Un demi-siècle après l’indépendance, ce qui était présenté naguère, dans les ferveurs des années soixante et soixante dix comme un modèle pour le Tiers-Monde n’est plus que l’illustration de son ratage idéologique et de son sinistre social et économique.
Une véritable mafia, aux contours variables suivant les conjonctures et les rapports de force, s’est appropriée la rente pétrolière et gazière.
Les clés des spasmes qui secouent le régime algérien durant les décennies écoulées avec leurs cortèges mortifères de règlements de comptes et de liquidations sont dominantes pour expliquer ce qui se passe dans ce pays.
Jusqu’à cette maudite affaire Sonatrach qui a jeté le discrédit sur La Famille, puis la longue maladie qui avait frappé le Grand Parrain, se faire coopter par le FLN ne posait aucun problème. Le chef était craint. Du reste, il le reste toujours puisque même l'islamiste Abderazak Mokri a compris : le retour de Bouteflika en Algérie, fût-il sur une chaise roulante, n'augure rien de bon.
Lui qui a si longtemps plaidé pour l’application de l’article 88 de la Constitution et demandé la procédure d’empêchement du président de la République change de ton.
L'autre vendredi, dans son discours à l’ouverture des travaux du Madjliss echourra (Conseil consultatif) du parti, le président du MSP, Abderazak Mokri, a exprimé « sa satisfaction du retour du Président », à qui il a souhaité un « prompt rétablissement ». Il a eu des formules toutes aussi courtoises et mielleuses les unes que les autres : « Notre éducation et notre moralité ne nous permettent pas d’entrer dans la dissertation autour de l’état de santé du Président par respect à lui et à sa famille » ; « Nous ne pouvons pas parler de son état de santé, car nous ne le connaissons pas et nous n’avons pas la prérogative de vérifier cela »... Bref, les temps sont à la prudence. Ou à l’euphorie, si l’on en juge par la réaction du groupe parlementaire du FLN qui s’est réjoui du retour « sain et sauf » du président de la République et s’est dit « disposé à le soutenir ».
Mais une joie loin d’être partagée par tous : l’hospitalisation du Grand Parrain a fini par faire sortir de petits louveteaux du bois. Écoutez donc le coordinateur du Bureau politique, Abderrahmane Belayat, qui minimise l’impact du retour de Bouteflika sur l’activité du FLN : « Le parti a appris à gérer sa crise sans l’intervention directe ou indirecte du Président et il continuera à le faire ». Regardez donc ces parvenus du FLN qui tentent de s’opposer à la convocation du Comité central, qui oublient que dans La Famille, le Grand Parrain, le Don, arrive à cette place par hérédité, par le sang, et qu’il est bien rare qu'un second couteau monte les échelons jusqu'à une telle place. Tout le monde n’est pas Al Capone qui avait commencé portier avant de devenir chef de sa propre organisation. Le privilège du Grand Parrain est trop immense pour être laissé à la disposition du premier quidam venu. Le Grand Parrain détient le pouvoir sur son clan, ordonne à ses capos, aux soldats. Il a une autorité incontestable dans sa Famille. Mais c'est toujours comme ça avec les U Viddanu, les ploucs et les péquenots, ils s’autorisent toutes les ambitions, même les plus insensées, oubliant que le tout n'est pas de côtoyer La Famille, mais de faire partie de La Famille fondatrice, celle par qui est venu le pouvoir illégitime, La Famille qui a organisé le putsch contre le gouvernement provisoire en 1962 et qui, depuis, s'est emparée du pouvoir comme d'un bien propre.
