Alors que l’Algérie est en ébullition à cause de la faible performance des législatives du 10 mai, la presse locale semble avoir trouvé le moyen de faire diversion sur les sujets essentiels à la construction de la démocratie en Algérie en braquant les projecteurs sur l’actualité au Maroc et plus précisément la question du Sahara.
Pour le professeur de sciences politiques, Abderrahim Manar Slimi, la question du Sahara alimente au quotidien la presse algérienne et le régime l’utilise comme moyen de détourner l’attention de l’opinion publique sur les vrais problèmes et défis auxquels le pays est confronté. Il s’agit, a-t-il estimé, d’une caractéristique propre aux régimes fermés qui ont du mal à instaurer une véritable démocratie.
Mieux, certaines formations ont annoncé leur décision commune de boycotter le prochain Parlement qu’ils trouvent de faible légitimité, et qui doit s’ouvrir samedi prochain.
Sous l’étiquette de « Front politique pour protéger la démocratie », ces partis ont annoncé leur intention « d’installer un Parlement populaire le 26 mai 2012″, jour de l’installation de la nouvelle Assemblée.
La tension politique palpable engendrée par ces élections pèse sur la société algérienne et alimente ses inquiétudes sur l’évolution de la situation dans le pays. Le souvenir de la décennie noire -guerre civile des années 1990- est toujours vif dans la mémoire des citoyens algériens, dont les préoccupations sont peu ou pas du tout reflétées par la presse locale, qui était à la recherche d’une échappatoire pour détourner le regard sur la nouvelle donne.
Dans une pathétique manoeuvre d’exutoire médiatique, les journaux algérois et oranais se sont saisis, à coeur joie, de la décision du Maroc de retirer sa confiance à l’envoyé personnel du secrétaire général de l’ONU pour le Sahara, Christopher Ross.
Entre le 17 et le 22 mai, la presse francophone a consacré, à elle seule, trois éditoriaux, 20 commentaires et une dizaine d’articles à la décision marocaine. Presque les mêmes statistiques pour les journaux édités en langue arabe, sans compter la presse électronique.
En produisant autant d’articles et de commentaires sur le Maroc, la presse algérienne veut créer un front externe pour détourner l’attention de l’opinion publique sur la situation politique interne, a affirmé, pour sa part, le professeur des relations internationales, Taj Eddine Al Hossaini dans une déclaration à la MAP.
La stratégie de l’Algérie dans ses aspects politique et militaire, a-t-il expliqué, consiste à vouloir consolider son front interne tout en affaiblissant son entourage régional en cherchant à créer des problèmes externes. Le grand intérêt ainsi porté à une décision souveraine trahit, en effet, la duplicité de la politique et du discours de l’Algérie. Tantôt elle défend crânement la non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats, tantôt elle s’arroge le droit de s’immiscer, même par voie médiatique, dans celles de ses voisins. En miroitant toujours de nobles principes dont elle fait un usage désabusé. Jamais l’expression de presse aux ordres n’a trouvé d’illustration plus caricaturale. Le même article, les mêmes arguments, tournent en boucle, pathétiquement, sur tous les médias même, hélas, dans les plus respectables d’entre eux.
Les journaux algériens, connus pour être les porte-voix de certains groupes d’intérêts, ne ratent aucune occasion pour passer au peigne fin le moindre événement ou détail de la vie politique, économique, sociale, voire artistique ou sportive, au Maroc. Même un sit-in des employés de la propreté dans une commune de l’Anti-Atlas trouvera facilement preneur sur les colonnes de la presse algéroise.
S’intéresser aux nouvelles de son voisin est une chose somme toute normale. Mais de là à en faire une obsession, cela fait éveiller des doutes sur les véritables motivations. Ce paradigme s’applique parfaitement aux titres algériens, qui dépensent beaucoup d’énergie pour tenir leurs lecteurs bien informés de ce qui se passe chez les voisins.
Jamal CHIBLI