De tous les ralliements des cadres et même des dirigeants du Polisario à la mère patrie, celui de Mustapha Ould Salma Sidi Mouloud, inspecteur général de "la police du Polisario", était le plus surprenant. Et pour cause, l'homme a décidé de retourner aux camps de Tindouf, au sud-est d'Algérie, pour "essayer de convaincre les siens de la pertinence du plan d'autonomie dans la région du Sahara".
Tout le monde sait que la thèse qu'il venait de défendre à Smara, lors d'un point de presse, faisait de lui un "traître juré" des acolytes d'Abdelaziz, et surtout des généraux algériens. Et pourtant, le fils de la tribu de Rguibat est revenu "pour contribuer à une solution garantissant la dignité de tous les Sahraouis". L'embrouillement continue, cependant, de régner en maître et les analystes politiques n'ont pas trouvé assez d'éléments dans son discours qui puissent éclairer les coins obscurs et surtout les non-dits.
S'agit-il d'une position individuelle, comme l'a laissé entendre Ould Salma ? C'est possible, mais dans ce cas, le retour est une sorte de suicide avéré et la bravoure de l'homme est incommensurable. La lutte pour imposer une pluralité d'opinions au sein d'une sphère fermée relève d'un rêve presque impossible. Sinon, serait-ce une phase préparatoire par Abdelaziz et son clan pour admettre et adopter la position du plan d'autonomie par le Polisario ? Rien ne corrobore cette hypothèse. L'Algérie qui poursuit sa politique d'armement et la guerre verbale des faucons du Polisario, disent tout à fait le contraire.
S'agit-il d'un stratagème polisarien qui entend contenir la vague des ralliements parmi les Sahraouis des camps ? Une hypothèse possible aussi, dans la mesure où la conduite de Mustapha Ould Salma relève, selon eux, d'un acte de traîtrise et ce n'est pas un dirigeant du statut d'Ould Salma qui va omettre le sort de tels "renégats".
Et si l'Algérie a tout fait pour écarter les dirigeants ayant un penchant pour une certaine indépendance dans la décision du Polisario, il n'y a pas de raison qu'elle encourage à ce moment cette prise de position. Depuis l'assassinat de Mustapha El Ouali, le premier chef du Polisario, jusqu'à la mort subite de Mahfoud Beiba, le négociateur en chef et les doutes renforcés récemment par l'ignorance totale de la part des dirigeants du Polisario de la commémoration du quarantième jour de sa mort, l'Algérie donne en permanence les preuves tangibles qu'on ne badine pas avec ce genre de positions à Alger et à Tindouf. S
i l'on éloigne à des centaines de kilomètres des Sahraouis pour des simples doutes dans leurs positions, afin qu'ils ne se présentent pas devant des commissions et des délégations étrangères, de peur qu'ils divulguent des informations "dangereuses" comment peut-on ainsi permettre à l'inspecteur général de la police d'aller et revenir, et pire exprimer les propos les plus accusateurs possibles à l'égard des dirigeants !? D'autant plus que sa sortie médiatique est intervenue, à un moment où les ralliements se comptent par centaines.
L'explication de la protection tribale a été avancée, certes par plusieurs analystes, mais toujours est-il qu'elle reste insuffisante, dans la mesure où plusieurs membres de cette même tribu ont trouvé un sort périlleux à cause de leurs positions beaucoup plus atténuées que celle d'Ould Salma. En tout cas, les jours, sinon les semaines à venir pourront apporter des éléments de réponses à certaines de ces questions.
Said Ouchen