En tant que contre-pouvoir, la société civile peut jouer un rôle décisif dans le débat politique. Mais il est devenu évident que les Algériens ne s’indignent plus, et depuis longtemps. Les scandales à la pelle qui secouent la gestion de l’argent public ne semblent pas provoquer d’onde de choc au sein de la société civile.
L’affaire de corruption Sonatrach-ENI-Saipem, avec l’implication de hauts responsables algériens, si elle suscite de larges commentaires indignés chez les médias nationaux et étrangers, n’a, en revanche, provoqué aucune réaction chez le commun des Algériens.Aucune association, ni organisation, ni même une personnalité indépendante ne s’est, par exemple, constituée partie civile dans cette affaireSonatrach. Comme si n’importe qui a le droit de puiser à volonté dans l’escarcelle de l’argent public, donc du contribuable, laissant les Algériens presque de marbre.
Même si le parquet d’Alger s’est autosaisi de l’affaire, un scandale aussi retentissant aurait dû provoquer un véritable séisme politique, et les responsables impliqués, quel que soit leur niveau de hiérarchie – ou la puissance de leurs protecteurs –, sanctionnés comme il se doit.
Si les Algériens, peut-être parce que sur-politisés pendant les vingt dernières années, ont fini par se lasser d’une lutte citoyenne qui ne porte plus, comment expliquer que des étrangers, comme c’est le cas en Italie, mettent plus de zèle à dénoncer le siphonage en règle de notre argent public, effrontément dilapidé ? Inféodés pour en faire des satellites tournant autour de la gigantesque mangeoire du régime, de nombreux segments de la société civile – ou ce qui en reste – sont définitivement discrédités pour devenir des derviches tourneurs, dansant aux pieds de ceux qui les nourrissent à la main.
Rabah Amir