Un quotidien rythmé par une contestation sans précédent, des scandales en cascade et une agitation successorale qui frise l’indécence. Mais derrière ce constat fort alarmant, une réalité moins visible et beaucoup plus effroyable érode en silence les fondements même du pays.
En effet, la satellisation de l’Etat par des réseaux d’intérêts étroits, probablement liés à des sphères d’influence extérieures, a perverti les institutions. Ce qui a affaibli leur capacité à absorber la demande sociale et annihilé leur aptitude à affronter les défis d’un monde effréné.En raison d’une accumulation de haines, de drames non soldés et de frustrations, une grande colère en latence travaille en profondeur la société. C’ est une force potentiellement destructrice qui peut se réveiller, pour peu qu’une étincelle en déclenche le mécanisme. La crise est là.
Le bilan de Bouteflika est catastrophique. Ayant bénéficié d’une exceptionnelle conjonction d’opportunités, il ne peut prétendre à aucune circonstance atténuante. Le pays rate une occasion inespérée de se réengager sur la voie de la reconstruction. Deux illustrations suffisent à révéler l’ampleur du gâchis.
En dépit d’une forte disponibilité financière, notre économie demeure tributaire de la seule industrie extractive. Ce qui accroît dangereusement la dépendance du pays et l’expose aux vicissitudes des marchés extérieurs et convoitises des blocs mondialistes. La facture alimentaire galopante en est l’indice le plus frappant. Autre aspect hypothéquant toute perspective de développement future : cette attitude permissive face au bradage du foncier agricole et industriel et son détournement de sa vocation. L’absence de vision stratégique est flagrante. En définitive, l’argent du peuple a juste servi à la consolidation du système autoritaire. L’élargissement des clientèles, le renforcement des appareils de répression et l’enrichissement sans limite des différents braconniers sont les chantiers qui ont eu la faveur de Bouteflika et de sa cour. S’offrir aussi facilement aux caprices de ces hordes hilaliennes des temps modernes est un triste destin pour l’Algérie de Abane et Ben M’hidi.
Le silence des patriotes, au-delà de leur diversité politique et idéologique, résonne comme une conspiration collective. Sommes-nous condamnés à toujours trouver le consensus dans la lâcheté ? J’ose espérer que non.
Les scandales et ceux qui les ont précédés ne sont que la partie visible de l’iceberg. Loin d’être un écart à quelque norme, ils sont la norme. Il est utile de rappeler que le caractère rentier de l’économie algérienne est le résultat d’un processus historique séculaire. Les luttes violentes pour le contrôle et l’appropriation d’un surplus extérieur ont fortement façonné son système politique et forgé les mœurs de ses pouvoirs successifs.
Qualitativement, la mainmise par le pouvoir actuel sur les ressources pétrolières ne diffère en rien du contrôle des routes de l’or exercé par les diverses dynasties musulmanes ni de la pratique de la course en Méditerranée par la piraterie sous l’occupation turque. Seules les légitimations ont changés.
Les gouvernants se sont toujours posés en tuteurs nécessaires investis de la mission de diriger les affaires du pays et de conduire le peuple vers le bonheur. La pratique du prélèvement autoritaire procède de cette mentalité néo-patrimoniale.