Le Dr Ibrahim Assaidy, professeur à l'Université canadienne d’Ottawa est expert de l’OTAN et des politiques de défense sécuritaire des pays arabes, a déclaré que le Classement mondial récent plaçant le Maroc et l'Algérie parmi les 20 pays qui ont dépensé le plus en armement, confirme la tendance croissante à l'augmentation de la taille de l’effectif militaire de ces pays depuis 2002 à nos jours.
Assaidy confirme dans une interview avec un journal électronique que la course aux armements n'est pas nouvelle, de sorte que l'atmosphère de rivalité régionale entre le Maroc et l'Algérie remontent aux années 70, et plus précisément au début du conflit Saharien, l'augmentation des dépenses militaires allant en parallèle avec l’augmentation des conflits.
Le rapport de l'Institut de recherche sur la paix de Stockholm sur les ventes d'armes à niveau mondial a révélé que le Maroc et l'Algérie coexistent au sein de la liste des 20 pays "dépensiers" en équipements militaires dans le monde, dans lequel l'Algérie occupe la 6ème place avec 9 milliards de dollars, alors que le Maroc se classe 12ème avec des dépenses de 2,8 milliards de dollars.
Selon les données internationales de ce rapport publié il y a quelques jours, le volume des achats d'armes de l’Algérie s’est multiplié 277 fois, tandis que les stock d'armes du Maroc a augmenté de 1460%.
Assaidy considère que cette course effrénée sur les armes est clairement évidente dans la dernière décennie, à la suite d'un certain nombre de facteurs dont la sécurité interne de l’Algérie, puisque la doctrine de la sécurité nationale continue de croire que les capacités militaires constitue l'une des distinctions majeures pour montrer la force, pour lutter contre le terrorisme et d'autres questions qui portent atteinte à la stabilité régionale.
L'expertise a noté qu’à la lumière des données publiées dans le rapport, l'Algérie, qui bénéficie de prix élevés du pétrole et du gaz naturel domine la situation régionale, considérant la fin de l'embargo sur les armes et à cause de la guerre civile pendant les années 90, l’Algérie s’est lancée dans la modernisation et le développement de son matériel militaire, atteignant des dépenses en armement très fortes, passant de 3 milliards de dollars en 2000 à 8,2 milliards de dollars en 2011, pour atteindre les 10,3 milliards de dollars en 2013.
Assaidy attribue l'investissement dur et continu de l'Algérie dans le domaine des armes à des facteurs clés, notamment: la volonté de maintenir un équilibre stratégique avec le Maroc, d’où la première préoccupation des dirigeants de l'Algérie est de mesurer le «dilemme de sécurité» avec son voisin Marocain.
Ce dilemme, complète Assaidy, conduit à une spirale de baisse des actions et de réactions entre les deux pays, qui entretiennent des relations politiques basées sur la prudence et la méfiance depuis la défaite de l'Algérie dans la guerre des sables en 1963.
Ces incertitudes résultant du dilemme de la sécurité en Algérie l’ont conduite à l’adoption de la politique de l’armement et de l'expansion, de sorte à ce qu’elle devienne plus forte que son voisin le Maroc, qu’elle considère toujours source de danger et une menace pour sa sécurité nationale.
Grâce au facteur de l'équilibre stratégique, Assaidy ajoute qu’il y a des facteurs liés à la prise de décisions et la bureaucratie, l’armement étant la principale préoccupation de l'armée en Algérie, puisque les généraux cherchent toujours à privilégier leurs tâches et à garder leurs positions, et ce à travers la recherche continue de nouvelles menaces en provenance du Maroc à chaque fois, tout en prédicant les pires scénarios catastrophiques.
Pour cela, l'armée algérienne maintient la tension avec le Maroc en soutenant les séparatistes du Front Polisario en termes d'armes et en lui fournissant du support diplomatique, soulignant que ces facteurs ne peuvent pas être séparés de la structure du pouvoir dominé par les militaires, sans perdre de vue les effets des services secrets algériens.
Concernant la quête du Maroc vers l’armement, Assaidy explique qu’elle peut être expliquée par deux raisons principales, la 1ère c'est d'abord la parité stratégique avec l'Algérie, et la deuxième serait la crise du Sahara occidental, à laquelle aucune solution définitive n’a été trouvée jusqu’à présent.
L’expert rajoute que malgré les ressources matérielles modestes dont dispose le Maroc et l'absence de ressources pétrolières, les dépenses militaires au Maroc ont vu une hausse sans tenir en compte la politique de l’aide au développement économique qui l’aiderait à surmonter les obstacles physiques qui se dressent devant lui par l'acquisition du matériel militaire, afin de réduire le recours aux pays du Golfe pour le paiement direct.
L'analyste déclare que le Maroc a maintenu un niveau élevé d'armement, malgré le fait que ce niveau ne puisse pas égaler l'Algérie en raison de contraintes financières du budget du royaume. Assaidy signale que la forte dépendance de la Russie est l'élément clé qui caractérise la politique d'armement de l’Algérie, car malgré l'accès à certains engins en provenance d’autres pays appartenant aux «homelands», la plupart des acquisitions de défense viennent de la Russie ou de pays qui produisent sous licence des forces armées russes.
Assaidy ajoute que les fournisseurs d'armes du Maroc sont les Etats-Unis et la France, ceci pouvant être expliqué par les liens historiques entre le Maroc et ces pays, et que techniquement, l'équipement militaire marocain est beaucoup plus sophistiqué que celui de son homologue algérien, considérant que les armes russes importées par l'Algérie ont montré des carences majeures par rapport aux armes acquises par le Maroc des pays occidentaux.
MBC TIMES