Ah qu’il est joli cet as de pique sorti de la manche du président Bouteflika ! Tel ce joueur de poker qui sent la fin de la partie, le président algérien sort une carte pour tenter de calmer la fronde contre lui : l’ouverture des médias publics à l’opposition. A dix jours de la marche du 12 février à Alger, Bouteflika sort cette carte de sa manche comme un magicien sortant un lapin de son chapeau. Certes, la manœuvre est quelque peu habile, mais elle intervient tard. Trop tard même.
Alors que l’Algérie est assise sur une poudrière, alors que les feux des émeutes qui ont embrasé le pays ne sont pas encore éteints, Bouteflika se fait violence en tentant de céder sur deux mesures : l’ouverture des médias publics à l’opposition et la levée de l’état d’urgence. Je m’en tiens au volet concernant les médias.
La belle affaire ! Prés de douze ans après son accession au pouvoir, le chef de l’Etat ordonne subitement à son gouvernement d’ouvrir les médias publics à l’opposition. Lui qui a monopolisé les médias ; lui qui s’est autoproclamé rédacteur en chef de l’agence officielle APS ; lui qui n’a jamais organisé une conférence de presse en Algérie avec des journalistes de son pays ou accordé un entretien à un journal algérien ; lui qui a géré de son bureau de la présidence les nominations et les limogeages des directeurs de la télévision publique ; lui donc se transforme aujourd’hui en parangon de la liberté d’expression et du pluralisme médiatique. La belle affaire !
Comment croire à la sincérité de Bouteflika lorsqu’on sait qu’il n’a eu de cesse de refuser, au cours de ses douze années passées à la tête de l’Etat, de lever le monopole sur les médias publics, qu’il n’a eu de cesse de truster la télévision algérienne au point où celle-ci est surnommée par l’opinion publique « Canal Boutef » ?
Comment croire à la sincérité de Bouteflika quand on sait qu’il a renié tous les engagements qu’il avait pris lors de son accession au pouvoir en 1999 ? N’est-ce pas lui qui en septembre 1999 disait aux journalistes étrangers l’air bravache : « Mes adversaires auront tous les droits, y compris à la télévision. Je ne crains rien. L’ère du mensonge et de l’hypocrisie est terminée. On ne peut faire le bonheur d’un peuple malgré lui. »
C’est que cet homme, à l’orée de son premier mandat en 1999, a promis l’ouverture des médias publics à l’opposition. Cet homme qui s’est épanché sur tous les médias de la planète sauf ceux de son pays, s’est engagé au début de son premier mandat à ce que les médias publics soient ouverts à la concurrence. Que presse écrite, télé et radio de son pays seront, de son vivant, libres et indépendants.
Et qu’a donc fait Bouteflika en matière de liberté de la presse, deux ans après son accession au pouvoir ? Il a ordonné à son ministre de la Justice de l’époque, Ahmed Ouyahia, de promulguer deux nouveaux amendements au code pénal qui criminalisent les délits de presse, amendements adoptés par l’assemblée nationale le 16 mai 2001.
Alors, il me revient à l’esprit cette anecdote racontée par un ministre qui avait assisté à ce Conseil des ministres qui s’est tenu en 2001 et au cours duquel le ministre de la Justice, Ahmed Ouyahia, avait présenté l’avant-projet de loi portant sur ces deux amendements.
Lorsqu’ Ahmed Ouyahia achève la présentation de son avant de projet de loi dans lequel il est stipulé, en substance, que les journalistes reconnus coupables d’offenses au chef de l’Etat sont passibles de 3 ans de prison, Bouteflika aurait donc fait cette objection : « Pourquoi 3 ans ? Mettez-leurs 5 ans ! »
Dans sa grande aversion pour les journalistes algériens, sans doute estimait-il que trois années de taule ne seraient pas suffisamment dissuasives pour les journalistes récalcitrants et qu’il fallait donc leurs rajouter deux autres années.
C’est donc ce président qui restera dans l’histoire pour avoir criminalisé le délit de presse, qui a transformé radio et télévision en organes de propagande au seul service de son régime dans la pure tradition des régimes de l’ex-URSS, ce président qui n’a jamais reçu dans son bureau des dirigeants de l’opposition contrairement à son prédécesseur Liamine Zeroual, ce président donc découvre en février 2011 quelques vertus au pluralisme médiatique.
Il me revient encore cette phrase prononcée par Bouteflika lors d’un entretien accordé à l’Express (19 août 1999) dans lequel il confessait son admiration pour le président américain Thomas Jefferson (1743 -1826), un des rédacteurs de la Déclaration d’Indépendance : « Mais je suis un fervent admirateur du président Jefferson, lequel aurait préféré un pays où la presse est libre à un autre doté d’un bon gouvernement. »
Oui on peut confesser son admiration pour un des pères fondateurs de l’Amérique sans pour autant s’inspirer de ses actes.
