L’Algérie a lancé un mandat d’arrêt international contre l’ancien ministre de l’Énergie et des Mines, Chakib Khelil, sa femme, ses deux enfants et Farid Bedjaoui, a indiqué ce lundi 12 août le procureur général de la cour d’Alger, Belkacem Zeghmati.
La justice algérienne a lancé au total neuf mandats d’arrêt internationaux contre neuf personnes parmi les 22 impliquées dans le scandale Sonatrach 2,
a précisé M. Zeghmati lors d'une conférence de presse. Le procureur général de la cour d’Alger a cité les noms de Chakib Khelil, sa femme, ses deux enfants, Farid Bedjaoui et deux personnes morales Saipem et Orascom Industries.
Farid Bedjaoui était le principal intermédiaire dans l’affaire des pots-de-vin versés par la société italienne Saipem pour décrocher des contrats juteux dans les hydrocarbures en Algérie. Il a indiqué que l’enquête en cours a révélé l’existence d’un réseau international de corruption avec des comptes au Singapour, à Hong Kong, au Liban, en France, aux Émirats arabes unis et en Italie. « Nous avons découvert que 20 millions de dollars ont été transférés sur ces comptes », a précisé M. Zeghmati en indiquant que l’enquête est toujours en cours.
Le procureur général a ajouté que « seulement trois pays, la France, l’Italie et la Suisse ont affiché leur volonté de coopérer avec la justice algérienne dans cette affaire ». Des procédures ont été enclenchées pour rapatrier les fonds détournés de Suisse, a-t-il ajouté.
C’est un portrait aux allures de nécrologie tant la chute est sévère pour l’ancien homme fort de l’Énergie algérienne. Celui qui doit sa carrière au plus haut niveau à Abdelaziz Bouteflika, lequel en avait fait un vice-roi, a fréquenté le même lycée que le Président. Comme lui, il est né à Oujda, au Maroc. Ils ont presque le même âge : Bouteflika (76 ans), Khelil (74 ans)
Nommé par Bouteflika à la tête du ministère de l’Énergie début 2000, Khelil a rapidement gagné du galon en devenant le responsable de l'ensemble de la politique énergétique de l'Algérie. En 2007, au moment où Saipem multipliait les contrats juteux en Algérie, un décret exécutif publié au Journal officiel renforçait considérablement les pouvoirs opérationnels de ce technocrate formé aux États-Unis.
Le « Monsieur gaz et pétrole » était devenu officiellement le patron de l'électricité, du nucléaire et du développement des énergies nouvelles et renouvelables, également en charge des secteurs des mines, du dessalement de l'eau de mer, de la coopération internationale…
Chakib Khelil a eu pour mission la mise en place d'une politique énergétique homogène et surtout la préparation de l'après-pétrole, en réduisant graduellement la dépendance du pays vis-à-vis des énergies fossiles.
Il a dû veiller également au renforcement de l'Algérie dans sa position de principal fournisseur de l'énergie pour l'Europe. L’ex-ministre de l'Énergie et des Mines était également responsable de l'internationalisation de Sonatrach, qui veut réaliser 30% de son chiffre d'affaires à l'international en 2015. C’est dans ce cadre élargi que ce Monsieur Énergie a trempé dans des affaires de corruption impliquant des milliards de dollars, où son ami Farid Bedjaoui a servi de relais.
Régulièrement, les entreprises pétrolières étrangères s'interrogeaient sur les pouvoirs réels de Khelil. L'annulation en 2005 de la réforme des hydrocarbures et le scandale de BRC (Broot Root & Codor, filiale entre Sonatrach et Haliburton) avaient été perçus à l’époque comme des signes d'affaiblissement du ministre. Pourtant, au sommet de l'État, l'homme avait toujours gardé son influence intacte. Cette dernière dépassait souvent le domaine des hydrocarbures. « Nous écoutons tout ce que Khelil dit en matière de stratégie économique », confiait un haut responsable.
Après l'indépendance du pays en 1962, Chakib Khelil était parti aux États-Unis pour poursuivre ses études et entamer une longue carrière dans le pétrole. Il rentre au pays au début des années 70 avec un diplôme de docteur ingénieur en pétrole de l'université du Texas et une expérience professionnelle avec Shell et Philips Petroleum. Quand, en 1971, l'Algérie a décidé de nationaliser ses hydrocarbures, Chakib Khelil était nommé chef de département de gisements à la Sonatrach.
