Le projet américain d’élargissement du mandat de la Minurso aux droits de l’Homme suscite de vives réactions au Maroc. Touchera-t-il le fond de la question?
Sid Ahmed Ghozali, ancien Premier ministre algérien nous a fait un jour ce commentaire : « Le problème du Sahara ne peut être réglé sans accord entre le Maroc et l’Algérie. Et pour y parvenir, il faut qu’il y ait des mesures de confiance mutuelle entre les deux pays. Autrement, je vois mal comment sortir de cette situation »Contacté par Menara, le jeudi 18 avril 2013, à propos de la proposition américaine d’élargir le mandat de la MINURSO au volet des droits de l’Homme, Sid Ahmed Ghozali a estimé que c’est l’une des conséquences de ce conflit qui perdure et qui n’a vraiment pas de raison d’être : « Si les Algériens et les Marocains se mettent d’accord, ni les Américains, ni les Français ni aucune autre partie ne pourra intervenir ».
Cela dit moins de vingt quatre heures avant la divulgation du projet américain, vendredi dernier, l’ambassadeur américain à Rabat, Samuel Kaplan donnait une conférence à Casablanca où il n’a pas tari d’éloges sur l’exemple marocain et sur la proposition marocaine d’autonomie élargie au Sahara.
La France, elle aussi, s’est dite surprise par la proposition américaine. Certes, comme le relèvent tous les observateurs, la France s’opposera à ce projet s’il est présenté, mais elle n’aura pas recours à son droit de veto. On parle d’un nouveau projet co-rédigé par la France et les USA qui sera basé sur la proposition américaine, mais avec néanmoins certains arrangements qui pourraient être acceptés par le Maroc.
Pour Abderrahmane Mekkaoui, spécialiste des questions stratégiques et professeur entre autres à la Sorbonne, « élargir le mandat de la Minurso est inacceptable, étant donné que cette mission a été décidée sur la base de négociations menées au début des années 1990, en délimitant le contour et les prérogatives. On ne peut pas aujourd’hui dire que la Minurso doit s’occuper d’autre chose ».
La proposition américaine a pris forme à partir de deux rapports, le premier de Juan Mendez, le rapporteur onusien sur la torture qui après sa visite au Maroc a rendu public un document où il accuse les autorités de maltraitance des Sahraouis et le deuxième celui du centre Kennedy. La présidente du centre, Kerry Kennedy en compagnie de certains membres de cet établissement, ont également entrepris une visite au Maroc, puis à Tindouf suivi d’un rapport incendiaire à l’égard du Maroc.
Dans ses conclusions, ce rapport relève notamment que parmi toutes les missions de l’ONU à travers le monde, seule la MINURSO ne s’occupe pas des droits de l’Homme.
Le Maroc s’est alors mobilisé. Et au-delà des partis politiques, qui à l’unisson rejettent le projet américain, c’est surtout une offensive diplomatique de haut vol qui a été lancée. Taieb Fassi Fihri, conseiller du Roi, Saad Eddine Elotmani, ministre des Affaires étrangères et Yassine Mansouri, directeur général de la DGED ont entamé depuis lundi un périple qui les a conduits à Londres, Paris, Moscou.
Une tournée pour expliquer le bien fondé de la position marocaine. Mais le problème que pose l’initiative américaine, est qu’il s’agit de droits de l’Homme. On voit mal la France, la Grande Bretagne, pour ne citer que ces deux pays, s’opposer à un tel projet visant le respect des droits humains.
Quelle évolution peut prendre le dossier ? Un début de réponse sera donné aujourd’hui 22 avril quand Christopher Ross, l’envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU présentera son rapport devant le conseil de sécurité. Le projet américain ou américano-français, s’il est présenté, ne sera voté que le 25 avril2013.