Depuis que le président Bouteflika a prononcé sa célèbre phrase “Tab Jenana” (en français notre verger est mûr), certains algériens ont naivement cru à la promesse du changement. Cette fois-ci pensaient-ils, c’est la bonne, une nouvelle génération va accéder aux manettes de l’Etat. La gérontocratie a enfin acceptée de céder la place en partant avec les honneurs.
C’était très mal connaitre Bouteflika et les hommes du pouvoir actuel. Pour eux, la stabilité du pays rime avec l’immobilisme de la politique institutionnelle, ils ne veulent pas du changement, ni dans la vitesse, ni dans la précipitation, et surtout pas de leur vivant.
De façon ironique, si le changement dans l’Algérie de Bouteflika n’est pas d’actualité, la raison en est que le pays vit des évènements exceptionnels. Il faut reporter d’urgence le renouveau de l’exécutif car
début juin, il y a le Baccalauréat. Il faut laisser l’inamovible ministre de l’éducation Benbouzid réaliser l’objectif assigné de 70% de bacheliers ignorants.
Début juillet, il y a le cinquantenaire de l’indépendance. Le gouvernement n’a rien organisé pour fêter l’évènement, autant ne pas avoir de nouveaux ministres qui vont remuer l’histoire et risquer de troubler le présent. Ensuite, il y a le Ramadan. C’est la période des rencontres d’El Mouradia entre son excellence le président Bouteflika, son éminence grise le Général-Major Médiène et quelques ministres seniors, l’agenda est déjà cloturé. Alors, pas de ramdam pendant le Ramadan. Et puis l’été, il fait chaud, la canicule y est souvent exceptionnelle. Le pays tourne au ralenti. La machine étatique est à l’arrêt. Pas question de la redémarrer dans ces conditions.
Et on arrive à la rentrée de septembre à décembre, il ne faut pas bousculer les usages et les usures. Le président et le pays ne supporteront pas une inauguration de l’année universitaire avant la mi-décembre, quoi de mieux que des ministres loyaux, serviables et surtout serviles pour garder ce rythme monotone et stérile.
La suite vous la connaissez. Il y aura les éliminatoires exceptionnelles de la coupe du Monde, des élections locales fraudées d’une transparence exceptionnelle, un accord verbal imminent exceptionnel d’une usine Renault, etc… rien ne doit perturber le semblant de dynamisme et la posture rouillée du régime.
En fait, il y a une certitude qui surnage de cette procrastination des institutions. Le verger du régime va continuer à pourrir. Ce qui va surtout mûrir, c’est la folie démente du peuple (“Jenane el houkam yakhmedj, jen el chaab ytib“). Et tout porte à croire que la génération au pouvoir va finalement partir, non la tête haute, mais plutôt les pieds devant, pour rejoindre d’autres illustres indispensables au cimetière d’El Alia.