"Ils analysent les relations internationales à l'aune de critères révolus, ils se veulent en quelque sorte fidèles à un monde disparu et du même coup font preuve de myopie", soutient ce spécialiste du Maghreb, dans un entretien au quotidien français "Le Figaro".
M. Stora avance notamment des facteurs "historiques" pour expliquer cette position "ambiguë" de l'Algérie, qui a recueilli sur son sol l'épouse et trois enfants du colonel libyen Mouammar Kadhafi, après la chute de son régime, et refusé de reconnaître le Conseil national de transition (CNT). Il évoque ainsi "la matrice culturelle du régime algérien" qui a "peu changé depuis l'époque Boumediene". "Cela peut paraître difficile à croire, mais les dirigeants algériens donnent l'impression de ne pas tenir compte de la nouvelle donne géopolitique, qu'il s'agisse de la chute du mur de Berlin, de la fin de la guerre froide, de l'élection de Barack Obama...", a-t-il ajouté.
En Algérie, a-t-il poursuivi, "le courant conservateur tient la corde, mais il ne représente pas forcément l'armée. Il y a des islamo-conservateurs ou de vieux nationalistes arabes qui sont toujours au pouvoir, qui s'accrochent au passé et qui ne comprennent pas les aspirations aux changements de la jeunesse arabe, en particulier de la jeunesse berbère, nombreuse, éduquée et à l'affût des bruits du monde".
A la question de savoir si l'Algérie pourrait échapper au printemps arabe, l'historien d'origine algérienne reconnaît que "face à l'immobilisme du régime, il y a une aspiration très forte au changement", mais il estime que "le rythme de ce changement ne sera pas le même".
"Les Algériens ont déjà beaucoup donné dans le passé. La guerre d'indépendance, le printemps berbère, l'instauration du multipartisme en 1988. Le traumatisme de la guerre civile des années 1990 pèse toujours sur la société algérienne", a-t-il estimé.
D'autre part, les "Algériens sont de plus en plus choqués par la répression en Syrie, suivent avec intérêt le processus de démocratisation en Tunisie et craignent également un possible isolement de leur pays sur la scène internationale. Comment, dans ces conditions, ne pas croire à un changement démocratique en Algérie?", s'est-il interrogé.