Cela fait déjà plusieurs mois, pour ne pas dire des années, que les services du ministère de l’agriculture algérien, peinent à trouver les méthodes leur permettant de mieux réguler le marché de la pomme de terre. Sans succès pour l'instant.
Ce produit de base consommé quotidiennement par toutes les familles algériennes, demeure au centre d’un intérêt économique croissant, et son exploitation ne manque pas d’encourager les nouveaux venus dans le domaine de l’agriculture qui y trouvent la bonne affaire. Pourtant, il n’y a moins d'une année, les choses se présentaient tout à fait différemment. La crise vécue lors de la saison de 2008 allait bien décourager des patatiers de la première heure. L’arnaque dont ils ont fait objet de la part d’organismes stockeurs agréés par l’état en vertu de la première version du dispositif Syrpalac constituait bien une raison valable pour décourager les plus téméraires.
Le premier dispositif de régulation dit Syrpalac (système de régulation des produits de large consommation) lancé en juillet 2008, promettant des résultats fiables, n’a finalement produit que des mécontentements. Des producteurs patatiers, notamment dans les wilayas du centre du pays, Bouira, Médéa et/ou Ain Defla, se sont vu tout simplement arnaqué par certains propriétaires de chambres froides. Pour revendiquer leur dû, en l’absence d’une oreille attentive auprès des responsables du secteur de l’agriculture, ces derniers réunis dans des associations, et avec le soutien des responsables de la chambre nationale de l’agriculture, n’ont eu d'autres recours que d’investir la voie publique. Certains, sont arrivés jusqu’à menacer de déposer plainte contre le ministère de tutelle, le tenant pour responsable de leur débâcle financière qui les contraint à réduire les superficies exploitables en arrière saison.
Une année après, alors que les autorités en charge du secteur tentaient de relativiser les choses, les producteurs patatiers sont restés dans l’attente de se faire payer. Les crédits promis pour soutenir la production, notamment ceux qui devaient être accordés dans le cadre du Rfig, tardaient à venir. Ce à quoi s’ajoutaient des circonstances contraignantes comme la révision organique des statuts de la CRMA soutenant jusque-là les agriculteurs dans leurs projets d’investissement. A Bouira, les responsables de la DSA, à leur tête M. Morsli, n’ont pas cessé durant tout ce temps là, d’exhiber les réalisations faites au cours des tous derniers mois en intégrant la culture du tubercule comme élément essentiel de l’agriculture au niveau de cette wilaya. « Un discours creux et sans fondement où le mensonge fait augure de vérité absolue » diront à l’unanimité, nombre de patatiers que nous avons interrogé.
UN DISPOSITIF BIS POUR COLMATER LES FAILLES
Les pouvoirs publics qui ont reconnu – à demi-mot – l’échec de la première tentative de régulation du marché de la pomme de terre, avec bien sûr la mise en cause de certains partenaires dudit programme, saisiront l’occasion de la saison 2009, pour rebondir avec un nouveau dispositif qui n’est en vérité, qu’un réaménagement du premier Syrpalac. Ne tenant pas compte des effets désastreux de la politique de régulation suivie jusque-là, les initiateurs du nouveaux projets se sont focalisé sur le volet règlement des dus aux agriculteurs, et ont tenté d’impliquer le trésor public pour la prise en charge de la facture qui engendrée. La centralisation des opérations de régulation en amont (achat du produit auprès des producteurs) fera que le choix sera porté sur la SGP/Proda dont les différentes filiales pas du tout spécialisées en la matière, se trouvent impliquées. La spéculation sur les prix, notamment au moment de destockage sera le nouvel écueil auquel ses sociétés à capitaux limités doivent faire face.
La note signée du secrétaire général du ministère de l’agriculture en date du 18 mai 2008, enjoignant aux DSA de préparer la mise en œuvre de la deuxième version du Syrpalac a été on ne peu plus claire. Il y est écrit que « l’expérience et les enseignements tirés lors de la mise en œuvre du système de régulation de la pomme de terre ‘saison 2008’ ont conduit le ministère à mettre en place un (nouveau) dispositif de régulation réajusté dans sa conception et son fonctionnement ».
Dans ce nouveau dispositif, la réforme majeure est celle ayant pour finalité la garantie du paiement des producteurs patatiers, et ce avec la centralisation de l’opération de stockage dont le ministère avait chargé, en vertu d’une convention bilatérale, la SGP/TRODA (société de gestion des participations ‘’productions animales’’) de prendre en charge et de suivre l’opération sous le contrôle accru des services agricoles au niveau des wilayas et représentant le département de tutelle.
PARI PERDU DES POUVOIRS PUBLICS
Cependant, faut-il dire qu’à ce stade, le pari est loin d’être gagné. Si pour le volet du stockage, une issue a été trouvé, le volet de la commercialisation pose toujours un vrai problème. A ce propos, la balle est interjetée entre les différents intervenants dont ceux du commerce qui affirment avoir joué le jeu du contrôle et ceux de l’agriculture qui se félicitent des résultats dits concrétisés.
D’un coté comme de l’autre, on arrive à peine à expliquer les fluctuations du marché presque totalement sans règles. L’autre facteur évoqué par les initiés est celui de la qualité du tubercule disponible à la vente. Selon certains spécialistes « le marché de la pomme de terre est tellement stratégique pour l’avenir de l’agriculture dans notre pays, qu’il cache bien des failles que ne semble maîtriser que les spéculateurs qui trouvent toujours le moyen de tourner les circonstances en leur faveur ».
La persistance des fluctuations des prix de la pomme de terre sur les marchés de détail, demeure un fait révélateur de cette dérégulation.
Dans les régions les plus réputées pour leur surproduction de pomme de terre, notamment dans les 3 wilayas de Bouira, Médéa et Ain Defla, le consommateur est loin d’être à l’abri de ses fluctuations.
L’état ayant agit par destockage de quantités importantes de pomme de terre, a inondé le marché, mais sans pour autant produire l’effet escompté permettant au consommateur d’acquérir le bon tubercule à un prix abordable. Car, rapporté au pouvoir d’achat qui connaît une dégringolade vertigineuse ces dernières années, le kilo de pomme de terre à 50 DA demeure toujours hors de portée.
Au delà de la qualité du produit déstocké, il en est de même pour ce qui est de la garantie de stabilisation des prix qui n’a jamais été assurée au consommateur. Il reste encore à faire pour espérer gagner le pari de la régulation d’un marché où beaucoup d’acteurs se partagent le gâteau.
L.K.