Recommandé par Bouteflika, alors ministre des Affaires étrangères, il devient en 1973 conseiller du président Houari Boumedienne. Après la disparition de ce dernier en 1978, Chakib Khelil décide de repartir en 1980 à l'étranger, pour occuper un poste à la Banque mondiale où il reste jusqu' en 1999. Son retour en Algérie coïncide avec la première élection d'Abdelaziz Bouteflika à la tête du pays. Le nouveau Président lui confie alors le très sensible secteur de l'énergie. Les hydrocarbures représentent en effet 98% des recettes en devises du pays.
Bons baisers des Etats-Unis : le bras d'honneur de Chakib Khelil à l'Algérie
« Moi, je travaille, je ne parle pas beaucoup », répétait Khelil dont les collaborateurs vantaient le sérieux et le côté bourreau de travail pour cet homme qui passait plus de 14 heures par jour dans ses nouveaux et luxueux bureaux au Val de Hydra, dans le quartier chic d'Alger. Bon communicant, le ministre voyageait beaucoup à travers le monde pour nouer des contacts, afin de doter son pays de la technologie nucléaire civile et faire aboutir le gazoduc transsaharien entre le Nigeria et l'Europe via l'Algérie.
Marié et père de deux enfants, cet ultralibéral et amateur de tennis n’a jamais l'unanimité dans le pays. Ses nombreux détracteurs lui reprochaient d'être un dictateur à la tête de Sonatrach et un pro-américain en faveur d'un libéralisme primaire et sauvage. Il était en fait le véritable patron de Sonatrach où il faisait la pluie et le beau temps.
M. Khelil a réussi à gagner la sympathie des Algériens en tenant tête aux Espagnols sur le gazoduc Medgaz et le projet intégré de Gassi Touil, retiré aux compagnies espagnoles Gas Naturel et Repsol YPF. L'Algérie voulait utiliser l'arme du gaz pour l'unique puissance économique et militaire du Maghreb et Chakib Khelil était au cœur de cette nouvelle politique économique. Tout cela c’était avant janvier 2010 et l’éclatement du premier scandale de corruption à Sonatrach. Limogé quelques mois après le remaniement du gouvernement, l’ancien ministre de l’Énergie s’est retrouvé au cœur d’un deuxième scandale à Sonatrach, révélé par la presse italienne début 2013.
De nationalité américaine possédant de nombreuses propriétés, son goût pour le luxe tape à l’œil l’aura rattrapé. Mais qui sait vraiment si Chakib Khelil reviendra un jour en Algérie ? Au début de l’été, il était absent à l’enterrement de sa mère à Oran. Le vice-roi était déjà un homme en fuite.
La justice algérienne a lancé au total neuf mandats d’arrêt internationaux contre neuf personnes parmi les 22 impliquées dans le scandale Sonatrach 2,
Farid Bedjaoui était le principal intermédiaire dans l’affaire des pots-de-vin versés par la société italienne Saipem pour décrocher des contrats juteux dans les hydrocarbures en Algérie. Il a indiqué que l’enquête en cours a révélé l’existence d’un réseau international de corruption avec des comptes au Singapour, à Hong Kong, au Liban, en France, aux Émirats arabes unis et en Italie. « Nous avons découvert que 20 millions de dollars ont été transférés sur ces comptes », a précisé M. Zeghmati en indiquant que l’enquête est toujours en cours.
Le procureur général a ajouté que « seulement trois pays, la France, l’Italie et la Suisse ont affiché leur volonté de coopérer avec la justice algérienne dans cette affaire ». Des procédures ont été enclenchées pour rapatrier les fonds détournés de Suisse, a-t-il ajouté.
C’est un portrait aux allures de nécrologie tant la chute est sévère pour l’ancien homme fort de l’Énergie algérienne. Celui qui doit sa carrière au plus haut niveau à Abdelaziz Bouteflika, lequel en avait fait un vice-roi, a fréquenté le même lycée que le Président. Comme lui, il est né à Oujda, au Maroc. Ils ont presque le même âge : Bouteflika (76 ans), Khelil (74 ans)
Nommé par Bouteflika à la tête du ministère de l’Énergie début 2000, Khelil a rapidement gagné du galon en devenant le responsable de l'ensemble de la politique énergétique de l'Algérie. En 2007, au moment où Saipem multipliait les contrats juteux en Algérie, un décret exécutif publié au Journal officiel renforçait considérablement les pouvoirs opérationnels de ce technocrate formé aux États-Unis.
