Le gouvernement du Premier-ministre Ahmed Ouyahia, remanié le 28 mai 2010, est composé de 39 membres. La moyenne d’âge de leur présence au sein d’un exécutif est de plus de 10 ans. À titre de comparaison, dans l’actuel gouvernement français, cette moyenne est de 3 ans. Durant la Régence d’Alger, par exemple, la moyenne des deys à la tête de leurs petites régences, était de 6 ans.
Jamais dans l'histoire de l'Algérie indépendante, des ministres n’ont occupé aussi longtemps leurs fonctions que durant le règne du président Abdelaziz Bouteflka. Parmi les actuels titulaires des portefeuilles ministériels, il y a 11 ministres qui détiennent le record de longévité dans un même ministère.
Benbouzid
À l'image du président Abdelaziz Bouteflika qui a passé 14 ans au ministère des Affaires étrangères (1963-1979), le ministre de l’Education nationale, Boubekeur Benbouzid, a effectué 14 rentrées scolaires (1998 –2011) alors qu’il est entré au gouvernement dès 1993 comme ministre de l’Enseignement supérieur. Un vrai vétéran.
Ghoulamallah
Le ministre des Affaires religieuses, Bouabdallah Ghoulamallah, a lui organisé 14 pèlerinages de son siège de Hydra depuis sa nomination le 25 janvier 1997. Un autre record depuis l’Independence du pays en juillet 1962.
Abbes
Mohamed Chérif Abbes veille depuis 12 ans sur le précieux budget des moudjahidines (anciens combattants de la révolution) alors qu’Amar Ghoul est ministre des Travaux publics depuis 2003, c'est-à-dire depuis 8 ans.
Ghoul
Ancien député islamiste, Amar Ghoul a fait son entrée dans le gouvernement de Bouteflika en décembre 1999 comme ministre de la Pêche et des Ressources halieutiques. En dépit de l’affaire de corruption liée au projet de l’autoroute qui a décapité son staff, Amar Ghoul a résisté au scandale.
Ould Abbes
Djamel Ould Abbes est logé à la même enseigne. Nommé en décembre 1999 ministre de la Solidarité nationale, il y est resté 9 ans avant d’être muté au département de la Santé.
Barkat
Said Barkat, ministre de la Solidarité nationale depuis mai 2008, lui aussi est venu dans les bagages du président Bouteflika qui lui a offert le portefeuille de l’Agriculture en décembre 1999. Voilà onze déjà.
Malgré le scandale qui a éclaboussé son département, Barkat a réussi à passer à travers les gouttes pour se maintenir en tant que ministre.
Toumi
Aucun ministre de la Culture depuis l’indépendance du pays n'a duré aussi longtemps que Khalida Toumi. Cette ancienne militante de la cause féminine, ex-responsable au sein du RCD (Rassemblement pour la culture et la démocratie), est en poste depuis 2002.
Medelci
Le ministre des Affaires Etrangères, Mourad Medelci est lui aussi insubmersible. C’est en 1988, sous le gouvernement de Kasdi Merbah, que ce natif de Tlemcen a fait son entrée dans un exécutif au poste de ministre du Commerce. Depuis, Medelci a enchainé les départements ministériels et les fonctions officielles au point de détenir le record de 23 ans passés au sommet de l’Etat.
Rahmani
Le ministre de l’Environnement, Chérif Rahmani, détient le même record. Entré à la même année que Medelci au poste de ministre de la Jeune et des Sports, il est encore en fonction en février 2011 après avoir transhumé par différents départements et avoir occupé le poste de Gouverneur d’Alger.
Sellal
Abdelmalek Sellal n’est pas plus mal logé. Ancien wali, ancien ambassadeur, il arrive au département de l’Intérieur en 1998 pour n’y effectuer qu’un passage de deux ans. Tour à tour ministre de la Jeunesse et des Sports, des Travaux publics, puis des Transports, il officiel désormais au ministère de l’Hydraulique.
Belaiz
Le garde des Sceaux, Tayeb Belaiz, originaire de Tlemcen, est devenu indétrônable au ministre de la Justice. Ancien magistrat, Belaiz a fait son entrée dans le gouvernement de Bouteflika en 1999 comme ministre de la Solidarité nationale. Depuis 2003, il préside aux destinées du département de la Justice. Huit ans déjà. Un autre record à ce poste depuis l’Independence de l’Algérie.
Messahel
Le Ministre délégué auprès du Ministre d'État, ministre des Affaires étrangères, Chargé des affaires africaines, Abdelkader Messahel est un autre dinosaure de la politique. Nommé à ce poste en 2000, il cumule aujourd’hui onze ans de service à la tête de ce secrétariat d’Etat. Lui aussi est originaire de Tlemcen.
