Les dirigeants de notre voisin de l’est vivent sur leurs nerfs ces jours-ci. Le président civil, derrière lequel se dissimulent les grands généraux pour gouverner le pays, est sur un lit d’hôpital en France, et tous les signes indiquent que son état de santé s’est singulièrement détérioré ; son retour en fonction est sérieusement remis en cause, surtout que l’homme est presqu’octogénaire.
Or, le grand problème de cette maladie du président civil d’un pays gouverné par l’armée qui nécessite toujours une vitrine d’embellissement tenue par un homme compréhensif qui accepte le poste sans en exercer tous les attributs… ce grand problème est que les généraux ne réussissent pas à trouver un accord sur le nom du successeur du président malade. Et c’est pourquoi il n’a pas été fait usage de l’article 80 de la constitution qui traite de « l’empêchement du président » à exercer ses fonctions, que les membres du Conseil constitutionnel ne sont pas encore réunis pour se prononcer sur la question et déterminer la date des futures élections.
Nous souhaitons un prompt rétablissement au président, et nous formons des vœux pour que nos frères de l’est trouvent bien vite une solution pour la question de la succession de leur chef d’Etat. Nous espérons que la raison prime, que la sagesse soit au rendez-vous chez notre voisin englué dans d’insondables problèmes, malgré son opulence, en dépit de ses caisses pleines à craquer de pétrodollars, une situation qui poussait, déjà, certains observateurs à qualifier l’Algérie d’homme malade du Maghreb arabe, bien avant même que le président Bouteflika n’entre à l’hôpital.
Pourquoi donc demandons-nous que la raison et la sagesse dominent la pensée de l’institution militaire algérienne ? Parce que les propos du Premier ministre de ce pays frère, Abdelmalek Sellal, au sommet d’Adis Abeba, qualifiant le Maroc de pays de l’apartheid, sont extrêmement graves, et d’autant plus graves qu’ils ont été prononcés devant les représentants de l’Afrique du Sud qui savent mieux que personne que le Maroc a été le plus grand soutien de leur résistance contre ce système précisément de l’apartheid, et qui savent aussi que l’un des premiers actes de Nelson Mandela, une fois président de la République, fut de se rendre au Maroc aux fins de le remercier pour son aide apportée à la majorité noire dans sa lutte contre la minorité blanche…
Rappelons-nous de l’humoriste français Coluche, qui disait que « si vous voulez faire un bon politicien, il vous suffit d’avoir une mauvaise mémoire ».
Pour notre part, nous nous devons de suivre ce qui se produit chez le voisin, car la géographie a son importance en dépit des frontières fermées, des relations coupées et de la guerre diplomatique qui bat son plein. En effet, l’escalade algérienne contre le Maroc et la tentative d’Alger d’attirer vers elle l’Union africaine pour l’impliquer encore plus dans le conflit du Sahara en plus du fait de qualifier le Maroc, pour la première fois, d’ « Etat raciste » pour le seul fait d’avoir échoué à faire élargir aux droits de l’Homme le mandat de la Minurso… tout cela est inquiétant, très fortement inquiétant.
Les pays non démocratiques ont une grande propension à s’engager dans les guerres, grandes et petites ; les pays non démocratiques dirigés par l’armée sont toujours disposées à s’embarquer dans de folles aventures militaires ; les pays non démocratiques commandés par la troupe et qui vivent des crises en interne penchent bien souvent pour exporter leurs malheurs vers les autres et, dans le cas algérien, quel autre pays que le Maroc pourrait aussi bien servir d’exutoire à ses problèmes ?!
Et donc, voilà pourquoi les propos sans mesure et irréfléchis de Hamid Chabat, qui a évoqué la récupération par le Maroc de sa zone orientale occupée par l’Algérie, trouvent un écho très favorable dans les bureaux des généraux d’Alger, et portent le risque de faire renaître à tout moment des programmes aujourd’hui en sommeil. Chabat peut jouer comme il veut sur le plan interne, peut agonir d’injures Benkirane et/ou Benabdallah s’il le souhaite, mais qu’il s’éloigne des questions politiques liant le Maroc à son voisin de l’est. Il s’agit de choses sérieuses, graves, qui ne peuvent entrer dans les considérations politiciennes pour glaner un ministère là et grappiller un fauteuil ici, surtout dans une telle conjoncture…
La meilleure chose à faire est de se taire et de calmer les ardeurs des uns et des autres, non de basculer dans la provocation… Aidons nos voisins à dépasser cette phase avec le moins de dégâts possibles, aussi bien pour nous que pour eux…
Taoufiq Bouachrine