Durant toute l'hospitalisation du Grand Parrain, ils ont bafoué les règles de La Famille. Il en est même qui ont revendiqué l’application de l’article 88 de la Constitution, les culottés ! Il a fallu qu’on leur rappelle haut et fort que La Famille est liée à la notion de « parrain », que le Grand Parrain est le chef de l'organisation, que chaque homme lui doit le « respect » ; celui qui enfreint cette règle doit mourir. Il a fallu répéter que La Famille est hiérarchisée de manière pyramidale, comme toute grande mafia ; que tout en haut lieu le Grand Parrain puis le consigliere Saïd Bouteflika qui conseille le Don, lui montre des choses qu'il n'aurait peut-être pas forcément vues, puis, à l'échelle inférieure, les sous-chefs et les capos qui agissent sur le terrain. Il a fallu leur rafraîchir la mémoire sur le caractère sacré et invincible de La Famille. Ainsi a-t-on entendu s’égosiller le brave Belayat, dans un numéro d’hypocrisie de haute voltige : « Le FLN est majoritaire. Ce n'est pas deux ou trois partis qui pourront déstabiliser le pays. Ils veulent l'application de l'article 88, alors que Bouteflika est juste en convalescence. Il n'est pas mort ou invalide. Ceux qui appellent à son application ne peuvent nous l'imposer » (Journal Le Temps du 2 juin).
Il a même été nécessaire de répéter que La Famille, empruntant le schéma de Cosa Nostra, possède un territoire, repose sur un rite initiatique, un mythe fondateur, une dimension ethnique et bien entendu, pour ceux qui l’auraient oublié, sur la violence. C’est pourquoi les dés sont pipés. Basé sur la dimension ethnique, le pouvoir de La Famille est structuré autour du double critère discriminant du sang et du sexe de sorte qu’il empêche toute possibilité de « renversement » du Grand Parrain, que le clan n’est donc constitué que des membres d’une même famille au sens généalogique, ce qui permet de comprendre la solidarité des membres mais aussi le faible nombre d’initiés.
Les deux principales institutions qui pourraient procéder à la destitution du Grand Parrain aux termes de l’article 88 de la constitution, le Conseil constitutionnel et le Sénat, sont entre les mains du fidèle Tayeb Belaiz qui est né dans la ville de Maghnia, dans la wilaya de Tlemcen, et du non moins fidèle Abdelkader Bensalah qui est d’origine marocaine, officiellement né le 24 novembre 1941 à Fellaoucene, à Tlemcen. Il a acquis la nationalité algérienne par naturalisation en septembre 1965, à l’âge de 24 ans. Ne parlons pas des hommes de confiance qui géraient l’argent, ils étaient tous de la borgata ouest, Temmar, Benachenhou ou Chakib Khelil tandis que la clé de la police et du contrôle du territoire étaient en sécurité chez Yazid Zerhouni, un pur fils du Maroc.
Il va falloir sortir le grand jeu maintenant. L’été sicilien ne fait que commencer.
Une véritable mafia, aux contours variables suivant les conjonctures et les rapports de force, s’est appropriée la rente pétrolière et gazière.
Jusqu’à cette maudite affaire Sonatrach qui a jeté le discrédit sur La Famille, puis la longue maladie qui avait frappé le Grand Parrain, se faire coopter par le FLN ne posait aucun problème. Le chef était craint. Du reste, il le reste toujours puisque même l'islamiste Abderazak Mokri a compris : le retour de Bouteflika en Algérie, fût-il sur une chaise roulante, n'augure rien de bon.
Lui qui a si longtemps plaidé pour l’application de l’article 88 de la Constitution et demandé la procédure d’empêchement du président de la République change de ton.
L'autre vendredi, dans son discours à l’ouverture des travaux du Madjliss echourra (Conseil consultatif) du parti, le président du MSP, Abderazak Mokri, a exprimé « sa satisfaction du retour du Président », à qui il a souhaité un « prompt rétablissement ». Il a eu des formules toutes aussi courtoises et mielleuses les unes que les autres : « Notre éducation et notre moralité ne nous permettent pas d’entrer dans la dissertation autour de l’état de santé du Président par respect à lui et à sa famille » ; « Nous ne pouvons pas parler de son état de santé, car nous ne le connaissons pas et nous n’avons pas la prérogative de vérifier cela »... Bref, les temps sont à la prudence. Ou à l’euphorie, si l’on en juge par la réaction du groupe parlementaire du FLN qui s’est réjoui du retour « sain et sauf » du président de la République et s’est dit « disposé à le soutenir ».