Louh
Un autre ministre également natif de Tlemcen. Tayeb Louh occupe le portefeuille de la Sécurité sociale depuis mai 2003. C'est-à-dire depuis 8 ans.
Tou
Son collègue au département des Transports, Amar Tou, est lui aussi inamovible. Nommé en 1997 (14 ans déjà ) ministre de l’Enseignement et de la recherche scientifique, Tou a navigué entre différents ministères. Lui égalment a cette petite particularité d’être originaire de Tlemcen.
Ould Kablia
Le ministre de l’Intérieur, Dahou Ould Kablia, n’a rien à envier au reste des ministres. Cet ancien du MALG, embryon de la sécurité militaire algérienne, a travaille à l’ombre de son prédécesseur Yazid Zerhouni comme ministre délégué auprès de ce dernier, avant de le remplacer en mai 2010.
Zerhouni
Yazid Zerhouni. Cet ancien numéro de la sécurité militaire, arrive au ministère de l’Intérieur en décembre 1999 où il a régné pendant onze ans avant d’y être débarqué. Nommé Vice-Premier ministre le 28 mai 2010, il reste un des symboles forts de l’ère de Bouteflika.
Et la liste est loin d’être exhaustive….
Belkadem
Dans cette équipe de dinosaures de la politique, de professionnels de la politique, il reste deux personnages. Abdelaziz Belkhadem et Ahmed Ouyahia. Le premier occupe désormais les fonctions de ministre d’Etat et de représentant personnel du chef de l’Etat. Islamiste BCBG, Belkhadem, actuel SG du FLN, a été nommé Chef du gouvernement en mai 2006 avant d’en être remercié sans explications en juin 2008.
Ouyahia
Le second détient un autre record dans son genre. Ahmed Ouyahia est le seul Chef du gouvernement de l’Algérie à avoir occupé ce poste trois fois de suite. A intervalles irrégulières, tout de même.
Nommé par le président Liamine Zeroual à la tête de l’exécutif le 31 décembre 1995, il est remercié en décembre 1998, puis rappelé en mai 2003, congédié en mai 2006, puis rappelé de nouveau en juin 2008. Un autre record.
Jamais, depuis l’indépendance du pays, un chef du gouvernement n’a connu autant de fortunes et d’infortunes.
Critères d'allégeance et de proximité
Cette omniprésence aux plus hautes fonctions de l’Etat, ces records de longévité dans les départements ministériels, cette capacité des uns et des autres à se maintenir au sein des ministères de la république illustrent, on ne peut mieux, la problématique de la légitimité du pouvoir en Algérie.
Ils illustrent aussi la confiscation de ce pouvoir par une caste de nantis qui doivent leurs nominations et leurs maintiens à des critères autres que ceux qui relèvent de la compétence et de la bonne gouvernance.
Cette omniprésence aux postes ministériels, cette propension qu’ont certains ministres à se maintenir à leurs postes en dépit des scandales, en dépit de l’usure du pouvoir, en dépit du bon sens, malgré l’échec patent de leurs politiques respectives, demeurent au cœur de la problématique du pouvoir en Algérie.
C’est que ces hommes et ces hommes ne sont pas choisis, maintenus, ou dégommés, en fonction de leurs compétences, en fonction des résultats obtenus au sein de leurs départements, mais plutôt en fonction de leur proximité avec le sérail, en fonction de leur aptitude à faire allégeance au sérail.
Tlemcen, capitale du pouvoir
Ils ne doivent pas leur nomination ou leur déchéance au suffrage des urnes, mais au degré de leur allégeance au sérail, et dans le cas de certains ministres, à leur lieu de naissance. C'est à dire Tlemcen, région de l'ouest du pays où le président Bouteflika aurait vu le jour en 1937 bien qu'il soit né à Oujda au Maroc.
Jamais sans doute dans l'histoire de l'Algérie indépendante, un gouvernement n'a compté autant de ministres ( pour ne pas parler des ambassadeurs, des conseillers de la présidence et autres commis de l'Etat) originaires du même région, c'est à dire Tlemcen, 520 km à l'ouest d'Alger.
Si tout ces critères de nomination, de maintien et de dégringolade remontent au début de l’histoire de l’Algérie indépendante, force est de constater qu’ils ont été accentués depuis l’arrivée du président Bouteflika au pouvoir en avril 1999.
Le président Bouteflika n’a certes rien inventé en matière de mauvaise gouvernance. Il n’a fait que perpétuer les vieilles pratiques du système.
Mais ce président, plus que nul autre de ses prédécesseurs, a poussé ces critères jusqu’à la caricature.