Les résultats des législatives du 10 mai 2012 reflètent toute la crise politique qui tétanise l’Algérie dont le processus de démocratisation, entamé dans les années quatre‑vingt‑dix, a été contrarié par les louvoiements du pouvoir et la violence islamiste. Aujourd’hui, ce sont justement les partis qui incarnent le pouvoir et la mouvance théocratique de l’Alliance de l’Algérie verte qui remportent la majorité des sièges.
Que signifie cette domination du tandem conservateur alors que le champ de la compétition a été ouvert à plus de quarante formations politiques dont une dizaine de nouveaux venus ? D’abord, s’il faut croire les chiffres annoncés, moins de la moitié du corps électoral s’est prononcée et aucune majorité partisane écrasante ne s’est dégagée de la consultation malgré les 220 sièges obtenus par le FLN. Ensuite, une petite enquête de proximité suffit pour s’apercevoir que la tranche d’âge qui s’est déplacée vers les bureaux de vote se situe au‑dessus de la quarantaine d’années pour la majeure partie. Ce sont donc à la fois l’électorat stable de l’ex‑parti unique et les fidèles de l’euphorie démocratique de l’après‑octobre 1988 qui ont pris part aux joutes, par des candidatures ou un bulletin glissé dans l’urne.En ce sens, ces échéances électorales ont été une aubaine pour le pouvoir qui a réussi à obtenir un taux de participation politiquement correct grâce à une arithmétique trompeuse, un taux auquel se greffe la victoire des courants que ce pouvoir a confisqués ou qu’il a enfantés, le FLN, le RND et l’islamisme politique. Un vrai tour de magie que cette caution, partielle mais bruyante, à un pouvoir fortement contesté il y a seize mois lors d’émeutes populaires exprimant un ras‑le‑bol général.
Par contre, il est à redouter que cette répartition de la représentation des citoyens n’exclue la majorité silencieuse, en coupant l’Algérie en deux : les supporters actifs du régime politique actuel d’un côté et les autres en face, ces derniers attendant un changement radical par‑delà ces clivages obsolètes qui finissent par souder dans l’hémicycle les rentiers politiques de la Révolution et les fondamentalistes, contre tout mouvement progressiste de la société.
Ainsi, ces élections législatives n’auront pas crevé l’abcès des frustrations de l’Algérie en ébullition. La transformation de la protesta latente en une transition pacifique par les urnes n’a pas eu lieu. Les élections n’ont apporté aucune réponse à la crise politique du pays. Dès lors, la nouvelle APN s’avère d’ores et déjà en rupture avec une large partie du peuple. Un coup de force habile pour les tenants du pouvoir, un rendez‑vous démocratique raté pour l’Algérie. En prévision d’un probable retour de manivelle, les officiels devraient réfléchir deux fois avant de pavoiser.