine des libertés publiques, il y des évolutions dans le mauvais sens. Par exemple, même dans les années 1990, quand on assassinait les journalistes, la liberté de ton dans la presse était plus importante qu’aujourd’hui, et il y avait plus d’espace de débats. Et nous constatons aussi que la législation de base n’a pas vraiment changé. Car, même si on a supprimé dans le code de l’information amendé les articles prévoyant des peines privatives de libertés pour les journalistes, on sait très bien que ces articles existent toujours dans le code pénal. Par exemple aussi, et si on veut vraiment avancer pour un meilleur respect des droits de l’homme, il faudrait supprimer également tout ce qui pénalise la liberté d’opinion et l’expression pacifique. Il faut redonner aux Algériens le droit de manifester pacifiquement, ce qui est strictement interdit dans la capitale, et laisser les syndicats autonomes activer en toute liberté… Or, tout cela reste bloqué.
L’Algérie vient d’être élue membre du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, alors que plusieurs atteintes aux libertés des Algériens sont enregistrées, avec comme dernier opus les poursuites contre un caricaturiste à Oran qui n’a pas publié le dessin incriminé. Un point sur la situation avec un expert de l’Algérie de Human Rights Watch.
C’est une grande déception au regard des pays qui ont été élus dernièrement au Conseil des droits de l’homme de l’ONU, à l’instar de l’Algérie ou de la Chine par exemple, et qui réalisent des records en violations des droits de l’homme, mais aussi parce que ces pays n’admettent pas les visites des mécanismes onusiens des droits de l’homme. Le moins qu’on puisse espérer maintenant, c’est que ces pays, qui sont membres de ce conseil, s’ouvrent aux visites des rapporteurs spéciaux onusiens. Or, plusieurs rapporteurs ont essuyé le refus de l’Algérie pour effectuer leur visite. Rappelons ici le cas du rapporteur onusien pour les disparitions forcées, dont l’Algérie a refusé la mission en 2000, puis chaque année de 2007 à 2012, ou les rapporteurs sur le racisme, sur les droits de l’homme et la lutte antiterroriste, sur le rassemblement pacifique et les associations, sur la détention arbitraire, etc.
- Vous avez donc observé aussi que la situation des droits de l’homme n’a pas évolué malgré les réformes que le gouvernement algérien dit avoir engagées ?
Nous constatons effectivement que la situation n’a pas beaucoup évolué dans le bon sens, et cela même après la levée de l’état d’urgence en 2011. Car il persiste encore beaucoup de mécanismes de pression aux mains du gouvernement, notamment si on pense aux lois concernant la liberté d’expression, la liberté d’association, quand on évoque aussi l’interdiction des manifestations dans la capitale. La levée de l’état d’urgence n’a pas ouvert le champ d’expression et celui de l’activité politique. Tout reste assez verrouillé.
- Pour le moment, les seules réactions du gouvernement algérien, notamment par la voix du président de la CNCPPDH est de dénigrer les rapports des ONG internationales des droits de l’homme. Quelle serait la réaction souhaitée de la part des officiels algériens ?
Il y a une initiative que le gouvernement algérien pourrait faire et qui montrerait une volonté d’avancer : c’est d’inviter les ONG, maghrébines ou internationales, à venir accomplir leur mission en Algérie sans toujours bloquer leur venue par le refus d’octroyer les visas, par exemple. Il faut préciser que l’Algérie, après le Printemps arabe, est aujourd’hui le seul pays d’Afrique du Nord qui bloque systématiquement les visites des ONG de défense des droits de l’homme, alors que ces dernières se rendent librement et régulièrement en Egypte, en Libye, en Tunisie, au Maroc… Ce blocage est un indice du manque de volonté d’ouverture et de transparence du gouvernement algérien.
- Les officiels algériens maintiennent toujours le discours sur «l’amélioration» de la situation des droits de l’homme en faisant le parallèle avec les années 1990. Peut-on parler d’une réelle évolution ? Est-ce que cet argument officiel tient la route ?
En matière de respect de la vie, tout le monde constate que le fléau du terrorisme a nettement baissé, et c’est déjà une nette avancée pour la protection des droits de l’homme, il ne faut pas le nier. Mais en même temps, dans le domaine des libertés publiques, il y des évolutions dans le mauvais sens. Par exemple, même dans les années 1990, quand on assassinait les journalistes, la liberté de ton dans la presse était plus importante qu’aujourd’hui, et il y avait plus d’espace de débats. Et nous constatons aussi que la législation de base n’a pas vraiment changé. Car, même si on a supprimé dans le code de l’information amendé les articles prévoyant des peines privatives de libertés pour les journalistes, on sait très bien que ces articles existent toujours dans le code pénal. Par exemple aussi, et si on veut vraiment avancer pour un meilleur respect des droits de l’homme, il faudrait supprimer également tout ce qui pénalise la liberté d’opinion et l’expression pacifique. Il faut redonner aux Algériens le droit de manifester pacifiquement, ce qui est strictement interdit dans la capitale, et laisser les syndicats autonomes activer en toute liberté… Or, tout cela reste bloqué.