Après les dernières attaques terroristes dans la région du Sahara,la France a souhaité une résolution rapide du conflit entre l'Algérie et le Maroc sur le Sahara, pour assurer la sécurité dans la région.Un avis que partage le chercheur et activiste des droits de l'Homme Lahcen Haddad .Au micro d'Africaguinee.com, il explique les menaces liées à l'émergence d'un Etat saharaoui dans la région et invite la communauté internationale à agir pour résoudre ce conflit qui dure depuis une trentaine d'années.Exclusif!
Africaguinee.com :Le Président français Nicolas Sarkozy a déclaré lundi au cours d’une rencontre à New york avec SM le Roi Mohamed VI, que « le règlement du conflit au Sahara est un facteur déterminant pour unifier le Maghreb et assurer la sécurité dans la région ».Partagez-vous cet avis du président français ?Lahcen Haddad:Je partage entièrement cet avis parce que la résolution du conflit au Sahara est importante pour l’intégration économique des pays du Maghreb qui permettra de relever le défi de l’emploi, de la croissance économique. Elle permettra aussi à surmonter les fléaux dans les domaines de sécurité, surtout en cette période où la région sahélienne est devenue un terrain fertile pour les groupes terroristes, des narcotrafiquants et passeurs de clandestins. Ce sont des groupes qui sévissent dans la région et je ne crois pas que le Mali ou la Mauritanie peuvent seuls,surmonter ces fléaux ; ils auront besoin des pays du Nord en l’occurrence le Maroc, l’Algérie, la Tunisie et la Libye pour venir à bout .Mais sans résolution de ce conflit, qui accentue les tensions dans la région, avec des populations qui fuient les camps de Tindouf, ce sera une sorte d’aimant qui attire ces problèmes. Quand il y a des contrebandes, l’immigration illégale, il y a des interactions avec des groupes qui sévissent dans le No man ‘s land qu’est la région du Sahara.
Parlant de la résolution de ce conflit, le Maroc a présenté mardi les avantages liés au projet d’autonomie pour le Sahara. Une proposition qui est rejetée par le Polisario qui affirme que l’autonomie n’est qu’une solution parmi d’autres. Qu’en pensez-vous ?
Oui c’est une solution parmi d’autres ! Mais les autres solutions se présentent sous forme de « gagnant-perdant ».Le projet d’autonomie est une solution « gagnant-gagnant » dans la mesure où le Polisario peut intégrer la région en tant que parti politique ou un acteur essentiel du développement socio-économique du Sahara et le Maroc gardera sa souveraineté parce qu’il y a des liens historiques qui unissent le royaume aux tribus du Sahara depuis des siècles. Alors je crois que l’autonomie a l’avantage aussi de permettre à la population sahraouie de s’exprimer sur les entités et les organes qui vont gérer leur quotidien. C’est donc une façon pour les populations sahraouies de s’auto gouverner, et ça répond dans un sens , à une demande de légitimité au niveau international.
Avec la menace terroriste qui plane dans la région, est ce que vous pensez que l’émergence d’un Etat sahraoui pourrait constituer un nid pour les groupes terroristes ?
Un petit Etat qui n’a pas de ressources qui est entre le Maroc, la Mauritanie et l’Algérie ne peut être qu’un Etat en échec. Ceci dans le sens où il y aura la convoitise des grands pays qui vont l’affaiblir mais aussi, les mouvements de populations que cet Etat ne pourra pas contrôler. A ceci s’ajoute le fait que ce sera un Etat qui sera victime de tous les problèmes tribaux qui existent au sein même du Polisario. Le Maroc joue même le rôle d’arbitre au niveau du Sahara. Etant donné donc cette fragilité sociologique, économique et politique, un petit Etat sahraoui ne sera qu’un échec et donc facilement victime des groupes terroristes. Il faut ajouter aussi que cet Etat sera vulnérable au niveau de ses côtes qui seront assez longues et il ne pourra pas contrôler ses côtes. Et donc, les trafics d’êtres humains, des activités de crimes organisées pourraient menacer la région. En l’absence d’un Etat fort, ce sont ces groupes qui vont régner dans la région à l’image de la Somalie ou du Yémen.
Lundi, le HCR a déploré le « refus du Polisario d’échanger les familles pour des visites à Tindouf ».Votre réaction ?
Je crois que c’est vraiment malheureux. Parce que c’est une action purement humanitaire. Les deux parties sont d’accord pour essayer d’organiser ces visites pour soulager les familles, mais ce sont des mesures aussi qui instaurent la confiance entre les deux parties. Alors la politisation et le refus de cette action, sont inacceptables. Je crois qu’il faut faire des échanges par la voie terrestre parce que dans les avions, seule une vingtaine de personne peut y aller à Tindouf. Alors qu’il y a des milliers de personnes enregistrées pour pouvoir bénéficier de ces visites. Et si continue à ce rythme, il nous faut 21 ans pour faire une visite par personne dans les deux parties. Je crois que l’Algérie doit permettre à ces populations de faire des visites par la voie terrestre. Parce que c’est une solution plus opportune pour le plus grand nombre. Une visite de cinq jours n’est pas une demande de trop, comparée à la douleur des familles qui sont séparées depuis des décennies.
Vous êtes ici à Genève, dans le cadre du Conseil des droits de l’Homme. Qu’attendez-vous de la communauté internationale face au problème des populations sahraouies de Tindouf ?
Je crois qu’il est temps que la communauté internationale prenne ses responsabilités .On ne peut pas admettre qu’une population soit séquestrée depuis plusieurs années et qu’elle ne soit pas libre de ses mouvements conformément aux conventions internationales pour les réfugiés. L’Algérie doit donner à ces populations le statut de réfugier, qui signifie qu’ils sont libres de quitter les camps de Tindouf. Ensuite, ces populations doivent bénéficier de la liberté de s’installer là où elles le souhaitent. Enfin, il faut compter, recenser les populations de Tindouf pour mieux gérer l’aide humanitaire. Sans oublier bien sûr, la liberté d’expression pour permettre à ces populations de s’exprimer librement. Si quelqu’un est favorable au plan d’autonomie proposé par le Maroc, il ne faut pas qu’il soit persécuté comme c’est le cas de Mustapha Salma qui a été arrêté près de Tindouf à cause des ses opinions. Je pense que c’est une violation flagrante de la liberté d’expression des populations sahraouies et je m’attends à ce que la communauté internationale se réveille et dire stop à ces genres de situations. Il ne faut pas utiliser les populations de Tindouf comme des otages pour des fins politiques, c’est une affaire humanitaire.
Entretien réalisé par Ismaël Barry
Pour Africaguinee.com