LE PLUS. Ce vendredi démarre le sommet du comité Al Qods, qui est aussi le nom de la ville de Jérusalem. Il se déroule à Marrakech et réunit les soutiens de la cause palestinienne au sein du monde arabe. Pourquoi ce sommet est une initiative cruciale pour Marrakech ? Quel symbole le Roi Mohammed VI cherche-t-il à incarner sur la scène internationale ? Analyse d'Abdelmalek Alaoui, politologue.
"Au Maroc ce n’est plus Taza avant Gaza, c’est désormais Taza ET Gaza". Cette boutade prononcée par un haut responsable marocain illustre bien l’état d’esprit dans lequel se trouve la diplomatie du Royaume Chérifien alors que s’ouvre ce vendredi à Marrakech le sommet du comité Al Qods, qui réunit ce week-end tout ce que le délicat dossier du Proche-Orient compte de protagonistes de premier plan.
Bien que cette grand-messe très axée sur la question de Jérusalem en soit à sa vingtième session, elle prend cette année des atours de démonstration de force marquant le retour du Maroc – qui préside l’institution panislamique depuis 1975 – au premier plan sur le terrain de la question palestinienne.
Le Maroc prend des initiatives, cherche de la visibilité
Au-delà du trait d’esprit de l’officiel marocain évoqué plus haut, la remarque revêt donc en réalité une signification profonde quant à l’évolution de la doctrine de politique étrangère marocaine.
En effet, dès son accession au trône, en 1999, Mohammed VI affirmait la prééminence des chantiers intérieurs – dont la ville de Taza est un avatar – sur l’agenda international, rompant ainsi avec l’activisme diplomatique tous azimuts de Hassan II. À la fin des années 1990, l’empreinte de ce dernier est indéniable et systématique sur de grands dossiers mondiaux tels que la crise au Proche-Orient, au sein de laquelle le roi défunt avait réussi à installer le Maroc comme l’État-pivot d’une approche pragmatique alors inédite pour un pays arabe.
Ce capital diplomatique, le successeur de Hassan II, Mohammed VI, entend bien le faire fructifier, mais à sa manière, après avoir adressé les chantiers économiques importants qui attendaient le pays.
Quatorze ans après, une grande partie des chantiers intérieurs du Maroc étant lancés – le pays a doublé son PIB dans l’intervalle – et des réformes majeures engagées (notamment sur le plan institutionnel et constitutionnel), le Maroc de Mohammed VI reprend l’initiative de manière visible sur le dossier du Proche-Orient, bien qu’en réalité, sa capacité d’influence et sa médiation en coulisses n’aie jamais vraiment cessé.
Pour le Royaume, le comité Al Qods et son bras armé financier, l’agence Bayt Al Mal Al Qods, est un instrument d‘influence autant que de rayonnement. À ce titre, la minutie ainsi que la dimension conférée à ce sommet – auquel doit participer Mahmoud Abbas ainsi qu’une vingtaine de ministres des Àffaires étrangères – semble indiquer que le Maroc est en train de se repositionner sur l’échiquier international à un moment très particulier de l’initiative de médiation américaine au Moyen-Orient.
Un sommet à triple détente
D’un point de vue tactique, ce sommet du Comité Al Qods remplit plusieurs finalités. Il permet d’abord au Maroc de devenir pendant quelques jours la capitale "politique" du monde arabe solidaire de la cause palestinienne et de jouer le rôle de courtier d’influence auprès des grandes puissances impliquées dans le dossier.
En outre, cette conférence positionne le pays en première ligne sur le dossier emblématique de la préservation de l’identité de Jérusalem, chère aux opinions publiques arabes.
Il faut ici préciser que ce sommet intervient après une année 2013 assez intense sur le plan international pour Mohammed VI, émaillée de deux tournées africaines et d’une rencontre aux États-Unis avec Obama durant laquelle l’allié américain a clarifié sa position sur l’épineux dossier du Sahara.
Sur le plan de la diplomatie religieuse, le Royaume a de plus entamé cet automne un programme de formation de 500 imams maliens afin de leur inculquer les valeurs de l’"islam du milieu", prôné clairement par le chef de l’État marocain lors de l’investiture du président Ibrahim Boubakar Keïta (IBK).
La tenue du sommet du comité Al Qods intervenant après cette double séquence importante, le Maroc serait désormais en train de préciser ses nouvelles priorités en matière de politique étrangère.
En premier lieu, le Maroc souhaite à travers cette initiative affirmer son leadership et son autorité spirituelle suite à l’érosion de l’influence d’autres centres religieux et culturels dans le monde arabe. Le pays veut dans le même temps utiliser sa profondeur africaine – éminemment économique – et l’utiliser comme levier dans sa politique transatlantique.
Autre axe fort poursuivi par Rabat : celui de cheville ouvrière de la médiation discrète entre Israéliens et Palestiniens, perpétuant en cela une longue tradition de tractations secrètes entre les parties tenues sous l’égide du Royaume dès le milieu des années 70.
