La maladie du chef de l’Etat et la gestion médiatique qui en a été faite n’a pas été sans conséquences. La gestion médiatique de cette affaire qui est loin d’être une simple question de famille, a été plus catastrophique pour les pouvoirs publics.
Avant de s’intéresser de près à ce limogeage qui n’a, d’ailleurs, pas été annoncé par les circuits officiels, il faut revenir un petit peu en arrière. Car, si le grade de l’homme n’est pas le plus élevé de la hiérarchie militaire, son influence est incroyablement importante. Car, depuis une dizaine d’années, le Colonel Fawzi fait et défait le monde de la presse. L’attribution des agréments ? C’est lui. Les accréditations pour la presse étrangère ? C’est encore lui. Qui donne son quitus pour la distribution de la manne publicitaire de l’ANEP ? Le Colonel Fawzi. Mais qui donne encore les tuyaux et les rumeurs lorsque le régime a besoin de faire de la propagande ? C’est encore lui.
C’est justement à cause de ce dernier point, c’est-à-dire la propagande, que le militaire, au parcours apparemment exemplaire, aurait été sacrifié. Car, dans ce genre d’affaires, la médaille a aussi son revers et à force de « trop » côtoyer les hommes et femmes des médias, on risque de faire des erreurs. Surtout lorsqu’on compte parmi ses amis des hommes aussi controversés que Hichem Aboud. Les deux hommes ne se connaissent pas uniquement dans les médias. Ce sont des « amis d’enfance » et de « carrière ». Est-ce les prétendues fuites de Hichem Aboud sur la santé de Bouteflika qui aurait coûté son poste à « Fawzi » ? On n’en sait rien. Mais des « fuites » -encore des fuites !- indiquent que l’homme a payé cash sa gestion médiatique de la santé du président.
Le Colonel Fawzi a été remplacé, selon TSA et El Watan, par un autre Colonel. Il s’appelle Okba. Ces informations sont à prendre avec des pincettes car rien n’a encore été confirmé. Ceci dit, il est plus que jamais question de s’interroger sur la relation qu’entretient le régime algérien avec les médias. Va-t-elle réellement changer ? Pas si sûr. Surtout que, il y a 14 ans, l’actuel chef de l’Etat avait crié à la face de Abdelaziz Rahabi, alors ministre de la communication : « je suis le rédacteur en chef de l’APS et de la télévision ». Pour le reste, l’ombre fera lui-même sa propre lumière.
Le limogeage du colonel Fawzi, premier propagandiste du centre de la communication et de diffusion, relevant du DRS, peut-il sauver la face à une presse ayant sombré complètement dans les profondeurs de la schizophrénie, ne pouvant plus transcrire les réalités du pays ? Une presse qui n’arrive plus a faire avaler la pilule « du terrorisme » au peuple et a cacher les remous qui secouent l’armée a travers la lutte des clans pour la conquête du pouvoir ?
Par sa pensée unique et son racolage dans les milieux de la pègre et du trabendo sans la moindre relation avec l’art, la culture et la communication, le DRS a définitivement déconnecté les médias algériens de leur public. Il existe une pléiade de journaux qui dans l’apparence donne l’impression de la diversité mais dans laquelle la sensibilité effective du peuple et les attentes légitimes de l’Algérie ne sont guère reproduits.
Les algériennes et les algériens n’ont plus confiance dans leur presse. Outre que seul un citoyen sur six se donne la peine d’acheter un quotidien, huit algériens sur dix estiment que les événements ne se déroulent pas comme les retranscrit la presse nationale. Machinalement, sans se rendre compte, les medias algériens reproduisent les réflexes du régime en considérant le lecteur comme un prévenu, une menace qu’il faut neutraliser et non un citoyen à qui on doit l’information. Par les règles imposées à la corporation et auxquelles s’accrochent fièrement les éditeurs, le journaliste algérien est devenu malgré lui la police de la pensée. En lisant la presse, on a l’impression qu’on est ailleurs et non en Algérie, tant aucun des conflits auxquels est confrontée quotidiennement la population n’est retranscris. Le mensonge, la manipulation et la complaisance sont devenus le pain béni des medias algériens.
Le fiasco du DRS ne se limite pas à seul seuil. Par des lois scélérates, plusieurs journaux ont cessé d’exister et de nombreux journalistes qualifiés ont quitté la profession (le plus souvent chassés et calomniés par les gardiens du temple), alors qu’à moins d’une heure de temps d’Alger, dans un département français plus petit que Tizi ouzou, on peut compter jusqu’à 1200 journaux, entre presse locale, régionale, nationale et autres revues et magazines spécialisées. L’Algérie tout entière ne dépasse les 100 journaux, alors que la mondialisation et la numérisation ont tracé à l’insu du régime algérien des autoroutes de communication.