Ma déception fut grande de ne rien voir de ce pays :
-- pas de survol des 1100 kilomètres de côtes ;
-- pas d'interventions des habitants en public ;
-- pas de documentaires sur les sites touristiques du littoral (ni de l'intérieur).
En fait rien, rien de l'Algérie, si ce n'est un reportage réalisé sur une "plage privée" et un documentaire sur le tournage du film de Merzak Allouache sur les harragas.
Les premières paroles de Georges Pernoud auraient dû m’inviter à éteindre la télévision : en substance, l'Algérie n'est pas un pays comme les autres... Il faut des autorisations pour tout... La côte est souillée par la pollution...
Mais ma curiosité m'a poussé à tout regarder y compris les sujets bouche-trous.
En fait, Thalassa a rencontré un problème : l'Algérie n'est pas un pays touristique. Il y a bien quelques Européens qui font des circuits au Sahara. Mais le nord n'est fréquenté que par les émigrés. D'ailleurs la plupart d'entre eux ne font pas de tourisme ; ils rendent visite à leurs familles.
Pour faire du tourisme, les conditions ne sont pas réunies en Algérie :
-- il n'y a pas suffisamment de bureaux de tourisme. (Risque d'arriver sur un site archéologique le jour de la fermeture)
-- il y a très peu d'hôtels pour la classe moyenne. Doit-elle fréquenter les "Sheraton" aux prix prohibitifs ou bien se rabattre sur des établissements sans aucune garantie de confort et d'hygiène ? (Beaucoup d'hôtels des années fastes périclitent, d’autres tirent leurs subsides de pratiques réprouvables).
-- il n'y a pas de moyens de transport réguliers. Les lignes aériennes intérieures restent chères (sauf pour quelques privilégiés, par exemple les employés de la Sonatrach) ; les trains sont quasi inexistants (Alger/Tizi-Ouzou : un aller-retour par jour !) ; les routes sont surchargées pour les plus fréquentées avec des risques d'accident, vétustes pour les moins fréquentées avec des risques de faux barrages.
-- il n'y a pas d'espaces de convivialité :
-- où boire une "gazouze" quand on est une femme ou quand on voyage en couple (en dehors des cafés où il n'y a que des hommes qui clopent !)
-- où s’asseoir pour lire ? (Peu de jardins et pas de bancs publics !)
-- où voir un film, un pièce de théâtre, un récital ? (Salles délabrées et programmation inconsistante)
-- où satisfaire ses besoins naturels ? (Pas de sanitaires publics fréquentables !).
Il n'y a pas non plus de services :
-- où retirer des devises ? (La Poste et les Banques manquent fréquemment de coupures et il vaut mieux être bien accompagné aux rares distributeurs automatiques !).
-- où faire ses achats en confiance ? (Produits contrefaits et risques d'intoxication alimentaire !).
-- où obtenir rapidement tel ou tel document ? (Administrations désorganisées avec passe-droits et bakchichs !)
Enfin, je dirais qu'il n’y a même plus le "légendaire" sens de l'accueil.
Pour être à l'aise le touriste a besoin d'un minimum de liberté :
-- aller et venir sans provoquer la suspicion.
-- admirer les paysages sans être gêné par les ordures omniprésentes.
-- photographier la foule sans être soupçonné d'intentions malsaines.
-- aller au restaurant en couple sans être refoulé dans l'arrière-salle ″réservée aux familles″.
-- pouvoir manger et boire à sa guise même pendant le ramadan si on n'est pas musulman ou encore si la canicule met sa santé de musulman en danger.
-- échanger avec les habitants sans être soumis au discours officiel.
-- pouvoir être accueilli dans une famille sans risquer de lui occasionner des tracasseries.
Il apparaît donc que l'Algérie n'est pas un pays touristique.
-- Même si elle participe au Salon des professionnels du tourisme à Paris.
-- Même si elle a confié aux promoteurs arabes la réalisation de complexes balnéaires.
-- Même si elle a produit et diffusé à la ″Télévision Unique″ et sur Internet le clip ″Peux-tu garder un secret ?″, clip sensé promouvoir le tourisme en Algérie. Or l'Algérie n'y est montrée que de loin !
Le secret est bien celui-là : l'Algérie est un très beau pays mais qu'il vaut mieux voir de loin !
Georges Pernoud aurait bien fait de ne pas s'y arrêter.
Ainsi ceux qui ont connu le pays avant la montée islamiste auraient pu continuer de rêver aux bains de mer d'antan.
Malheureusement l'État algérien laisse les religieux imposer leurs dictats et tout contrôler :
-- beaucoup de magasins sont tenus par des ″Frères″ et les autres sont soumis à une ″Zakat″ spécifique. Résultat : Vous achetez un paquet de pâtes ou des piles électriques, et insidieusement vous œuvrez pour l'islamisation.
-- l'armée et la police ont dû négocier avec les islamistes. Ceux-ci récupèrent une grosse partie des ″pourboires″ laissés lors des multiples contrôles sur les routes, dans les ports et les aéroports.
-- l’école et la télévision ont formaté les esprits (En dehors de l'islam, point d’avenir en Algérie !)
Et l'État se maintient grâce à sa grande générosité ! (Couffins du ramadan, attributions de logements, pensions aux soi-disant enfants de Chahids ... Morts, ces combattants ont continué à procréer ! Allah est grand !)
Sans autorisation, pas de possibilité de déplacement officiel et encore moins d'un reportage pour une télévision étrangère ! (On déconseille aussi aux simples citoyens de nombreuses routes et pistes en raison de l’insécurité.).
D'après moi, Thalassa, n'ayant pas d'images, a dû se contenter
d'un reportage effectué au ″Veau marin″, une ″plage privée″ (Depuis quand peut-on s'approprier, même avec de louables intentions, le littoral en Algérie ?) d'un entretien avec un écrivain (Habib Ayyoub s'est évadé dans l'écriture pour survivre.) de l'évocation des harragas à travers le tournage du film de Merzak Alllouache (où, comme pour illustrer mes propos sur l’embrigadement des consciences, un acteur algérien déclare être un acteur ″hallal″ et ne pouvoir jouer la scène d’adieu avec sa fiancée.) et d’un ″direct″ avec un journaliste qui s’apprêtait à nous parler d‘Alger lorsqu’il a été (volontairement ?) coupé.
Je dis donc que Georges Pernoud n’aurait pas dû accepter de telles conditions pour son émission. Cela lui aurait évité le malaise de toute l’équipe sur le plateau et les critiques justifiées. Il était préférable de ne rien montrer de l’Algérie, ce pays "inmontrable"
À quoi bon rêver et nous faire rêver ! Sous le régime politique actuel, l’Algérie n’est pas et ne sera pas touristique sauf peut-être dans quelques palaces-ghettos pour de richissimes clients. (Des projets seraient en cours de réalisation.)
Que restera-t-il alors de la corniche kabyle, des plages aux noms paradisiaques, des sites archéologiques les pieds dans l'eau, des petits ports indispensables pour le cabotage et la pêche journalière, des sentiers côtiers ouverts par les bergers et leurs troupeaux , des plaisirs simples de nager ou marcher légèrement vêtu(e) ???
GeLamBre