Le « Monsieur gaz et pétrole » était devenu officiellement le patron de l'électricité, du nucléaire et du développement des énergies nouvelles et renouvelables, également en charge des secteurs des mines, du dessalement de l'eau de mer, de la coopération internationale…
Chakib Khelil a eu pour mission la mise en place d'une politique énergétique homogène et surtout la préparation de l'après-pétrole, en réduisant graduellement la dépendance du pays vis-à-vis des énergies fossiles.
Il a dû veiller également au renforcement de l'Algérie dans sa position de principal fournisseur de l'énergie pour l'Europe. L’ex-ministre de l'Énergie et des Mines était également responsable de l'internationalisation de Sonatrach, qui veut réaliser 30% de son chiffre d'affaires à l'international en 2015. C’est dans ce cadre élargi que ce Monsieur Énergie a trempé dans des affaires de corruption impliquant des milliards de dollars, où son ami Farid Bedjaoui a servi de relais.
Régulièrement, les entreprises pétrolières étrangères s'interrogeaient sur les pouvoirs réels de Khelil. L'annulation en 2005 de la réforme des hydrocarbures et le scandale de BRC (Broot Root & Codor, filiale entre Sonatrach et Haliburton) avaient été perçus à l’époque comme des signes d'affaiblissement du ministre. Pourtant, au sommet de l'État, l'homme avait toujours gardé son influence intacte. Cette dernière dépassait souvent le domaine des hydrocarbures. « Nous écoutons tout ce que Khelil dit en matière de stratégie économique », confiait un haut responsable.
Après l'indépendance du pays en 1962, Chakib Khelil était parti aux États-Unis pour poursuivre ses études et entamer une longue carrière dans le pétrole. Il rentre au pays au début des années 70 avec un diplôme de docteur ingénieur en pétrole de l'université du Texas et une expérience professionnelle avec Shell et Philips Petroleum. Quand, en 1971, l'Algérie a décidé de nationaliser ses hydrocarbures, Chakib Khelil était nommé chef de département de gisements à la Sonatrach.
Recommandé par Bouteflika, alors ministre des Affaires étrangères, il devient en 1973 conseiller du président Houari Boumedienne. Après la disparition de ce dernier en 1978, Chakib Khelil décide de repartir en 1980 à l'étranger, pour occuper un poste à la Banque mondiale où il reste jusqu' en 1999. Son retour en Algérie coïncide avec la première élection d'Abdelaziz Bouteflika à la tête du pays. Le nouveau Président lui confie alors le très sensible secteur de l'énergie. Les hydrocarbures représentent en effet 98% des recettes en devises du pays.
Bons baisers des Etats-Unis : le bras d'honneur de Chakib Khelil à l'Algérie
« Moi, je travaille, je ne parle pas beaucoup », répétait Khelil dont les collaborateurs vantaient le sérieux et le côté bourreau de travail pour cet homme qui passait plus de 14 heures par jour dans ses nouveaux et luxueux bureaux au Val de Hydra, dans le quartier chic d'Alger. Bon communicant, le ministre voyageait beaucoup à travers le monde pour nouer des contacts, afin de doter son pays de la technologie nucléaire civile et faire aboutir le gazoduc transsaharien entre le Nigeria et l'Europe via l'Algérie.
Marié et père de deux enfants, cet ultralibéral et amateur de tennis n’a jamais l'unanimité dans le pays. Ses nombreux détracteurs lui reprochaient d'être un dictateur à la tête de Sonatrach et un pro-américain en faveur d'un libéralisme primaire et sauvage. Il était en fait le véritable patron de Sonatrach où il faisait la pluie et le beau temps.
M. Khelil a réussi à gagner la sympathie des Algériens en tenant tête aux Espagnols sur le gazoduc Medgaz et le projet intégré de Gassi Touil, retiré aux compagnies espagnoles Gas Naturel et Repsol YPF. L'Algérie voulait utiliser l'arme du gaz pour l'unique puissance économique et militaire du Maghreb et Chakib Khelil était au cœur de cette nouvelle politique économique. Tout cela c’était avant janvier 2010 et l’éclatement du premier scandale de corruption à Sonatrach. Limogé quelques mois après le remaniement du gouvernement, l’ancien ministre de l’Énergie s’est retrouvé au cœur d’un deuxième scandale à Sonatrach, révélé par la presse italienne début 2013.
De nationalité américaine possédant de nombreuses propriétés, son goût pour le luxe tape à l’œil l’aura rattrapé. Mais qui sait vraiment si Chakib Khelil reviendra un jour en Algérie ? Au début de l’été, il était absent à l’enterrement de sa mère à Oran. Le vice-roi était déjà un homme en fuite.