On savait que la célébration du 40ème anniversaire de la Marche verte allait être, cette année, exceptionnelle. Elle l’est. Plusieurs événements illustrent le fait que « l’affaire » du Sahara touche à sa fin. Le Maroc passe à la vitesse supérieure, et finale, pendant que l’Algérie plonge dans le doute, et semble ne plus avoir ni les moyens, ni l’ « envie » de continuer.
A Tindouf, un « quarteron de dirigeants » résiste encore et toujours et à Laâyoune, les membres de la sécurité royale ont mérité leur salaire… Explications en six actes, et un final.
Acte 1 : Le roi à Laâyoune
L’événement est en lui-même anodin puisque Laâyoune est au Maroc, que Mohammed VI est roi du Maroc, et qu’il est donc tout à fait ordinaire qu’il s’y trouve, surtout que Laâyoune est le chef-lieu des provinces du Sud qui ont fait l’objet de la Marche verte, fêtée aujourd’hui. Là où les choses prennent de l’ampleur, c’est quand on apprend la déclinaison du plan de développement lancé par le roi, en présence du gouvernement, des partis politiques et dans l’adhésion totale de la population, d’ici, de là-bas et d’ailleurs.
Acte 2 : Manifestation anti-Minurso, alors que le roi passait…
Pendant qu’un plan de développement pharaonique était présenté à Laâyoune, des manifestants s’étaient regroupés devant le siège de la Mission onusienne au Sahara, dite Minurso. Ils étaient, selon un témoin qui l’a rapporté à PanoraPost, entre 20 et 30.000 personnes à proclamer la marocanité du Sahara. Ils demandaient en outre à l’ONU de partir, l’affaire du Sahara étant désormais entendue aux yeux des Marocains qui s’apprêtent à injecter près de 8 milliards de $ dans la région.
C’est le moment où le roi, habitué à sillonner les villes où il se trouve, passait dans sa Mercedes. Il ne s’agit pas de la première fois que Mohammed VI va là où des gens manifestent… Voici quelques semaines, il avait fait la même chose à Tanger, alors que les habitants de la ville criaient leur colère devant le siège d’Amendis. Il s’était enquis du problème, puis était reparti
Cette fois, à Laâyoune, et les choses étant ce qu’elles sont, la manifestation s’est transformée en bronca contre la Minurso. Des slogans étaient scandés, tels que « nous sommes des gens pacifiques et nous demandons pacifiquement à la Minurso de partir »… ou encore, plus simplement, « le Sahara est marocain ».
Des images circulent sur les réseaux, montrant les manifestants entourant la Mercedes de Mohammed VI qui avait du mal à avancer. Les membres du service de sécurité royale ont dû prendre des cheveux blancs hier à Laâyoune, avec Mohammed VI cerné par des centaines de personnes ainsi que le montre la vidéo-ci-dessous, tournée par un des manifestants, déséquilibré par des policiers et des agents de sécurité au bord de l’apoplexie, eux-mêmes bousculés par une foule déchaînée.
Acte 3 : Réaction du Polisario, qui l’a mauvaise…
Au lendemain du discours-programme du roi, le Polisario a réagi avec la fougue qu’on lui connaît, mais il semblerait que, surpris par l’ampleur des projets, annoncés, le cœur n’y est plus : « Les déclarations du roi Mohammed VI sont une offense au processus de paix élaboré par l'ONU et plongent tous les efforts du Maroc pour trouver une solution dans le discrédit », a ainsi précisé Mohamed Sidati, ministre et représentant du Polisario dans une lettre au Haut-représentant de l'UE pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité.
Le même ajoute que ce discours « discrédite l'ONU, contredisant sa charte, les différentes résolutions que ses membres ont adopté, le processus de paix et les négociations directes sous les auspices de l'envoyé personnel pour le Sahara occidental, Christopher Ross ».
Le Polisario, paniqué, commence à prendre la mesure entre l’écart de la misère entretenue dans les camps de Tindouf et le gigantisme du plan de développement lancé au Sahara… et il paraît aussi douter du soutien algérien, avec une manne financière qui s’est tarie et une crise institutionnelle interne qui s’aggrave
Acte 4 : Contre-réaction de Mezouar !
En parallèle à l’annonce d’un plan de développement dans les provinces du Sud, Rabat adresse un message clair aux Nations-Unies, et montre sa fermeté à l’encontre d’un émissaire qui, depuis plusieurs années, joue sur plusieurs fronts, joue avec le Front Polisario, et tente des manœuvres désormais dépassées.
Ainsi, intervenant sur cette question, le ministre des Affaires étrangères Salaheddine Mezouar a indiqué que le diplomate américain Christopher Ross, émissaire du secrétaire général Ban Ki-moon au Sahara, ne sera dorénavant plus autorisé à aller à Laâyoune. La logique est simple. Elle a tardé, mais elle reflète ce qui aurait dû être fait depuis longtemps. Puisque le problème met en présence le Maroc et le Polisario, avec l’Algérie en arrière-plan, c’est à Rabat que les choses doivent se discuter. Aussi, si Ross vient au Maroc, il n’a plus rien à faire à Laâyoune car c’est à Rabat que se trouvent les dirigeants marocains. Laâyoune est le simple chef-lieu d’une province et d’une Région.
