Une étude qui tombe à point nomméau lendemain d’un débat houleux sur l’augmentation des prix des carburants opérée samedi dernier, et après la publication de la note d’orientation stratégique de la Banque mondiale,
sur le ciblage et la protection sociale, qui pointait du doigt le système de la compensation qui bénéficie plus aux catégories aisées.
«Le budget de l’Etat est en danger», l’affirmation est faite par le chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane hier à Rabat, à l’occasion de la présentation de l’étude sur les produits subventionnés dans le cadre du système de la compensation, élaborée par le Conseil de la concurrence.
Motif évoqué par le chef du gouvernement : la compensation pèse lourd sur le budget. Les charges y afférentes sont incontrôlables. Elles ne cessent d’alourdir le fardeau du gouvernement de Benkirane. Aujourd’hui, la compensation coûte à l’Etat 6 milliards de DH par mois. Ce qui dépassera de loin les 32,5 milliards de DH, inscrits dans la loi de Finances au titre de cette année, destinés à couvrir les charges de la Caisse de la compensation. À fin mai, la compensation a absorbé 80 % de ce montant (32,5 milliards DH). Chose qui explique la dernière augmentation opérée dans les prix des carburants. Selon Benkirane, «cette augmentation a été obligatoire, vu la tendance haussière du prix du baril de pétrole sur les marchés internationaux». Ainsi, le chef du gouvernement voit en cette augmentation une solution adéquate pour faire sortir les couches sociales défavorisées de leur marasme». Sur ce registre, il est à rappeler que la plus grande part des subventions est destinée aux produits pétroliers. Et en plus, ce sont les catégories aisées qui profitent le plus de ces produits subventionnés. D’après l’étude du Conseil de la concurrence, «la subvention brute des produits pétroliers est passée de 7 milliards en 2006 à plus de 44 milliards de DH en 2011». Même constat enregistré au niveau des autres subventions destinées aux produits de base, à savoir la farine nationale de blé tendre et le sucre. En effet, pour les farines, le total des subventions est passé de 1,647 à 1,716 milliards de DH entre 2009 et 2011.
Après avoir procédé à un diagnostic cas par cas de toutes les filières des produits subventionnés dans le système de la compensation ainsi qu’à une évaluation de l’impact socio-économique de ces subventions et leur poids sur le budget de l’Etat, le staff de Abdelali Benamour a mis en relief certaines limites pouvant remettre en cause la viabilité du système. Ainsi, l’étude a pointé du doigt la charge globale de la compensation parfois supérieure aux dépenses publiques d’investissement. À titre d’illustration, le montant global de subventions a avoisiné 51,8 milliards de DH en 2011, soit 6,2 points du PIB en 2011. À cela s’ajoute un ciblage inadéquat, bénéficiant davantage aux populations favorisées et constituant une aide inconditionnelle à certains opérateurs économiques. Il s’agit du même constat fait par la Banque mondiale, dans son dernier rapport sur la protection sociale au Maroc. Cela est notamment dû à l’universalité du système de la compensation. Autrement dit, l’accès aux produits, et par ricochet, aux subventions, est ouvert à toute la population, en particulier, les catégories les plus aisées. Il est également question d’insuffisance, voire d’absence de la concurrence dans les filières concernées.
Deux scénarios de réforme
Face à cette situation, qui est de plus en plus alarmante, la réforme de la Caisse de la compensation s’avère plus que jamais nécessaire. Afin de contribuer à ce chantier, le Conseil de la concurrence a esquissé quelques pistes de réformes, susceptibles de redresser la barre. Ainsi, deux scénarii de réformes substantielles ont été proposés. Le premier a trait à la libéralisation des filières. Ce scénario sera basé sur la suppression des subventions directes et le maintien de la fiscalité en vigueur. Il incitera ainsi à la concurrence et à l’éthique des affaires. Cependant, ce système pourra altérer le pouvoir d’achat des catégories défavorisées et générer des impacts négatifs sur la compétitivité du tissu productif national.
Quant au second scénario, il prévoit des mesures d’accompagnement à la libéralisation. Ce système sera centré sur la modulation fiscale, les aides directes aux catégories cibles de la population et celles destinées aux opérateurs économiques. Ce système permettra ainsi de réaliser une économie budgétaire allant de 25 et 30 milliards DH, selon la taille de la population cible et le montant de transfert par personne et par an.
Modulation fiscale
L’étude du Conseil de la concurrence a démontré que les modulations fiscales, comme piste de réforme, pourraient réduire des recettes fiscales de plus de 5,2 milliards de DH. Ainsi pour la filière sucrière, il sera question, d’une part, de supprimer les droits à l’importation du sucre brut (35 %), à travers l’application de ces droits uniquement, lorsque les cours baissent et, d’autre part, de supprimer la taxe sur la valeur ajoutée.