C'est comme si rien ne s'était passé. Premier test électoral en Algérie depuis la vague du printemps arabe, les élections législatives du 10 mai ont produit un résultat quasi identique aux élections de 2007, selon les résultats publiés vendredi. Le Front de libération nationale (FLN), qui domine la scène politique depuis l'indépendance, et qui est aussi le parti du président Abdelaziz Bouteflika, garde le contrôle de l'Assemblée nationale. L'Algérie serait donc, si l'on en croit les chiffres officiels, hermétiquement imperméable au vent de changement qui souffle sur le monde arabo-musulman.
De l’avis de Ahmed Adhimi, politologue, la situation d’après les élections législatives est «très dangereuse» ; il n’a pas hésité à la comparer à celle de l’Egypte avant la chute de Moubarak. «Les dernières élections en Egypte (législatives de 2010) avaient renforcé le Parti national démocratique (PND) de Hosni Moubarak, ce qui n’a pas empêché sa chute et par la suite l’embourbement de l’Etat égyptien», compare M. Adhimi. Et de poursuivre : «Personne ne s’attendait à ce résultat (victoire écrasante du FLN). Le FLN comme première force politique c’est acceptable car c’est l’un des rares partis qui sont présents sur tout le territoire national. Toutefois, obtenir 220 sièges sur 462, c’est une autre situation», juge le politologue. Par «autre situation», M. Adhimi vise une situation de statu quo et d’absence de changement «dans le cas où le peuple a voté pour le FLN», dit-il.
La fraude est partie intégrante de la nature du régime algérien. Dans un pays démocratique, l’organisation des élections n’est pas seulement entre les mains d’une seule institution. La fraude, en Algérie, est organisée intelligemment, pour que personne ne détecte les anomalies.
Nous avons constaté que des fichiers électoraux communaux contiennent les noms de personnes décédées et plusieurs centenaires. En outre, les corps constitués ont reçu l’injonction de voter pour un seul parti, le FLN. Mais au final, j’insiste sur le taux officiel d’abstention qui est tout de même révélateur ; avec 57%, les Algériens transmettent un message. Ils refusent le régime et veulent un changement.
La majorité de la population sait que nous sommes dans un régime présidentiel et que les députés n’ont aucun pouvoir réel, tant sur la gouvernance que la politique socio-économique. Pour des raisons culturelles de manque de repères et n’ayant pas préparé depuis l’indépendance le personnel politique, n’ayant jamais eu d’élections transparentes et libres, et du fait de la mentalité du beylik héritée de l’époque coloniale, la majorité des Algériens sont attentifs aux paroles du Président. Je précise que la Constitution algérienne de novembre 2008 n’oblige pas le président de la République à choisir son Premier ministre au sein de la coalition majoritaire à l’Assemblée nationale. Il faut donc écarter dans toute analyse objective ces résultats du programme des candidats souvent déconnectés tant des réalités locales que mondiales, discours lassants qui n’ont fait que multiplier des promesses démagogiques et des engagements farfelus, loin de la réalité, le parti FLN, en plus, instrumentalisant à des fins partisanes le passé historique.
Interrogée sur le satisfecit des observateurs européens, Mme Hanoune se dit étonnée de voir que les observateurs n’ont rien vu et n’ont constaté aucune anomalie. «Ceci nous inquiète et nous pousse à nous interroger sur les gages que ces observateurs ont reçus de la part du pouvoir. La transparence des élections ne saurait être l’œuvre des observateurs. Nous sommes apparemment toujours dans les pratiques exécrables du parti unique», renchérit-elle. Invitée à faire sa lecture de l’analyse de Ould Kablia qui a évoqué «le vote-refuge» des Algériens, la responsable du PT fustige le ministre qui n’hésite pas à dire une chose et son contraire et, maintenant, trouve des justificatifs aux résultats du scrutin. «Un vote-refuge par rapport à quoi ? Cette explication est ridicule et aucun Algérien n’avalera cette couleuvre», déclare Mme Hanoune. Notons que le bureau politique du PT doit se réunir pour étudier et décider des actions à entreprendre, notamment en ce qui concerne son retrait ou pas de l’Assemblée.
«L’Algérie a perdu l’occasion d’aller vers un changement démocratique et pacifique après ce scrutin», a déclaré hier le président du Front du changement, Abdelmadjid Menasra, lors d’une conférence de presse. Il a aussi dénoncé une fraude massive et s’est dit prêt pour une alliance avec les autres partis de l’opposition.