« Les neuf rounds de négociations précédents à Manhasset n’ont abouti à rien. Il s’agit d’une négociation qui n’a dorénavant aucune raison d’être. En ce qui nous concerne, nous avons fait une proposition (d’autonomie) et nous sommes disposés à discuter de son contenu ; ce sont les autres qui n’ont pas évolué », assène Mezouar.
Acte 5 : Bouteflika en peine
Le même jour où le roi délivrait son discours pour le développement au Sahara, 19 personnalités algériennes, des anciens ministres, des membres de la guerre de libération, des opposants, des intellectuels et même d’anciens soutiens du président Bouteflika ont tiré la sonnette d’alarme pour leur pays, de la manière la plus émouvante qui soit. Ils ont demandé à être reçus par leur président, malade, et ont porté leur lettre dans les médias, peu sûrs qu’ils se disent que leur courrier parviendra au président par les canaux officiels.
Abdelkader Guerroudj, Zohra Drif-Bitat, Lakhdar Bourgaâ, Mustapha Fettal et Meriam Benhamza ; des politiques comme Louisa Hanoune, Khalida Toumi, Abdelhamid Aberkane, Fatiha Mentouri ; les militants des droits de l’homme Noureddine Benissad et Boudjemaâ Ghechir ; le romancier Rachid Boudjedra, entre autres, interpellent publiquement le chef de l’Etat, Abdelaziz Bouteflika, et sollicitent formellement une audience. Un moment solennel, chargé d’émotion mais surtout de l’inquiétude qui anime le groupe, notamment les anciens de la Guerre de Libération.
"La situation est quand même unique dans l'histoire : un président qui se réclame d'un peuple qu'il ne rencontre plus, auquel il ne s'adresse plus", précise le site algérien lematindz, peu suspect de sympathies pour ls opposants...
Au Maroc, invité pour la commémoration du 50ème anniversaire de la disparition de l’opposant marocain Ben Barka, l’ancien chef de la diplomatie algérienne et fierté de l’Algérie sur le plan international, Lakhdar Ibrahimi, a appelé à la mise en place d’un comité de sages marocains et algériens qui se pencherait sur la question du Sahara et œuvrerait à trouver une solution à ce problème qui entrave le développement de toute une région… qui entravait, car le Maroc a décidé, dans l’intervalle, de continuer son développement, seul, sans l’Algérie.
Et donc, à une phase de l'histoire du Maghreb où le Maroc apparaît fort et dominateur, l'Algérie semble souffrir, d'une crise de ses institutions et aussi d'un tarissement de ses ressources financières.
Acte 6 : Prolongement de l’événement au Maroc et dans le monde
On dira que les services marocains ont tout organisé… on dira que tout cela est du réchauffé… On dira ce qu’on voudra mais les faits parlent d’eux-mêmes, à moins d’accorder aux services marocains une puissance et une (omni)présence qu’ils n’ont pas.
En effet, depuis quelques semaines, une tendance saisit les réseaux sociaux. Des centaines, des milliers de facebookiens marocains s’entourent du drapeau national, changeant ainsi leur photo de profil… Les slogans marocains, les appels à ignorer les Nations-Unies au Sahara, les échanges entre les uns et les autres se sont multipliés à une cadence qui force le respect.
A Paris, hier, près d’un millier de Marocains se sont retrouvés dans une fête, scandant l’hymne national et des chants patriotiques, appelant eux aussi à la marocanité du Sahara, définitivement, que l’ONU veuille ou non. Des manifestations pareilles se sont tenues ans les pays européens d’accueil de la communauté marocaine
A Orlando, aux Etats-Unis, et en plein match de la sacrosainte NBA , des Marocains ont là aussi hissé le drapeau et chanté leurs refrains sur le Sahara. En Floride…
Acte final... Il est temps que l'ONU comprenne, enfin...
Nous sommes donc à un moment charnière de l’histoire de cette région, où l’ONU se trouve dans une situation délicate. D’un côté, un pays qui engage un processus électoral libre, puis s’engage à déverser des milliards de dollars dans une région, que lui conteste et que lui dispute un groupe de dirigeants enrichis, renfermés sur eux-mêmes et en poste depuis 40 ans, refusant d’ouvrir les portes de leurs camps aux missions ‘observation de l’ONU.
Les Nations-Unies continuent, ou semblent continuer, d’essayer de trouver une solution à une cinquantaine de milliers de personnes, plongées dans la misère dans des camps que l’Algérie refuse depuis 40 ans à remplacer par des habitations en dur. Pendnat ce temps, le Maroc engage 8 milliards de dollars. L'ONU devrait s'en féliciter et l'en féliciter...
En déclenchant son plan de développement, deux mois après des élections qui ont porté des Sahraouis aux postes de responsabilité au Sahara, le Maroc dit donc clairement à la communauté internationale : « Nous, nous investissons et allons de l’avant… Dans la région, il y a des problèmes plus sérieux que les désirs de pouvoir d’un quarteron de mercenaires ; notre plan de développement est un cas d’école, que nous sommes prêts à partager avec les pays du voisinage. Si le monde veut nous suivre en fermant définitivement ce dossier, c’est tant mieux, sinon, nous, on avance ».
Il est donc (grand) temps que l’ONU ouvre les yeux sur ce qui se passe dans cette région du monde et cesse de faire de la politique diplomatique là où il y a seulement de la déperdition rhétorique.
Aziz Boucetta