Par Farid Alilat
Alors que l’Algérie est assise sur une poudrière, alors que les feux des émeutes qui ont embrasé le pays ne sont pas encore éteints, Bouteflika se fait violence en tentant de céder sur deux mesures : l’ouverture des médias publics à l’opposition et la levée de l’état d’urgence. Je m’en tiens au volet concernant les médias.
La belle affaire ! Prés de douze ans après son accession au pouvoir, le chef de l’Etat ordonne subitement à son gouvernement d’ouvrir les médias publics à l’opposition. Lui qui a monopolisé les médias ; lui qui s’est autoproclamé rédacteur en chef de l’agence officielle APS ; lui qui n’a jamais organisé une conférence de presse en Algérie avec des journalistes de son pays ou accordé un entretien à un journal algérien ; lui qui a géré de son bureau de la présidence les nominations et les limogeages des directeurs de la télévision publique ; lui donc se transforme aujourd’hui en parangon de la liberté d’expression et du pluralisme médiatique. La belle affaire !
Comment croire à la sincérité de Bouteflika lorsqu’on sait qu’il n’a eu de cesse de refuser, au cours de ses douze années passées à la tête de l’Etat, de lever le monopole sur les médias publics, qu’il n’a eu de cesse de truster la télévision algérienne au point où celle-ci est surnommée par l’opinion publique « Canal Boutef » ?
Comment croire à la sincérité de Bouteflika quand on sait qu’il a renié tous les engagements qu’il avait pris lors de son accession au pouvoir en 1999 ? N’est-ce pas lui qui en septembre 1999 disait aux journalistes étrangers l’air bravache : « Mes adversaires auront tous les droits, y compris à la télévision. Je ne crains rien. L’ère du mensonge et de l’hypocrisie est terminée. On ne peut faire le bonheur d’un peuple malgré lui. »
C’est que cet homme, à l’orée de son premier mandat en 1999, a promis l’ouverture des médias publics à l’opposition. Cet homme qui s’est épanché sur tous les médias de la planète sauf ceux de son pays, s’est engagé au début de son premier mandat à ce que les médias publics soient ouverts à la concurrence. Que presse écrite, télé et radio de son pays seront, de son vivant, libres et indépendants.
Et qu’a donc fait Bouteflika en matière de liberté de la presse, deux ans après son accession au pouvoir ? Il a ordonné à son ministre de la Justice de l’époque, Ahmed Ouyahia, de promulguer deux nouveaux amendements au code pénal qui criminalisent les délits de presse, amendements adoptés par l’assemblée nationale le 16 mai 2001.
Alors, il me revient à l’esprit cette anecdote racontée par un ministre qui avait assisté à ce Conseil des ministres qui s’est tenu en 2001 et au cours duquel le ministre de la Justice, Ahmed Ouyahia, avait présenté l’avant-projet de loi portant sur ces deux amendements.
Lorsqu’ Ahmed Ouyahia achève la présentation de son avant de projet de loi dans lequel il est stipulé, en substance, que les journalistes reconnus coupables d’offenses au chef de l’Etat sont passibles de 3 ans de prison, Bouteflika aurait donc fait cette objection : « Pourquoi 3 ans ? Mettez-leurs 5 ans ! »
Dans sa grande aversion pour les journalistes algériens, sans doute estimait-il que trois années de taule ne seraient pas suffisamment dissuasives pour les journalistes récalcitrants et qu’il fallait donc leurs rajouter deux autres années.
C’est donc ce président qui restera dans l’histoire pour avoir criminalisé le délit de presse, qui a transformé radio et télévision en organes de propagande au seul service de son régime dans la pure tradition des régimes de l’ex-URSS, ce président qui n’a jamais reçu dans son bureau des dirigeants de l’opposition contrairement à son prédécesseur Liamine Zeroual, ce président donc découvre en février 2011 quelques vertus au pluralisme médiatique.
Il me revient encore cette phrase prononcée par Bouteflika lors d’un entretien accordé à l’Express (19 août 1999) dans lequel il confessait son admiration pour le président américain Thomas Jefferson (1743 -1826), un des rédacteurs de la Déclaration d’Indépendance : « Mais je suis un fervent admirateur du président Jefferson, lequel aurait préféré un pays où la presse est libre à un autre doté d’un bon gouvernement. »
Oui on peut confesser son admiration pour un des pères fondateurs de l’Amérique sans pour autant s’inspirer de ses actes.
Par Farid Alilat