Ça commence fort à In Salah. Des photos, des vidéos compromettantes et inquiétantes ont été mises en ligne. Les garanties du gouvernement ne résisteront pas à la vue du scandale qui vient d’éclater et d’éclabousser tous les partis arrimés au pouvoir qui ont joué aux médiateurs respectueux et fraternels.
Des bassins creusés à même le sols remplis par les rejets des solutions chimiques hautement toxiques employées dans la fracturation hydraulique entourent un lieux de l’extraction à quelques encablures d’In Salah. Un des grands bassins écoule son trop-plein de vomi empoisonné sur un autre, le jouxtant, visiblement dépourvu de toile isolante. L’aspect des bassins à ciel ouvert, remplis d’une rinçure épaisse de couleur sombre et moirée, trahit la présence d’un mélange chimique dont on devine le degré de nocivité sur les êtres vivants et sur la nature. Le chantier vient à peine de commencer que déjà les ingrédients s’unissent avec la bénédiction d’Alger pour provoquer le ravage écologique tant redouté.
Le pouvoir est décidé à passer outre la volonté des habitants du sud les plus pacifiques et les moins bruyants du pays. Depuis plus d’un mois, sous un soleil de plomb, hommes et femmes — une première dans le petit univers des sociétés tribales du sud, qui montre le degré de leur détresse, mais aussi de leur maturité — sillonnent les artères de leur oasis pour demander un moratoire et ouvrir un débat national qui permettra de clarifier les conditions de la prospection et de l’exploitation du gaz de schiste dans le sud ou de l’interdire si la volonté populaire l’exige. Ils se sentent aussi humains que les Français qui majoritairement ont refusé le recours au gaz de schiste jugé très nocif pour l’environnement et pour la vie tout court. À l’esprit pacifique de la contestation, les autorités opposent un dédain aristocratique. Une franche indifférence que les relais écornifleurs jouant aux gens du peuple n’arrivent pas à occulter.
Le danger du gaz de schiste est réel, Sonatrach n’a pas les moyens des garanties qu’elle prétend. Elle est tout sauf une compagnie crédible. Ces premiers bassins sont comme un oiseau de mauvais augure. Nul besoin d’être clerc pour deviner la possibilité d’infiltration à la nappe phréatique et la nécessité pour les ingénieurs de multiplier les bassins pour continuer le déversement des mois à venir. Après un an ou deux, la région d’In Salah sera tellement entachée de bassins maudits que Sonatrach pour créer son propre système des foggaras d’un genre nouveau : les vrais fakakirs de Sellal… La tragédie humaine au Sud algérien se prépare sous nos yeux. La cupidité et la morgue d’Alger n’ont pas de frontières. Plusieurs études scientifiques et de nombreuses sommités mondiales avertissent de ses graves conséquences. La pollution grandeur nature que renvoient les photos représente un bras d’honneur d’Alger à toute la population locale consternée et au-delà. Pendant que le pouvoir, préoccupé par le déclin des réserves et prix du baril, tente de prolonger la vie à sa Corne d’abondance, les habitants du sud, le mors aux dents, inhaleront les émanations toxiques que le soleil du sud fera évaporer des cloaques immondes.
À la vie médiocre et pénible du désert s’ajoute ainsi une menace chimique qui à terme provoquera des maladies et des mutations génétiques et au bout du chemin, un exode massif. Plus le temps passe, plus ils perdent confiance dans le combat. Rien n’attendrira le pouvoir et le jour où les premières victimes commencent à être dévoilées, ils savent que le pouvoir ne reconnaîtra pas sa responsabilité. Ses laquais en livrée compatiront, mais les victimes n’iront pas à Val-de-Grâce. Ou bien, il fera mine d’envoyer avec quelques malades, histoire de mieux abuser les autres dont le nombre est bien plus grand. Que reste-t-il aux gens du sud si pacifiques et si fiers ? L’astre de feu pourrait embraser autre chose que les sales bassins de Sonatrach.