De manière plus globale, ce sommet du Comité Al Qods vise un objectif stratégique fondamental pour Mohammed VI : celui de démontrer que le Maroc peut dérouler une subtile stratégie de puissance sans utiliser pour autant une "diplomatie du chéquier" à l’instar d’autres pays arabes.
À travers cela, le Roi réaffirme sa vocation à être le centre de gravité indiscutable de la définition de la politique étrangère du Royaume, le gouvernement étant chargé de la faire vivre à travers la gestion de l’appareil diplomatique.
Par Abdelmalek Alaoui Analyste politique
Bien que cette grand-messe très axée sur la question de Jérusalem en soit à sa vingtième session, elle prend cette année des atours de démonstration de force marquant le retour du Maroc – qui préside l’institution panislamique depuis 1975 – au premier plan sur le terrain de la question palestinienne.
Le Maroc prend des initiatives, cherche de la visibilité
Au-delà du trait d’esprit de l’officiel marocain évoqué plus haut, la remarque revêt donc en réalité une signification profonde quant à l’évolution de la doctrine de politique étrangère marocaine.
En effet, dès son accession au trône, en 1999, Mohammed VI affirmait la prééminence des chantiers intérieurs – dont la ville de Taza est un avatar – sur l’agenda international, rompant ainsi avec l’activisme diplomatique tous azimuts de Hassan II. À la fin des années 1990, l’empreinte de ce dernier est indéniable et systématique sur de grands dossiers mondiaux tels que la crise au Proche-Orient, au sein de laquelle le roi défunt avait réussi à installer le Maroc comme l’État-pivot d’une approche pragmatique alors inédite pour un pays arabe.
Ce capital diplomatique, le successeur de Hassan II, Mohammed VI, entend bien le faire fructifier, mais à sa manière, après avoir adressé les chantiers économiques importants qui attendaient le pays.
Quatorze ans après, une grande partie des chantiers intérieurs du Maroc étant lancés – le pays a doublé son PIB dans l’intervalle – et des réformes majeures engagées (notamment sur le plan institutionnel et constitutionnel), le Maroc de Mohammed VI reprend l’initiative de manière visible sur le dossier du Proche-Orient, bien qu’en réalité, sa capacité d’influence et sa médiation en coulisses n’aie jamais vraiment cessé.
Pour le Royaume, le comité Al Qods et son bras armé financier, l’agence Bayt Al Mal Al Qods, est un instrument d‘influence autant que de rayonnement. À ce titre, la minutie ainsi que la dimension conférée à ce sommet – auquel doit participer Mahmoud Abbas ainsi qu’une vingtaine de ministres des Àffaires étrangères – semble indiquer que le Maroc est en train de se repositionner sur l’échiquier international à un moment très particulier de l’initiative de médiation américaine au Moyen-Orient.
Un sommet à triple détente
D’un point de vue tactique, ce sommet du Comité Al Qods remplit plusieurs finalités. Il permet d’abord au Maroc de devenir pendant quelques jours la capitale "politique" du monde arabe solidaire de la cause palestinienne et de jouer le rôle de courtier d’influence auprès des grandes puissances impliquées dans le dossier.
En outre, cette conférence positionne le pays en première ligne sur le dossier emblématique de la préservation de l’identité de Jérusalem, chère aux opinions publiques arabes.
Il faut ici préciser que ce sommet intervient après une année 2013 assez intense sur le plan international pour Mohammed VI, émaillée de deux tournées africaines et d’une rencontre aux États-Unis avec Obama durant laquelle l’allié américain a clarifié sa position sur l’épineux dossier du Sahara.
Sur le plan de la diplomatie religieuse, le Royaume a de plus entamé cet automne un programme de formation de 500 imams maliens afin de leur inculquer les valeurs de l’"islam du milieu", prôné clairement par le chef de l’État marocain lors de l’investiture du président Ibrahim Boubakar Keïta (IBK).
La tenue du sommet du comité Al Qods intervenant après cette double séquence importante, le Maroc serait désormais en train de préciser ses nouvelles priorités en matière de politique étrangère.
En premier lieu, le Maroc souhaite à travers cette initiative affirmer son leadership et son autorité spirituelle suite à l’érosion de l’influence d’autres centres religieux et culturels dans le monde arabe. Le pays veut dans le même temps utiliser sa profondeur africaine – éminemment économique – et l’utiliser comme levier dans sa politique transatlantique.
Autre axe fort poursuivi par Rabat : celui de cheville ouvrière de la médiation discrète entre Israéliens et Palestiniens, perpétuant en cela une longue tradition de tractations secrètes entre les parties tenues sous l’égide du Royaume dès le milieu des années 70.
De manière plus globale, ce sommet du Comité Al Qods vise un objectif stratégique fondamental pour Mohammed VI : celui de démontrer que le Maroc peut dérouler une subtile stratégie de puissance sans utiliser pour autant une "diplomatie du chéquier" à l’instar d’autres pays arabes.
À travers cela, le Roi réaffirme sa vocation à être le centre de gravité indiscutable de la définition de la politique étrangère du Royaume, le gouvernement étant chargé de la faire vivre à travers la gestion de l’appareil diplomatique.
Par Abdelmalek Alaoui Analyste politique