Mais une joie loin d’être partagée par tous : l’hospitalisation du Grand Parrain a fini par faire sortir de petits louveteaux du bois. Écoutez donc le coordinateur du Bureau politique, Abderrahmane Belayat, qui minimise l’impact du retour de Bouteflika sur l’activité du FLN : « Le parti a appris à gérer sa crise sans l’intervention directe ou indirecte du Président et il continuera à le faire ». Regardez donc ces parvenus du FLN qui tentent de s’opposer à la convocation du Comité central, qui oublient que dans La Famille, le Grand Parrain, le Don, arrive à cette place par hérédité, par le sang, et qu’il est bien rare qu'un second couteau monte les échelons jusqu'à une telle place. Tout le monde n’est pas Al Capone qui avait commencé portier avant de devenir chef de sa propre organisation. Le privilège du Grand Parrain est trop immense pour être laissé à la disposition du premier quidam venu. Le Grand Parrain détient le pouvoir sur son clan, ordonne à ses capos, aux soldats. Il a une autorité incontestable dans sa Famille. Mais c'est toujours comme ça avec les U Viddanu, les ploucs et les péquenots, ils s’autorisent toutes les ambitions, même les plus insensées, oubliant que le tout n'est pas de côtoyer La Famille, mais de faire partie de La Famille fondatrice, celle par qui est venu le pouvoir illégitime, La Famille qui a organisé le putsch contre le gouvernement provisoire en 1962 et qui, depuis, s'est emparée du pouvoir comme d'un bien propre.
Durant toute l'hospitalisation du Grand Parrain, ils ont bafoué les règles de La Famille. Il en est même qui ont revendiqué l’application de l’article 88 de la Constitution, les culottés ! Il a fallu qu’on leur rappelle haut et fort que La Famille est liée à la notion de « parrain », que le Grand Parrain est le chef de l'organisation, que chaque homme lui doit le « respect » ; celui qui enfreint cette règle doit mourir. Il a fallu répéter que La Famille est hiérarchisée de manière pyramidale, comme toute grande mafia ; que tout en haut lieu le Grand Parrain puis le consigliere Saïd Bouteflika qui conseille le Don, lui montre des choses qu'il n'aurait peut-être pas forcément vues, puis, à l'échelle inférieure, les sous-chefs et les capos qui agissent sur le terrain. Il a fallu leur rafraîchir la mémoire sur le caractère sacré et invincible de La Famille. Ainsi a-t-on entendu s’égosiller le brave Belayat, dans un numéro d’hypocrisie de haute voltige : « Le FLN est majoritaire. Ce n'est pas deux ou trois partis qui pourront déstabiliser le pays. Ils veulent l'application de l'article 88, alors que Bouteflika est juste en convalescence. Il n'est pas mort ou invalide. Ceux qui appellent à son application ne peuvent nous l'imposer » (Journal Le Temps du 2 juin).
Il a même été nécessaire de répéter que La Famille, empruntant le schéma de Cosa Nostra, possède un territoire, repose sur un rite initiatique, un mythe fondateur, une dimension ethnique et bien entendu, pour ceux qui l’auraient oublié, sur la violence. C’est pourquoi les dés sont pipés. Basé sur la dimension ethnique, le pouvoir de La Famille est structuré autour du double critère discriminant du sang et du sexe de sorte qu’il empêche toute possibilité de « renversement » du Grand Parrain, que le clan n’est donc constitué que des membres d’une même famille au sens généalogique, ce qui permet de comprendre la solidarité des membres mais aussi le faible nombre d’initiés.
Les deux principales institutions qui pourraient procéder à la destitution du Grand Parrain aux termes de l’article 88 de la constitution, le Conseil constitutionnel et le Sénat, sont entre les mains du fidèle Tayeb Belaiz qui est né dans la ville de Maghnia, dans la wilaya de Tlemcen, et du non moins fidèle Abdelkader Bensalah qui est d’origine marocaine, officiellement né le 24 novembre 1941 à Fellaoucene, à Tlemcen. Il a acquis la nationalité algérienne par naturalisation en septembre 1965, à l’âge de 24 ans. Ne parlons pas des hommes de confiance qui géraient l’argent, ils étaient tous de la borgata ouest, Temmar, Benachenhou ou Chakib Khelil tandis que la clé de la police et du contrôle du territoire étaient en sécurité chez Yazid Zerhouni, un pur fils du Maroc.
Il va falloir sortir le grand jeu maintenant. L’été sicilien ne fait que commencer.